Les changements majeurs du contexte médical impliquent une adaptation de la définition de la santé
« Bonjour, comment allez-vous ? » est une question qui s’adresse à la santé de son interlocuteur, un bien précieux qui semble conditionner de nombreux aspect de notre vie. « Ça va, mais j'ai des soucis professionnels...». La réponse est double avec d'une part un « oui ça va » qui concerne probablement un aspect physique de la personne, et d’autre part un « mais j’ai des soucis professionnel » qui se rapporte peut être à des aspects psychologiques, relationnels ou financiers. La santé physique, avec ou sans maladie, ne semble plus seule en cause dans la notion de santé. Quelque chose de bien plus global semble être en jeu. Pour intervenir de façon « globale » dans le champ de la santé, nous avons besoin de nous appuyer sur une définition plus complète et plus opérationnelle de la santé.
Un changement de paradigme de la notion de santé
Le mot santé est une nominalisation, quelque chose statique que l'on a ou que l'on a pas.. C’est un peu ce qu’on retrouve dans la définition globale et statique de l’OMS qui date de 1948 : «La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité».
Une définition statique de la santé selon l'OMS
1- le caractère absolu du mot "complet" par rapport au bien-être laisse supposer une exigence de santé idéalisée. Ce qui laisserait la plupart d'entre nous dans un état de santé toujours incomplét et insatisfaisant, et ce qui a contribué involontairement à l’hyper médicalisation de la société. N’oublions pas que des personnes âgées, qui peuvent être handicapées, ou atteintes de malades chroniques lourds peuvent juger leur état de santé satisfaisant.
2- l’absence de prise en compte du contexte. En 1948, on mourrait surtout de maladies aiguës et les maladies chroniques entraînaient des décès prématurés. Et après la fin de la deuxième guerre mondiale, la vision de la santé globale était bien compréhensible. Avec les progrès médicaux, les mesures de santé publique, le vieillissement et les maladies chroniques représentent maintenant la majeure partie des dépenses de santé, ce qui exerce une pression sur sa viabilité. Dans ce contexte, la définition de l'OMS est devenue contre-productive car elle condamne les personnes atteintes de maladies chroniques et de handicaps à ne plus accéder à la santé. Cette définition minimise le rôle de la capacité humaine à faire face de manière autonome aux défis physiques, émotionnels et sociaux en constante évolution de la vie, et à fonctionner avec un sentiment de bien-être.
3-Le terme "complet " n'est ni opérationnel ni mesurable de façon objective. En raison de la référence à un état complet, la définition de la santé reste impraticable.
Il s’avérait donc nécessaire de redéfinir la notion de santé, en la replaçant dans un cadre conceptuel qui lui donne une direction dans laquelle regarder et généralement acceptée comme référence, et en lui donnant un caractère plus opérationnel pour la vie pratique, et plus facilement mesurable.
Une définition dynamique de la santé
Il faut attendre 2011 pour que H. Hubber et coll. proposent dans le British Medical Journal une nouvelle définition « La santé est la capacité à s’adapter et à se prendre en charge face à des problèmes physiques, émotionnels et sociaux ». Si cette nouvelle définition apparaît banale pour un praticien de la PNL, c’est une petite révolution dans le monde médical :
1-La notion de capacité à s’adapter, transforme la santé en un processus dynamique. La santé n'est plus un état qu'on possède ou qu'on ne possède pasmais un processus constant d'adaptation aux changements de l'environnement, afin de permettre à une pesonne de poursuivre son objectif de vie. La notion de processus présuppose aussi l'existence de progressions possibles. La notion d'adaptation présuppose des capacités de résilience pour faire face aux situations d'adversité. Le processus d'adaptation sous tend l'existence de déterminants clés de la santé qui doivent etre préservés en permanence. Par exemple le sentiment d'intégrité, de se sentir "complet", d'être dans le courant de sa vie.
2-La notion de prise en charge fait intervenir la responsabilité d’une personne à mettre en œuvre le processus dynamique qui conditionne la préservation de la santé. La santé ne dépend plus uniquement de ressources externes, par exemple les compétences des professionnels de santé, mais auusi d'une participation active de la personne malade à sa santé. La personne a donc le potentiel à devenir acteur de sa santé en apprennat à mettre en œuvre une « technologie interne » qui peut compléter et soutenir la « technologie externe » de la médecine moderne. La capacité à s’adapter et se prendre en charge face à des problèmes physiques, émotionnels et sociaux apporte une vision systémique de la santé.
Dans le domaine de la santé physique, un organisme sain est capable, face à des conditions changeantes, de mettre en place une réponse protectrice, de réduire le potentiel de dommages et de rétablir un équilibre ou une nouvelle homéostasie. Si le retour à l'homéostasie précédente reste insuffisante pour l'adaptation aux conditions changeantes, l'organisme devra alors créer une homéostasie de nature différente. L'apartition des symptômes traduit cette incapacité de l'organisme à faire évoluer son homéostasie, et parfois à la transformer lorsque les changements de l'environnement sont majeurs.
Dans le champ de la santé mentale, le "sentiment de cohérence" est un facteur clé de la capacité à faire face, à se remettre d'un stress psychologique intense et à prévenir les troubles de stress post-traumatique. « Le sentiment de cohérence comprend les facultés subjectives qui améliorent l'intelligibilité, la maniabilité et la pertinence d'une situation difficile. Une capacité renforcée à s'adapter et à se prendre en charge améliore souvent le bien-être subjectif et peut entraîner une interaction positive entre le corps et l'esprit »
Dans le champ de la santé sociale, les auteurs de la nouvelle définition de la santé citent, la capacité des personnes à réaliser leur potentiel et à remplir leurs obligations, la capacité à gérer leur vie avec un certain degré d'indépendance malgré des conditions médicales, et la capacité à participer à des activités sociales, y compris le travail. Dans ce domaine, « la santé peut être considérée comme un équilibre dynamique entre les opportunités et les limites, équilibre qui évolue au fil de la vie et qui est affecté par des conditions extérieures telles que les défis sociaux et environnementaux." La capacité à s'adapter positivement à une maladie, permet la poursuite d’un travail ou des activités sociales, et de se sentir en santé malgré la présence de limitations. Des études montrent que les patients atteints de maladies chroniques qui ont appris à mieux gérer leur vie, signalent une amélioration de leur état de santé et de leur niveau d’énergie, une réduction de leur stress et de leur état de fatigue, de leur handicap et de leurs limitations dans leurs activités sociales. Les coûts des soins de santé ont également diminué. Quand les personnes sont capables d'élaborer des stratégies d'adaptation efficaces, les troubles de fonctionnement liés à l'âge modifient peu la qualité de vie perçue, un phénomène connu sous le nom de paradoxe du handicap.
Mesurer autrement la santé
La formulation de la santé comme la « capacité à s'adapter et à s'autogérer » met plus l'accent sur l'autonomisation du patient (par exemple, en modifiant un mode de vie), que sur la simple suppressions des symptômes par une intervention chirurgicale ou un médicament. Cette formulation ouvre également la possibilité de mesurer et d'évaluer plus facilement les effets des interventions. Aux mesures objectives du niveau biologique et physiologique de santé, s'ajoutent des éléments sujectifs pour évaluer le niveau de bien être d'une personne, sa capacité à s'adapter à son environnement. La mesure de l’expérience de la maladie et de la santé est éminemment subjective et perceptuelle, variable selon des paramètres individuels et externes (âge, sexe, activité, époque, le lieu…etc.), des paramètres individuels et internes (croyances, valeurs, émotions…etc.), des paramètres collectifs et internes (ce que la culture dit de la santé et de la maladie) et des paramètres collectifs et externes (le social, les relations aux autres, ce qui peut être réalisé dans le monde).
La dimension «perceptuelle» de la santé est essentielle, car c'est aux individus à dire comment ils évaluent leur état de santé. Cette perception est déterminante car elle influence l’expérience individuelle de la maladie et de la guérison. Cette même perception est fondamentale car elle offre un champ nouveau de possibilités d'nterventions. Si la médecine moderne soigne remarquablement bien le corps, une autre forme de médecine peut aider les individus à acquérir cette capacité à s’adapter et à se prendre en charge face à des problèmes physiques, émotionnels et sociaux », c’est à dire à devenir eux même de bons guérisseurs.
La formulation de la santé comme capacité à s'adapter et à s'autogérer, est révolutionnaire car elle propose un nouveau paradigme de la santé. On passe d’une vision statique de la santé à un processus dynamique et individuel d’adaptation à un environnement de vie susceptible d’évoluer tout au long de la vie.
Définition de l’OMS 1948 |
Définition de H. Hubber et coll. 2011 |
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité». |
«La santé est la capacité à s’adapter et à se prendre en charge face à des problèmes physiques, émotionels et sociaux. » |
Vision complète et statique |
Vision dynamique et systémique |
La santé complète comme finalité |
La santé comme ressource pour atteindre des buts, |
La maladie comme absence de soins |
La maladie comme témoin d’un déséquilibre interne |
Soigner la maladie et le handicap |
Soigner la personne plus que la maladie |
Un contexte médical et démographique stable |
Un contexte médical et démographique évolutif |
Concerne les maladies aigues |
Concerne les maladies aigues et chroniques |
Les solutions sont externes et médicales |
Les solutions sont externes et internes, impliquent la responsabilité du patient |
Les ressources : la technologie médicale, curative et préventive |
Les ressources : le retour à l’équilibre, sentiment de bien être, d'intégrité, de cohérence personnelle |
Résultats difficilement mesurables |
Résultats mesurables subjectivement et objectivement sous forme de progression |
Cette nouvelle définition est une révolution, au regard des pratiques médicales actuelles et des prises de consciences qu’elle implique chez les professionnels de santé. Dans l’ancien paradigme, la personne malade est un patient en attente des miracles technologiques et chimiques, capables de lui redonner un « complet » bien être qu’il n’a probablement jamais eu. Les miracles médicaux ont en effet eu lieu, sans pour cela que les patients retrouvent un «complet bien être ».
Dans le nouveau paradigme, la personne malade est une personne qui n’a pas été en mesure de maintenir un état d’équilibre, une homéostasie biologique, psychologique et sociale, et qui peut retrouver une capacité à s’adapter et à se prendre en charge. Les ressources peuvent être autant externes qu’internes. L’important n’est pas forcément de guérir, mais de permettre à la personne de modifier sa relation à sa maladie, pour être en mesure d’exprimer son potentiel et de réaliser ses buts de vie.
Cette définition nouvelle de la santé m’a surpris, car j’y ai retrouvé les principes d’une intervention de santé basée sur les principes de l'a PNL systémique
1-La création d’une relation de soutien, à soi et à l’intervenant. Il convient de créer un cadre de confiance, de protection, de bienveillance sans lequel il n’y a pas de prises de conscience possible des dysfonctionnements de son homéostasie physique, mentale et sociale, et des moyens d’y remédier. Notre système nerveux sympathique ou adrénergique doit recevoir un signal fort concernant l’absence de danger. Cet état est celui du centrage, de l’ouverture, de l’attention, de la connexion à soi et aux autres, et de l’accueil bienveillant de tout ce qui peut émerger au cours de l’accompagnement. L’accompagnateur fait de même car comme le dit Milton Erickson, « c’est votre attitude envers le patient qui détermine les résultats que vous atteignez »
2- La définition d’une intention de santé. L’intention de santé est bien distincte de l’objectif de santé. L’intention est une direction et non une destination. L’intention représente ce que vous voulez avoir de plus ou de moins dans votre vie, si le symptôme ne se manifestait plus du tout ou beaucoup moins. Le symptôme est considéré comme une communication à propos d’une incapacité de la personne à rétablir une homéostasie biologique, mentale et sociale pour s’adapter à de nouvelles conditions de vie. Le symptôme a une intention positive, celle de nous reconnecter avec ce qui est important pour nous, et dont on s’est éloigné. Pour que les capacités de guérison interne (d’auto organisation) puissent s’activer, il lui faut une définition claire de cette intention.
3-L’émergence des ressource et le dépassement des obstacles. Les ressources sont autant internes qu’externes. Les ressources internes peuvent exister à tous les niveaux de notre expérience. Les ressources externes sont médicales et proviennent aussi de notre capacité à nous connecter au champ relationnel des sources (personnes, lieux, symboles, nature…etc.) de ces ressources. L’intervention sur les obstacles consiste souvent en un changement de croyance, afin de donner une signification nouvelle aux événements du passé, des événements auxquels nous attribuons la cause de nos symptômes.
4-La modification des habitudes comportementales. Si nous acceptons l’idée que notre symptôme résulte en grande partie de nos modes de vie et des choix comportementaux (alimentation, tabac et alcool, sédentarité, moyens de détente…etc.) que nous avons adopter, guérir signifie changer de mode de vie. C’est le plus souvent l’intention positive du symptôme. Changer d’habitudes de vie implique un fort engagement vis à vis de soi même, la réponse à des questions écologiques concernant ce qui peut-etre perdu ou préservé au cours du changement.
La nouvelle définition de la santé confirme ce que toutes les traditions médicales affirment depuis des millénaires : « Si le médecin soigne le mieux possible, c’est le patient qui guérit » La guérison résulte d’une forme d’intelligence collective. La mise en synergie de la technologie externe du corps médical et la technologie interne du sujet, peut produire des résultats inattendus. Le statut de « patient » car ce dernier est invité à sortir de sa passivité, à prendre part activement à sa guérison. Seul le "patient" est capable de comprendre le message de son symptôme, de décider de mettre en place un plan de vie plus satisfaisant .
Dr Jean Luc Monsempès. Article rédigé pour la revue Métaphore de NLPNL pour son congrès annuel de janvier 2019
Référence
How should we define health? BMJ (the British Medical Journal) 2011; 343:d4163