Les quatre piliers fondamentaux du coaching de santé

Les quatre piliers fondamentaux du coaching de santé

Le potentiel de transformation du coaching de santé repose sur un "cœur philosophique » constitué de quatre piliers fondamentaux.

Pour le Dr Karen Lawson (1) le coaching de santé est une approche basée sur des preuves cliniques, « qui est sur le point d'avoir un impact transformateur majeur sur la santé et les soins de santé ; Mais il risque également d'être usurpé et donc déformé par le pouvoir du paradigme existant des soins de santé occidentaux et de la pensée scientifique réductionniste. » La question qu’elle pose est donc la suivante : « Comment garantir l'intégrité de cette nouvelle approche afin qu'elle puisse servir de pont entre un système défaillant et un nouvel horizon de santé et de bien-être holistique ? »

De l’exercice de la médecine à l’enseignement du coaching de santé

Karen Lawson a été un médecin de famille qui voulait privilégier une approche holistique de la santé, mais qui s’est vite retrouvée désemparée par « l'introduction et la domination rapide des modèles d'organisation de la santé, la corporisation croissante de la médecine, le développement croissant des sous-spécialités et la fragmentation galopante des soins, l'holisme que je recherchais étant devenu une rareté dans les couloirs des hôpitaux et des cliniques. »

Elle a alors commencé à rechercher « des approches de la santé et de la guérison qui reconnaissent l'esprit, le corps et l'âme des individus et des familles, qui donnent aux individus les moyens de prendre leurs propres décisions et qui défendent la capacité innée de guérison de l'être humain lorsqu'il bénéficie du soutien et des ressources dont il a besoin. » Elle s’est familiarisée avec les pratiques psychocorporelles, la nutrition fonctionnelle, les pratiques de mouvement, la médecine énergétique, les systèmes tels que la médecine traditionnelle chinoise et l'homéopathie, ainsi que les approches de guérison spirituelle.

Avec ses nouvelles compétences, elle est devenue à la fin des années 1990 un leader de la médecine holistique aux USA, guidée par l’espoir de transformer les soins de santé de l'intérieur de la médecine. Elle a dirigé le développement de nouveaux modèles d'équipes interdisciplinaires pour des cliniques holistiques, tout en réalisant qu'il manquait clairement un intervenant dans sa vision holistique de la santé. Car les patients peuvent reçevoir de nombreux conseils d'un médecin, d'un chiropracteur, d'un naturopathe, d'un physiothérapeute ou d'un acupuncteur, mais sans plan précis sur la manière de les mettre en œuvre. 

Pour Karen Lawson, les patients avaient besoin « de quelqu'un qui connaisse et comprenne leurs forces, leurs défis et leurs désirs, quelqu'un qui les accompagne dans le processus exigeant de mise en œuvre de nouvelles croyances et de nouveaux comportements dans leur vie - d'une manière qui favorise leur propre santé et leur guérison au rythme auquel ils sont prêts. Cette personne devait avoir une relation de confiance avec le patient, être facilement et fréquemment disponible, considérer le patient comme l'expert compétent de sa propre vie, comprendre la nature du processus de changement et être capable d'entretenir la vision d'une meilleure santé pour et avec le patient. Cette personne était, et est toujours, un coach en santé intégrative. »

En 2002, dans le cadre du Centre pour la Spiritualité et la Guérison de l'Université du Minnesota, et avec la collaboration d’une équipe interdisciplinaire, elle a conçu un programme de formation diplômante de deux ans en coaching de santé intégrative (IHC). Cependant, au-delà du processus, des pratiques et des compétences de base, « il nous est apparu clairement que le coaching comportait un "cœur" philosophique qui ne pouvait définir le processus de coaching de santé, mais dont l’absence rendait le coaching incapable de conduire à la transformation personnelle et culturelle à laquelle nous croyions si profondément. »

Karen Lawson et son équipe se sont inspiré des connaissances sur le changement de comportement humain, la motivation, l'engagement, l'autonomisation et les apports de la santé complémentaire et intégrative, pour concevoir un modèle fondamental qui a servi à la construction de leur enseignement et de la pratique du coaching de santé. Au cours des huit dernières années d'enseignement de leur modèle de coaching de santé, ils ont pris conscience que ce modèle représentait « une forme d’engagement qui, s'il était appliqué dans tous les domaines des soins de santé, avait le potentiel de transformer notre culture médicale actuelle. Nous appelons ce modèle "les quatre piliers du coaching en santé" 

Les quatre piliers du coaching de santé 

Selon Karen Lawson (1), les quatre piliers du coaching de santé sont les suivant : 1) une présence attentive ; 2) une communication authentique ; d) une conscience de soi ; d) un espace sûr et sacré.  Cette partie de l’article comporte les citations et définitions de Karen Lawson (1) ainsi que des commentaires de ma part.

 

Les quatre piliers du coaching de santé selon Karen lawson (1)

4_pilars-health_coaching-karen_Lawson.png

 

1. Une présence attentive

Karen Lawson (1) décrit la pleine conscience comme « le processus d’attention focalisée et sans jugement dans le moment présent, et la présence attentive comme la pratique de la pleine conscience en relation avec une autre personne, ce qui exige une conscience intentionnelle à de multiples niveaux. Ce processus nécessite une pratique régulière de la pleine conscience par le praticien afin de l'intégrer dans la rencontre thérapeutique. »

Commentaires : les êtres humains passent beaucoup de temps à penser à ce qui ne se passe pas autour d'eux, à contempler des événements qui se sont produits dans le passé, qui pourraient se produire dans le futur ou qui ne se produiront jamais. Pour les psychologues Matthew Killingworth et Daniel Gilbert (2), auteurs de l’article "Un esprit distrait est un esprit malheureux." nous passons 47 % du temps, sans être attentif à ce que nous sommes en train de faire. Si cette capacité à vagabonder est une réussite évolutive qui nous permet d'apprendre, de raisonner et de planifier, elle peut aussi avoir un coût émotionnel. En effet « de nombreuses traditions philosophiques et religieuses enseignent que le bonheur se trouve dans le fait de vivre le moment présent, et c’est pourquoi les praticiens sont formés à résister au vagabondage mental et à "être ici et maintenant". Ces mêmes traditions suggèrent qu'un esprit errant est un esprit malheureux. » 

Hooria Jazaieri et al. (3) rappellent que le vagabondage mental nuit à la performance et à la santé physique, réduit la sensibilité à la douleur ou à l'inconfort observée chez les autres.  Leurs travaux (3) montrent que la méditation de compassion détourne l'errance mentale des sujets désagréables vers des sujets agréables, et que ces mécanismes cognitifs sont liés à une augmentation des comportements de bienveillance envers soi-même et les autres. Un esprit distrait a donc moins de considération pour autrui. La présence attentive se trouve aux antipodes du vagabondage mental. 

Pour Mathieu Ricard (4) la présence attentive consiste à « être parfaitement éveillé à tout ce qui surgit en soi et autour de soi, d’un instant à l’autre, à tout ce que nous voyons, entendons, ressentons ou pensons. À cela s’ajoute une compréhension de la nature de ce que nous percevons, libre des déformations que provoquent nos attirances et nos rejets. » 

L’attention fait référence à une conscience claire, curieuse et dépourvue de jugement, de notre monde intérieur et extérieur. C’est la capacité à observer une expérience physique, cognitive et émotionnelle, sans être capté par cette expérience et sans s’y identifier. La présence fait référence à la stabilité de la conscience, c'est-à-dire au degré d’ancrage dans cette conscience.

Dans les relations aux autres, la présence attentive permet de s’installer plus pleinement dans une conscience de ce qui se passe en soi et chez l’autre, sans ressentir le besoin de réagir à ce qui pourrait être perçu comme agréable ou désagréable, sans attentes de ce qui pourrait ou devrait se passer. La qualité de présence attentive que vous pouvez offrir à une personne sera probablement perçue comme le plus beau cadeau qui puisse exister. Ce cadeau apporte un apaisement, une invitation à mettre de côté nos mécanismes de défense, le sentiment d’être vu, reconnu et plus vivant. En développant votre présence attentive, vous aidez votre interlocuteur à s’installer lui-même dans cet état de présence attentive.  

2. Une communication authentique

Pour Karen Lawson (1), la communication authentique rassemble dans un cadre commun et cohérent des modèles et des stratégies de communication telles que "l'entretien motivationnel (Stephen Rollnick, William R. Miller 1991), l'appreciative Inquiry (Cooperrider & Whitney 2001) et la communication non violente (Rosenberg 1970). La pratique de la communication authentique comprend les éléments suivants : a) une écoute profonde (Deep listening), b) Une investigation curieuse (Curious inquiry) ; c) un reflet perceptif (Perceptive reflections), d) Le silence (Silence)

L'écoute profonde consiste à « entendre ce qui est communiqué à travers et entre les mots, le langage corporel et les émotions. Elle implique l'utilisation de multiples moyens de connaissance, tant pour le coach que pour le client. ». 

Commentaires : l'écoute profonde nous invite à explorer des niveaux d’expériences qui se trouvent « au-dessus et en dessous » des niveaux de surface du langage et de la logique. L’écoute profonde s’intéresse aux processus souvent inconscients (les croyances et valeurs, les choix et habitudes, les expériences de référence, les ressources) qui ont amené les individus là où ils sont aujourd'hui, et qui pourraient potentiellement les aider à changer. Lorsqu’elle est nourrie par une attitude de compassion et de curiosité, l'écoute profonde permet de construire des relations plus fortes et plus riches avec nous-mêmes et les autres. Pour Ruthellen Josselson (5), auteur de « The Space between Us: Exploring the Dimensions of Human Relationships », l’écoute profonde est notre seul moyen de franchir et combler "l'espace qui nous sépare". 

L’investigation curieuse est définie par Karen Lawson (1) comme une « pratique d'exploration à cœur ouvert, sans jugement, sans but ni attente », de l’expérience de l’autre. »  

Commentaires : cette investigation curieuse implique un véritable intérêt et une ouverture vis-à-vis de l’expérience de l’autre et de ce qu’il souhaite partager, car cet autre détient une perspective ou des informations que vous ne possédez pas actuellement.  Comme le dit Ed Schein (6), vous devez devenir temporairement dépendant et vulnérable. Cette subordination temporaire crée un environnement de sécurité psychologique pour l'autre, lui adresse le signal que vous êtes prêt à l’écouter, explorer son expérience, lui donner du pouvoir, ce qui accroit les chances d’en apprendre plus. 

La démarche peut ne pas être confortable, car celui qui questionne peut ressentir l’inconfort d’avoir à adopter une position humble de « non-sachant » Et celui qui reçoit les questions peut ressentir la peur d’avoir à toucher et explorer des espaces plus profonds et cachés en lui. Même si la connexion avec de profondes émotions peut paraître inconfortable voire douloureuses, elle sera grandement facilitée par une relation bienveillante avec les émotions que nous avons pu enfouir au plus profond de nous-même. Elle permet de plus de découvrir les ressources dont nous avons besoin pour transformer nos émotions inconfortables en énergie de vie. Reconnaître et ressentir les émotions inconfortables constitue un aspect incontournable de notre processus d'apprentissage, de croissance et de changement.

Le reflet de ce qui est perçu, consiste à « donner au client un reflet de ce qui a été entendu ou perçu par le coach qui vérifie toujours la "vérité" du client. C'est l'occasion d'offrir des observations et des points de vue avec empathie plutôt qu'avec pitié, sympathie ou jugement. » (1)

Commentaires : les reflets perceptifs montrent au client qu’il est réellement écouté par le coach, et lui permet d'entendre parfois pour la première fois ce qu'il a dit, à partir du point de vue d'une autre personne. Il peut ainsi faire les ajustements souhaités. Le client sera invité à confirmer, clarifier et développer ce qu’il a exprimé. 

Les reflets perceptifs ont pour but de permettre au client de déplacer son intelligence cognitive vers l’intelligence somatique de son cerveau émotionnel, souvent ignoré ou négligé. Quand le coach questionne son client, ce dernier apporte une réponse « objective » construite dans sa têteQuand le coach paraphrase habilement les propos du client, ce dernier va plutôt réagir par une réponse émotionnelle donc corporelle. Le processus de « reflet perceptif » peut donc être perçu comme plus provocatif et plus transformateur que le simple questionnement, car il invite les individus à se connecter à une vérité émotionnelle plus profonde du problème évoqué et à une prise de conscience qui peut être transformatrice. 

Ce processus responsabilise le client, car les pensées et les émotions qui favorisent le changement viennent du client et non pas du coach, ce qui permet des progrès bien plus rapides dans la réalisation des buts recherchés. Le coach doit apprendre à ne pas rechercher l’exactitude des propos du client faisant l’objet du reflet perceptif. La réflexion perceptive est considérée comme juste lorsque le client acquiesce et quand elle génère chez lui une résonance émotionnelle. 

Le silence.  « C’est un aspect essentiel et souvent méconnu de la communication humaine efficace. Les praticiens doivent être eux-mêmes à l'aise avec le silence afin d'être sensibles et réceptifs à l'utilisation efficace du silence avec un client. »

Commentaires : la question pertinente est celle qui ne génère pas de réponse toute faite, mais qui invite le sujet à prendre le temps de puiser des réponses dans la profondeur de son expérience et d’organiser sa pensée. C’est dans le silence que le sujet peut écouter sa voix intérieure et se connecter à ses émotions, facilitant ainsi les possibilités de changement. Interrompre le processus cognitif est comme poser une question à votre ordinateur et lui couper le courant.  Toute intervention (de conseil, jugement, soutien moral, interprétation, investigation) avant que l’autre ait fini de s’exprimer pourrait avoir pour effet d’interrompre ou tarir la réflexion de l’autre. Le meilleur moyen d’aider son client dans sa réflexion est de faire silence. 
Il convient de distinguer le silence creux (nous n’avons plus rien à nous dire) et le silence plein (j’accorde du temps à la réflexion et l’expression de l’autre). Ce sont souvent les indices non verbaux du passage d’une conscience interne à une conscience externe qui nous signalent que la séquence de silence peut prendre fin, et que votre interlocuteur attend une réaction de votre part.

3. La conscience de soi

La conscience de soi (1) dans l’instant présent s’applique à notre fonctionnement physique, mental et émotionnel. Pour être clair avec son client, le coach doit « être constamment conscient des sentiments et des réactions qui surgissent en lui, afin de pouvoir gérer ses réponses de façon appropriée pendant la séance et gérer également en dehors de la séance tout problème personnel »

Les coachs de santé apprennent à développer leur cohérence interne, pour être en mesure de "joindre le geste à la parole" en ce qui concerne leur propre bien-être, et de pouvoir ainsi soutenir efficacement le bien-être des autres.

Commentaires : cette définition de la conscience de soi évoque celle de l’intelligence émotionnelle (Peter Salovey  et John Mayer) c’est-à-dire la capacité à reconnaître, comprendre et maîtriser ses propres émotions et à composer avec les émotions des autres. Elle est proche du concept d'intelligence sociale ou interpersonnelle, popularisé par Daniel Goleman en 1995, et qui comporte cinq aspects principaux :

1- La conscience de soi, ou la capacité à comprendre ses émotions, à reconnaître leur influence à les utiliser pour guider nos décisions.
2- La gestion de soi, qui consiste à maîtriser ses émotions et impulsions et à s’adapter à l’évolution de la situation.
3- L'intelligence interpersonnelle ou conscience des autres, qui englobe la capacité à détecter et à comprendre les émotions d’autrui et à y réagir.
4- La gestion des relations, ou la capacité à inspirer et à influencer les autres tout en favorisant leur développement et à gérer les conflits (Goleman, 1998).

Appliquer au contexte du coaching de santé, la conscience de soi signifie avoir une conscience élargie et claire de ce qui se passe en soi pendant l’interaction, la capacité à identifier instant par instant les états internes qui interfèrent dans la relation, et faire les ajustements nécessaires pour revenir au moment présent quand la pensée à tendance à s’échapper.  En ayant une conscience de ses pensées, de ses ressentis, de ses réactions internes et de leur impact chez son interlocuteur, le coach de santé peut éveiller une conscience de soi chez son client. Le coach de santé veille à son bien-être personnel pour pouvoir soutenir au mieux celui de son client. Comme le rappelle Karen Lawson, un bon coach de santé doit entreprendre un travail régulier de développement personnel tout au long de sa vie, en faisant appels aux outils, compétences et ressources qui s'avèrent nécessaires au fil du temps.

4. La création d’un espace sûr et sacré

Pour Karen Lawson (1) « La création d'un environnement de sécurité, tel qu'il est perçu par le client, est essentiel au développement d'une relation de confiance, d’intimité et productive » « Il s'agit d'une question variable et en constante évolution, et ce qui est nécessaire pour que le client se sente en sécurité dépend du moment, du contenu et de la relation. Le coach doit toujours avoir une conscience fluide de la sécurité du client. La reconnaissance du caractère sacré de la relation et du processus, même s'il n'en est pas fait mention au client, apporte le respect de la capacité innée de chaque individu à se développer et permet le mystère et les miracles de la guérison que, en tant qu'êtres humains, nous ne comprendrons jamais complètement. »

Commentaires : l’espace sacré est une situation qui nous relie à une réalité qui transcende nos peurs, et qui permet l’expression du meilleur de nous-même. C’est le champ dans lequel la création devient possible. Ce qui est sacré est tout ce qui permet à un individu de grandir et d'évoluer vers un plus haut niveau de conscience et de vérité. Toutes les interactions, pratiques, processus, rituels ou actions visant l’atteinte de cet objectif deviennent sacré. Dans un cadre de protection, de confiance et de soutien, une personne peut commencer à se faire confiance pour se débarrasser de ses cuirasses mentales, découvrir et élargir ses limites, se mettre à la place des autres et s’autoriser à redéfinir qui elle est au-delà de ses rôles, titres, statuts et avoirs. Avec le sentiment d’être profondément soutenus, les personnes peuvent s'aventurer, peut-être pour la toute première fois, dans l’expérimentation de nouvelles possibilités d’être et de faire, et du « miracle de la guérison ». 

L’expression anglaise « to hold a space » qui pourrait se traduire par « tenir et maintenir l'espace », signifie créer un espace d’accueil, d’acceptation inconditionnelle et d’expression pour l’autre plutôt que pour vous. Ce n’est bien sûr pas toujours facile à faire, car nous ne l’avons pas appris, et nous n’avons pas eu de modèles parentaux. Nous nous sommes plutôt conditionnés à occuper l'espace relationnel. Dès que nous n’acceptons pas le point de vue de l’autre, car il ne correspond pas au notre, nous avons tendance à juger, convaincre, contrôler, manipuler, et réparer l’autre avec la meilleure intention qui soit. En nous souciant de cet autre, nous déguisons nos réactions de peur en amour. 

Porter l'espace pour l’autre, implique d’apprendre à le faire pour soi-même, en mettant ses propres besoins et ses opinions de côté, en nous acceptant tel que nous sommes. En étant pleinement soi-même, le coach autorise l’autre à en faire de même. Il peut ainsi accueillir la vérité de l’autre et la laisser s’exprimer librement, sans rien attendre en retour. L’absence d’un espace de sécurité encourage l’autre à rester caché, à ne pas vraiment se montrer. La relation devient superficielle, limitée. Elle ne peut ni s'épanouir, ni favoriser l'évolution individuelle. C'est dans l’espace d’une relation saine et authentique que naît le changement. En offrant à votre client une dynamique relationnelle qu’il n’a probablement jamais connue auparavant, vous lui donnez le goût de quelque chose de nouveau, de différent et de sain.

Pour Stephen Gilligan et Robert Dilts (7) l’espace sur et sacré peut être cocréé par le coach de santé et son client au début de chaque session.  Cet espace sera maintenu et ajusté tout au long de la séance, car il peut fluctuer en fonction des états internes des partenaires du processus de coaching de santé. Le maintien de l’espace implique une attention à soi et à l’autre pour identifier les changements d’états, et les rétablir en accédant à des ressources. L’espace de création n’est pas un état mais une dynamique relationnelle qui a besoin d’être soutenue dès que le client est confronté à des expériences inconfortables voire douloureuses, ou pour « accueillir et bénir » de nouvelles prises de consciences. Les individus ont besoin d’un soutien relationnel pour aller de l'avant vers les changements souhaité et être prêts à les faire.

Le sponsorship ou parrainage, implique de créer un espace de sécurité et de soutien dans lequel le client va pouvoir agir, grandir et exceller de façon optimale. Le processus du parrainage consiste à rechercher, reconnaître, soutenir et préserver les potentialités d’une autre personne pour qu’elle puisse s’exprimer pleinement. Le coach sponsor croit aux capacités de développement de son client, voit en lui quelque chose qui ne s’est pas encore manifesté pleinement et en facilite la meilleure expression. Les messages de parrainage visent la reconnaissance profonde de la personne dans son besoin de valorisation, de contribution, d’appartenance, de croissance et de réussite. Par exemple « vous existez, je vous vois, vous avez de la valeur, vous êtes unique, vous avez une contribution importante à apporter, vous avez votre place ici, vous pouvez réussir votre chemin de guérison et votre projet de vie, vous êtes capable de le réussir et vous le méritez. » L’impact de ces messages est généralement très profond et conduit à des réponses émotionnelles positives porteuses de ressources. Le parrainage est le soutien relationnel à apporter à une personne dans l’expression d’une nouvelle identité.  

Changements en coaching de santé par l'approche holistique 

Dans son article Health Coaching: Holistically Empowering Change, Becky Gorman (8) décrit une étude de cas d’un coaching de santé tiré de son expérience pratique, et met en lumière les principes essentiels qu’il s'engage à respecter dans sa pratique de coaching de santé. Au cœur de la situation de son client M. Smith, se trouve la mise en œuvre du modèle des quatre piliers du coaching de santé. La présence de ces quatre piliers dans la relation de coaching, permet au client d’initier son puissant cheminement vers des changements de comportement qui deviennent des transformations de vie. De son expérience du coaching de santé de M. Smith, Becky Gorman tire les enseignements suivants :

1-Le pouvoir du coaching réside dans la sagesse innée du client, qui détient la réponse à son propre changement.
2-La confiance entre coach et coaché est essentielle. Le coach, en tant que personne de confiance, permet aux clients d’approfondir leur confiance en eux-mêmes, facilitant ainsi la survenue des changements majeurs et durables.
3- L’espace de sécurité est un autre élément essentiel du coaching de santé. L'espace de sécurité provient de la création d’un environnement physique et psychologique de soutien, de curiosité, et d’un lieu de découverte de soi ouvert et sans jugement. Le coach crée cet espace de sécurité en collaboration avec son client, ce qui conduit à des solutions créatives pour un changement de comportement durable. 
4-L'adhésion aux principes du coaching, avec une approche centrée sur le client, ce dernier étant l'expert de sa propre vie.
5-Les stratégies de changement de comportements. Elles sont efficaces et durables lorsqu'elles sont axées sur le client. Là ou un médecin souhaitera un résultat spécifique en matière de santé, le client du coaching de santé choisira sa propre voie et ses propres buts. Un travail sur des questions émotionnelles ou spirituelles peut entraîner un changement holistique qui se traduit par des améliorations physiques mesurables. 

Becky Gorman considère que le coaching en santé apporte les éléments essentiels pour aider les clients à créer et à mettre en œuvre leur propre changement, et constitue un moyen puissant de modifier profondément et durablement les comportements de santé. 

Utiliser les ressources du Soi Génératif

Comme nous pouvons le noter, les quatre piliers du coaching de santé décrits par Karen Lawson apparaissent comme des savoirs faire et des savoirs être incontournables. Si une démarche de coaching peut être comprise et intégrée en quelques jours, la mise en œuvre des qualités en lien avec les quatre piliers du coaching de santé, exigent un engagement et une pratique permanente.  Existe-t-il des principes de base qui facilitent l’apprentissage et la mise en œuvre de ces quatre piliers du coaching de santé, que sont la présence attentive, une communication authentique, une conscience de soi, et la création d’un espace sûr et sacré ?

Les réponses se trouvent selon moi dans le travail de Stephen Gilligan (7 et 9) sur le Soi Génératif dans lequel la réponse relationnelle aux expériences détermine leur forme, leur valeur et leur résultat.  Autrement dit, les expériences n'existent pas indépendamment de la personne qui les vit.  Le Soi Génératif recherche la relation optimale qu’une personne peut établir avec une expérience donnée, afin d'obtenir des résultats positifs.  Ce travail se fonde en grande partie sur l'héritage de Milton Erickson, qui possédait une capacité exceptionnelle à accueillir, accepter et à transformer les schémas comportements les plus difficiles. Les problèmes de santé chroniques ou considérés comme « sans solutions » implique de solliciter l’immense potentiel de créativité du Soi Génératif

Pour Stephen Gilligan, la Relation à Soi distingue trois Esprits distincts : (1) l'Esprit somatique (en tant qu'intelligence incarnée et localisée), (2) l'Esprit du champ relationnel (en tant qu'intelligence non localisée ou collective), et (3) l'Esprit cognitif comme une sorte de pont entre les deux mondes précédents. Les personnes souhaitant relever avec succès ces défis majeurs, doivent acquérir une capacité à développer un Soi Génératif en développant le centrage, la connexion au champ et le sponsoring  

1- Le « centrage » 

Il implique une communication profonde avec son corps pour pouvoir faire appel à notre intelligence somatique. Une personne déconnectée de son esprit somatique, vivra les expériences difficiles comme effrayantes, accablantes et déroutantes. Les mesures visant à contrôler ces expériences inconfortables sont à l'origine de l’apparition des symptômes. En revanche, une personne centrée saura maintenir un état de détente alerte pour accueillir et transformer les expériences douloureuses, par exemple celles des émotions intenses ou contradictoires. Le centrage est une forme d'unification de l'esprit et du corps, un équilibrage de l'attention pour trouver le point à partir duquel les qualités complémentaires de notre expérience peuvent être simultanément présentes. Par exemple le point de connexion entre ce qui est interne et externe, entre ce qui est détendu et focalisé, entre ce qui est intentionnel et sans effort. Lorsque cela se produit, une conscience au-delà des polarités peut émerger et s'étendre au-delà du corps, jusqu'au champ environnemental dans lequel le corps intervient.

La méditation, le yoga, et de nombreuses techniques appartenant aux arts martiaux, apportent de puissants outils de centrage pour cultiver la paix intérieure. Une méthode simple de centrage consiste à s'asseoir dans un endroit calme en se tannant bien droit, à fermer les yeux, à respirer profondément et à se concentrer sur notre centre énergétique en le visualisant.

2- La « connexion au champ » 

Ce principe concerne l’ouverture à quelque chose de plus grand que le problème, et une connexion aux ressources de l’intelligence du champ. Toute conscience se trouve dans des champs qui influencent cette conscience et organisent les activités humaines. Les champs peuvent être familiaux, sociaux, culturels, artistiques, scientifiques, électromagnétiques, religieux, psychologiques et émotionnels…etc. 

Ces champs façonnent, limitent, guident le flux et le contenu de la conscience, permettent d’agir dans les limites établies par les créations précédentes et de reproduire ce qui est connu et qui marche. Mais quand nos anciennes habitudes de vie ne fonctionnent plus, ne nous permettent plus de réaliser nos buts de santé ou de vie, ou qu’une ancienne identité doit être transcendée et transformée, notre capacité à nous renouveler peut venir d’une connexion à un champ plus génératif. Dans ces situations, l’individu doit être capable de ressentir « l'esprit du champ ». Pour y parvenir, la conscience va rayonner "à travers et au-delà" des champs environnants, au-delà de tout contenu ou de toute forme particulière.  Ce méta-champ génératif est en mesure de "transcender et inclure » tous les champs informationnels précédents.

Par exemple, si quelqu’un vous critique, votre mental aura tendance à penser en termes de « combat » ou de « fuite » En vous centrant et en focalisant votre attention au-delà ou derrière la personne, vous pourrez recevoir la critique sans être verrouillé dans son « induction négative ». Vous pouvez ainsi être avec un problème sans devenir le problème. En poursuivant l’expérience, vous pouvez commencer à ressentir un espace implicite au-delà de ce sur quoi votre attention consciente peut se concentrer, et faire l'agréable découverte d'être "nourri" de façon créative par des champs d'information au-delà de votre soi local. C'est un exemple d'ouverture au champ génératif.  Le champ peut ressembler aux troisièmes et quatrièmes positions de perception de la PNL. La résonnance de ce champ peut être perçue lors d’un contact avec la nature, au cours d’une prière, en jouant de la musique, ou en présence d’un ami. 

3- Le « parrainage cognitif »

L’esprit cognitif nous permet d’évoluer dans le monde avec des plans, des stratégies, des règles, des habitudes, des rôles sociaux, etc.  L’esprit cognitif détient également les moyens consensuels de la vie sociale et les valeurs fixes de l'identité individuelle.  Il fonctionne généralement en adoptant un point de vue fixe, en ayant une certaine intention (consciente ou inconsciente), puis en agissant pour réaliser ces intentions. L’esprit cognitif constitue un élément clé d'un fonctionnement sain dans des circonstances ordinaires, mais s’avérera insuffisant pour relever les défis des expériences inhabituelles ou extraordinaires, telle que la survenue d’une maladie qui bouleverse un plan de vie. Car l'esprit cognitif courant s'enferme facilement dans un point de vue fixe, a du mal à accepter les points de vue multiples ou contradictoires ainsi que les conflits. Il a bien du mal à penser "en dehors du cadre", ou s'abandonner aux expériences de "mort et renaissance". Si vous n’arrivez pas à vous débarrasser d'une expérience ou d'un comportement non-souhaité, vous aurez besoin de la créativité du niveau génératif de l'esprit cognitif pour gérer avec succès ces expériences. 

Pour S. Gilligan, la pensée créative implique un processus de parrainage. Ce mot qui vient du latin "sponsoring", qui signifie "s'engager solennellement". Le parrainage est donc un engagement à s’aider ou aider une personne à utiliser tout événement ou expérience comme une occasion de s'éveiller à soi, au monde et aux liens entre les deux.  Les expériences qui entrent dans la vie d'une personne n'ont pas de valeur humaine, tant qu'une personne n'est pas capable de les parrainer. Ce processus créatif, qui consiste à recevoir et absorber le flux de la vie, est celui de l'art, de la culture, de la thérapie, et du développement personnel. Ce processus relationnel transforme une expérience qui semble n'avoir aucune valeur humaine en quelque chose dont la valeur devient évidente. 

Pour résumer le pouvoir du soi génératif, nous pourrions dire qu’en vivant centré, relié au champ, et en parrainant nos expériences agréables ou désagréables, de nombreuses bonnes choses tendront à se produire dans votre vie ; et quand vous vivez non centré, non connecté au champ, et non soutenu par un parrainage, de nombreuses mauvaises choses tendront à se produire. Le coaching de santé a pour but d’aider une personne à faire preuve de résilience dans des situations de santé « extraordinaires » du fait de leur durée, leur gravité ou leur intensité.  Dans ces situations de défis qui dépassent parfois les capacités médicales, les ressources de centrage, de connexion au champ et de parrainage du soi génératif peuvent générer les ressources nécessaires à la transformation de nos expériences de la maladie, de la santé et de la guérison. 

Références

(1) The Four Pillars of Health Coaching: Preserving the Heart of a Movement ; Karen Lawson, Glob Adv Health Med. 2013 May; 2(3): 6–8.  Published online 2013 May 1. doi: 7453/gahmj.2013.038

(2) Killingsworth, M. A., & Gilbert, D. T. (2010). A wandering mind is an unhappy mind. Science, 330(6006), 932–932.

(3) A wandering mind is a less caring mind: Daily experience sampling during compassion meditation training. The Journal of Positive Psychology, 11(1), 37–50.

(4) Présence attentive ; Par Matthieu Ricard le 28 avril 2020 ; https://www.matthieuricard.org/blog/posts/presence-attentive

(5) The Space between Us: Exploring the Dimensions of Human Relationships 1st Edition;  Ruthellen H. Josselson  , Sage Publications 1996

(6) Ed Schein, (2013) Humble Enquiry, The gentle art of asking instead of telling.  Berret-Koehler, San Francisco

(7) Le voyage du Héros, un éveil à soi ; Stephen Gilligan et Robert Dilts InterEditions 2011

(8) Gorman B. Health coaching: holistically empowering change. Glob Adv Health Med. 2013 May;2(3):90-1. doi: 10.7453/gahmj.2013.024. PMID: 24416676; PMCID: PMC3833543.

(9) Le courage d’aimer, Principes et mise en pratique de la thérapie des relations du soi. Stephen Gilligan, Ed Satas