Prendre en compte les besoins spirituels et existentiels peut améliorer la santé

Prendre en compte les besoins spirituels et existentiels peut améliorer la santé

Répondre aux questions existentielles et spirituelles d'une personne peut avoir des implications positives sur le sentiment de paix et la santé globale

Vous arrive-t-il de vous demander ce qui se passe lorsque nous mourons, si nous avons une âme ou quel est le sens de la vie ? C'est à ces questions, et à bien d'autres encore, qu'une nouvelle recherche apporte des éclaircissements. 

En 2021, plus de 100 000 Danois ont été invités à participer à la plus grande enquête jamais réalisée sur les besoins spirituels et existentiels. On leur a posé 20 questions, toutes liées à ces sujets. Plus de 80 % des personnes interrogées ont déclaré avoir éprouvé au moins un besoin spirituel fort ou très fort au cours du mois précédent. 

"Nous vivons dans une société dans laquelle la religion et la spiritualité sont des sujets tabous dont nous parlons rarement entre nous. Nous pouvons croire que les questions de spiritualité, par exemple ce en quoi nous croyons, pourquoi nous sommes ici, et ce qui se passe quand nous mourons, soit ne sont pas importantes, ou n’ont pas leur place dans le cadre du système de soins de santé. Mais notre étude montre de manière convaincante que ces sujets sont importants pour les Danois", explique Tobias Anker Stripp, médecin et auteur principal de l'étude. 

Les participants de l’étude Addressing Spiritual and Existential Needs Could Improve Health Outcomes ont été interrogés sur leur besoin de trouver la paix intérieure et de faire quelque chose pour les autres, ces deux sujets étant les plus importants. "Expérimenter la paix intérieure et donner quelque chose de soi aux autres sont des besoins existentiels ou spirituels classiques. Et même si nous ne le formulons pas toujours ainsi, la plupart d'entre nous sentent intuitivement que c'est important. Environ un cinquième des Danois ont également fait état d'un besoin religieux, c'est-à-dire d'un besoin directement lié à la croyance en quelque chose de plus grand. Tout cela, nous l'avons maintenant montré en chiffres. 

"Lorsque l'on sait à quel point il est sain de croire en quelque chose de plus grand que nous et de donner un sens à sa vie, je pense qu'il est important que nous, professionnels de la santé, nous intéressions à la question de savoir si nos patients ont des besoins dans ces domaines auxquels nous pouvons répondre, en particulier lorsqu'ils sont confrontés à une maladie grave. Les traitements biomédicaux ne suffisent pas. Nous devons nous rappeler que les êtres humains ne se limitent pas à leur corps physique", déclare Tobias Anker Stripp. 

"Cette étude soutient l'approche holistique que la médecine générale considère comme centrale et à laquelle elle forme les médecins praticiens depuis des années. Cette approche devrait être diffusée et soutenue par l'ensemble du système de soins de santé.  "Le fait qu'une revue aussi respectée que The Lancet aborde ce sujet aussi atypique, constitue un changement dans la bonne direction pour la recherche médicale", estime Jens Søndergaard, professeur à l'unité de recherche en médecine générale et médecin praticien

Le professeur Niels Christian Hvidt est le dernier auteur de l'article et celui qui a lancé l'étude il y a plusieurs années. Il mène des recherches spécifiques sur la prise en charge des besoins existentiels et spirituels mis en évidence par l'étude. Il considère que les réactions des praticiens sont très encourageantes, car les Danois ne parlent pas beaucoup de leurs besoins spirituels, de leurs croyances et de leurs valeurs personnelles et ils ont un faible niveau de pratique religieuse. Mais comme le montre l'étude, nous avons au Danemark les mêmes besoins de paix intérieure, de sens, de foi et d'espoir que dans les pays plus religieux.  "L'étude soulève donc la question de savoir comment nous pouvons mieux parler de ces besoins, y compris dans le système de santé, en particulier lorsque la vie devient difficile, car cela peut avoir un impact direct sur la façon dont nous affrontons la vie et les défis qu'elle peut nous apporter. "

Commentaires pour les coachs de santé

La spiritualité est un besoin humain fondamental. Pendant des centaines de milliers d'années, les pratiques spirituelles étaient au coeur des activités humaines du quotidien. On ne faisait rien sans solliciter les esprits des ancètres et de la nature, pour se nourrir, se soigner, assurer sa sécurité et sa fécondité...  Avec le développement de l'agriculture, les humains se sont sédentarisés, et ils ont aussi sédentarisé les esprits en leurs créant un lieu de prière et les messagers des Dieux que sont les prêtres. Dans l'antiquité le Dieu Esculape avait ses temples tout autour de la méditérranée et on s'y rendait en pèlerinage pour invoquer son aide. Les exigences d'objectivité de la médecine moderne ont focalisé toutes les attentions sur l'atomisation du corps humain pour tenter de mieux en comprendre les mécanisme, négligeant les relations avec le mental, et ignorant superbement les relations avec l'esprit. Pour la médecine moderne, l'humain est devenu un être a-spirituel. La médecine moderne se désintèresse de la spiritualité, car c'est un processus dont on peut pourtant mesurer les effets. La médecine objectivera alors qu'elle n'a pas les compétences pour reproduire un processus spirituel ou que ce n'est pas dans son domaine de compétences

Le premier livre connu de Médecine spirituelle  (Kitâb al-Tibb al-Rûhânî en arabe) est un traité d'éthique de Rhazès (Muhammad ben Zakariyyâ al-Râzî), philosophe et médecin persan du ixe – xe siècles. Dans sa recension de la traduction française, l'islamologue Pierre Lory écrit que « Nous avons affaire à un traité de morale, dissertant sur les bienfaits des grandes vertus et les dangers des divers vices. Le ton n’est guère islamique, il évoque plutôt la sagesse grecque, épicurienne notamment. » L'ouvrage "Physika" de Sainte Hildegarde von Bingen (1098-1179) contient près de 2000 prescriptions, qui pourraient être à la base de la médecine holistique et naturelle : Nourrir l'âme par la prière, la méditation et une routine quotidienne équilibrée, une alimentation saine, le renforcement des défenses mentales en se débarassant de ses vices, la désintoxication du corps par les ventouses, la saignée, et les sangsues et le jeûne, la régularité dans le mode de vie avec un rythme équilibré entre veille et sommeil ainsi qu'entre travail et détente.
Puis il y a le livre Manuel de Medecine spirituelle de Jamal Parekh (Ibn Daud) qui s’appuie sur les ouvrages des XIe et XIIe siècles de l’Imam Abou Hamid Al-Ghazali, enrichi de sources coraniques, prophétiques et érudites de l’Islam traditionnel. Puis il y a un grand saut à faire dans le temps avec le livre du Dr Luc Bodin La médecine Spirituelle dans une version laïque. 

Pour répondre aux attentes des patients en fin de vie, et avec le développement des soins palliatifs, la spiritualité est progressivement réintroduite dans le champ médical. Il existe à ce jour de nombreuses études cliniques montrant l'impact positif de la spiritualité en matière de santé, même si la grande majorité des professionnels de santé ignore leur existence. Il n'y a pas, à ma connaissance, de cours sur la spiritualité dans les formations initiales des professionnels de santé. Il y a aussi des obstacles pratiques à l'apport des ressources spirituelles dans le champ de la santé. Car comment trouver un espace médical permettant d'aborder les questions spirituelles avec son patient quand une consultation dure 15 minutes ?  La vision productiviste de la chaine des soins est efficace pour soigner les corps, mais pas pour prendre en compte les attentes spirituelles.  C'est la raison pour laquelle de nouvelles professions émergeront dans le champ de la santé, et les coachs de santé y ont leur places

Sources

Addressing Spiritual and Existential Needs Could Improve Health Outcomes Neurosciences News Psychologie-13 mars 2023