Comment faire face à l'épuisement professionnel du personnel de santé

Comment faire face à l'épuisement professionnel du personnel de santé

Des propositions pour faire face au burnout des professionnels de santé et répondre à leurs besoins de bien-être 

Des extraits de l’article de Vivek H. Murthy publié dans le New England Journal of Medecine, sur la situation catastrophique des professionnels de santé aux USA et les solutions pour y répondre, dont certaines pourraient s’appliquer au système de santé en France.

« Pendant la pandémie du covid 19, les expressions de gratitude envers les professionnels de santé ont trop souvent été remplacées par de l'hostilité, de la colère et même des menaces de mort, en même temps que l’explosion de la désinformation en matière de santé, érodant la confiance envers la science et les experts en santé publique. Pourtant les professionnels de santé restent à leur poste pour lutter contre la pandémie et ses séquelles, au prix de longues veillées, de pressions sur la santé mentale, d’accroissement des disparités en matière de santé, et de reports de deux ans des soins pour une multitude d'affections.

Le bilan est alarmant : des milliers de professionnels de santé sont morts du Covid. Plus de la moitié signalent des symptômes d'épuisement professionnel et beaucoup d'entre eux souffrent d'insomnie, de dépression, d'anxiété, de stress post-traumatique ou d'autres problèmes de santé mentale. L'épuisement professionnel se manifeste chez les individus, est fondamentalement ancré dans les systèmes. La crise a débuté bien avant l'arrivée de Covid-19. Parmi les causes, citons le manque de soutien, l'escalade de la charge de travail et du fardeau administratif, le sous-investissement chronique dans les infrastructures de santé publique et le préjudice moral lié à l'incapacité de fournir les soins dont les patients ont besoin. L'épuisement professionnel n'est pas seulement lié aux longues heures de travail. Il s'agit de la déconnexion fondamentale entre les travailleurs de la santé et la mission de service qui les animent.

Quelque 52 % des infirmières et 20 % des médecins disent envisager de quitter leur pratique, et une pénurie de plus d'un million d'infirmières est prévue d'ici la fin de l'année ; et les systèmes de santé vont souffrir d’un déficit de 3 millions de personnels de santé cours des trois prochaines années…alors que nous devons renforcer nos défenses contre les futures menaces pour la santé publique. L'épuisement des travailleurs de la santé est une menace sérieuse pour la santé et la sécurité économique de la nation. Le temps des changements progressifs est révolu. Nous avons besoin d'un changement audacieux et fondamental qui s'attaque aux racines de la crise de l'épuisement professionnel. Pour répondre à la situation d’épuisement des professionnels de santé et leurs cruels besoins d’un meilleur bien-être, Vivek H. Murthy fait les propositions suivantes :  

  • valoriser et les protéger les professionnels de santé, par un salaire décent, l’accès à une assurance maladie et des congés de maladie adéquats, la présence suffisante d’équipement de protection et la prévention des abus physiques ou verbaux si fréquents pendant la pandémie.
  • réduire les charges administratives qui s'interposent entre les professionnels de la santé, leurs patients et leurs communautés. Les professionnels de santé passent beaucoup trop de temps chaque jour à des tâches administratives, au détriment du temps passé avec les patients.
  • améliorer l'accès du personnel de santé aux soins de santé mentale. Du fait d'un manque de couverture d'assurance maladie, du manque de prestataires de soins en santé mentale, ou d'un manque de flexibilité des horaires pour les visites, le personnel de santé ont du mal à obtenir des soins de santé mentale, là où ils se trouvent et selon leur emploi du temps.
  • renforcer les investissements publics dans la formation des professionnels de santé et les agents de santé publique, le renforcement de l'infrastructure sanitaire des communautés (logement, sécurité alimentaire…)
  • créer une culture qui favorise le bien-être. Briser le silence habituel qui entoure la souffrance des travailleurs de la santé. De nombreuses personnes ont l'impression de ne pas pouvoir faire savoir à nos collègues qu’ils ne vont pas bien. Le changement de culture doit commencer dans les établissements de formation, là où les graines du bien-être peuvent être plantées très tôt. Il faut aussi que les systèmes de santé et les départements de santé publique montrent l'exemple. Mettre fin aux sanctions les personnels de la santé qui signalent des problèmes de santé mentale. Instaurer une culture d’inclusion, d’équité et de respect essentielle pour les victimes de préjugés et de discriminations fondés sur leur race, leur sexe ou leur handicap. 

En tant que nation, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser tomber les personnels de santé et les communautés qu'ils servent. Nous devons nous appuyer sur ces mesures, en nous attaquant avec audace aux intérêts bien ancrés, à l'inertie bureaucratique et au statu quo. Dans tout le pays, des professionnels de la santé m'ont dit qu'ils atteignaient leur point de rupture, que "quelque chose devait changer". Ils ont raison. Puisse notre pays ne jamais oublier notre obligation morale de prendre soin de ceux qui ont fait de grands sacrifices pour prendre soin de nous.

Commentaires pour les coachs de santé

Article dont les propositions rejoignent celles du modèle SFM (Modélisation des Systèmes de Santé) de Robert Dilts et Emanuela Mazza. La situation catastrophique des systèmes de santé résulte de l’application d’une vision tayloriste du travail aux soins, un peu comme si le patient pouvait être un produit qui rentre dans une chaine de production de soins, avec des procédures strictes à suivre par les professionnels de santé, un temps de réparation standardisé à chaque étape, et qui en sort avec des médicaments à consommer… en attendant la prochaine visite sur la chaine de production.  Cette vision est celle d’ingénieurs mais certainement pas celle de professionnels de santé. Ceux qui ont conçu ce système dans les années 60 devait certainement avoir une bonne intention, à savoir la possibilité de répondre à l’explosion de la demande de soin. Ils y ont réussi au prix d’une déshumanisation des soins, une grande souffrance des soignants, une révolte des patients, et la mise en danger des systèmes de financement. Les soignants souffrent du système malade dans lequel ils travaillent. Toutes les tentatives de réparation partielles seront du bricolage si on ne prend pas en compte la totalité du système. Le vrai changement viendra d’une approche systémique en commençant par la redéfinition de la raison d’être des systèmes de soin, une vision qui ne sera pas monopolisée par les ingénieurs, et une vision à laquelle les professionnels de santé auront envie de contribuer.

Dans un système dysfonctionnel, ce ne sont pas les composantes du système (par exemple les soignants) qui dysfonctionnent, mais les relations et interactions humaines entre les composantes du système. La digitalisation des communications est bien avancée dans les systèmes de soin, il reste à en faire autant avec les relations humaines.  Les soignants ont besoins de se reconnecter à eux-mêmes en redonnant du sens à leur travail, à se reconnecter aux autres pour avoir le sentiment d’appartenance à une communauté soignante, de se reconnecter à un environnement humain et matériel de soutien, et se reconnecter à la vision du système de soin. Ce qui est évident est que les systèmes de soi et les soignants ont besoin des services des coachs de santé, car l‘expertise de ces derniers est de rétablir du lien. Voilà j’ai fait mon petite prêche du jour et mon côté persévérant est content. Bonne santé !

Sources

Confronting Health Worker Burnout and Well-Being; Vivek H. Murthy, M.D., M.B.A. July 13, 2022
DOI: 10.1056/NEJMp2207252 https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp2207252