Vivre dans un monde post Ericksonien par Stephen Gilligan

Vivre dans un monde post Ericksonien par Stephen Gilligan

Stephen Gilligan décrit comment son chemin s'est écarté de la pensée ericksonienne, à la lumière de ses 22 années de psychothérapie hypnotique, d'enseignement, de pratique et d'écriture. 

Dans W. J. Matthews et J. Edgette (Eds.), Current thinking and research in brief therapy : Solutions, stratégies et récits, Volume 1.  New York : Brunner/Mazel. 1997.

Les parties profondes de ma vie se déversent vers l'avant, comme si les rives du fleuve s'ouvraient
Il semble que les choses me ressemblent davantage maintenant, que je peux voir plus loin dans les tableaux.
Je me sens plus proche de ce que le langage ne peut atteindre.
Rainer Rilke, "Moving Forward"(Rilke, 1981)

Avant sa mort, le rabbin Zusya a dit : " Dans le monde à venir, on ne me demandera pas : 
"Pourquoi n'étais-tu pas plus comme Moïse ?
Ils me demanderont : "Pourquoi n'étais-tu pas plus comme Zusya ?"
Martin Buber, dans in Tales of the Hasidism (Buber, 1947)

Pendant de nombreuses années, j'ai tenté de ressembler davantage à Milton Erickson. Ce texte porte sur le défi bien plus difficile d'essayer de ressembler davantage à Gilligan. Ce texte repose sur 22 ans d'enseignement, de pratique et d'écriture de la psychothérapie hypnotique. Il raconte comment mon chemin s'est écarté de la pensée ericksonienne. J'espère que cela encouragera d'autres personnes à suivre leur propre chemin.

Ce qui était vraiment surprenant chez Erickson, était sa volonté d'être lui-même, d'accepter ses "déviances" par rapport à la norme. Ce courage se traduisait directement, je crois, par la compassion et l'acceptation des autres. Suivre un chemin similaire est remarquablement difficile. Mais c'est ce que nous défendons en tant que thérapeutes.

En décrivant où ce chemin post-Ericksonien m'a conduit, je commencerai par honorer quelques idées fondamentales de l'héritage d'Erickson qui éclairent encore mon chemin. Je soulèverai ensuite des questions sur la façon dont ces idées sont mises en pratique. L'intention principale est de stimuler la réflexion, plutôt que d'argumenter sur la vérité.

Le cœur de l’héritage d’Erickson 

Milton Erickson a apporté à la psychothérapie plusieurs idées radicales et durables. Ces idées, d'une simplicité trompeuse, révèlent progressivement leur extraordinaire valeur au fil des années de pratique. La première idée concerne l'unicité de chaque personne. À l'heure où le monde de la santé mentale est dominé par les corporatismes, ou les étiquettes diagnostiques prennent de l'ampleur et où la thérapie se fige dans des formes plus standardisées, l'idée que chaque personne soit différente des autres est de plus en plus négligée. Les méthodes standardisées prolifèrent, et un modèle alternatif reposant sur le fait que chaque cas est unique est même considéré comme contraire à l'éthique dans certains milieux.

Mais à bien des égards, les problèmes surviennent lorsque les individus perdent le sens de leur bonté et de leurs dons uniques. Pour moi, Erickson a souligné l’importance pour le thérapeute de commencer à ressentir cette bonté et ces dons, et le fait que toute technique efficace découle de cette connexion relationnelle. Dans la communauté ericksonienne, nous sommes restés étonnamment silencieux sur la manière d'établir et de maintenir cette connexion dans l’expérience, et en particulier de manière non verbale.

Sans traditions spécifiques dans lesquelles puiser, voir et ressentir la conscience unique qu'est chaque personne, celle-ci ne peut n'exister que comme platitude ou concept, et non comme pratique ou expérience.

Une deuxième idée extraordinaire proposée par Erickson est que le thérapeute accepte et utilise tout ce que le client lui présente, aussi étrange, inhabituel ou esthétiquement répugnant que cela puisse paraître. Cela inclut les comportements, les expériences, les cognitions et les idiosyncrasies. Étant donné que la valeur potentielle d'un aspect donné de l'expérience d'une personne n'est souvent pas immédiate, les symptômes semblant avoir une valeur nettement négative, il est extrêmement difficile de traduire systématiquement cette idée simple dans la pratique. Il faut qu'avant de "faire", le thérapeute trouve le moyen d'"être avec" l'expérience de la personne. Cette relation expérientielle est bien sûr centrale à l'expérience de la transe, dans laquelle une personne peut pleinement "être avec" une expérience sans une réponse de combat (domination ou contrôle) ou de fuite (dissociation, déni). Dépassant le monde intérieur de l'hypnose traditionnelle, Erickson a appliqué ce principe de manière dynamique aux relations continues avec les patients. Tel un maître d'aïkido, il se fondait et s'harmonisait avec tout ce qui lui était présenté, neutralisant la violence et réconciliant les conflits inhérents à un comportement symptomatique.

Cette idée d'acceptation et de coopération apporte un regard différent à l’idée d'essayer délibérément de changer une personne. Elle signifie que la vie est en mouvement à travers la personne, différente à chaque instant, et que le changement est donc déjà en marche. Plutôt que d'imposer quelque chose à ses clients, le thérapeute ressent ses processus immédiats et s'y intègre. Il s'agit d'une réactivité active et dynamique, et non d'une réactivité passive et sans but. C'est un art qui exige une dévotion et un travail important. Comment le thérapeute peut-il centrer son attention, être attentif mais flexible, ne rien attendre mais être prêt à tout, être doux mais efficace ?

Une troisième idée clé de l'héritage d'Erickson concerne la thérapie en tant que rétablissement de l'équilibre dans la vie d'une personne. Pour moi, l'un des grands talents d'Erickson était de se mouvoir sans effort entre les mondes intérieurs de l'expérience et de la signification individuelle, et les mondes extérieurs du comportement et de la communauté sociale. En lisant Rossi (Erickson & Rossi, 1979, 1981 ; Erickson, Rossi, & Rossi, 1977), on voit transcriptions après transcriptions comment les patients sont hypnotisés et leurs mondes d'expérience intérieures activés et transformés.

On a l'impression que l'intérêt principal d'Erickson était d'activer les ressources intérieures et la "créativité spontanée" chez les autres. Mais en lisant Jay Haley (1967, 1973, 1985a, 1985b, 1985c), on constate que l'accent est davantage mis sur la manière dont Erickson manipulait les patients pour qu'ils se comportent différemment dans leur monde extérieur. Ici, on a l'impression que l'intérêt principal d'Erickson était de diriger des changements de comportement.

Quelle version d'Erickson est la "vraie" ? [i] La réponse semble être les deux : Erickson allait dans les deux sens. Il se concentrait parfois sur le monde extérieur, parfois sur le monde intérieur, mais à tout moment, il semblait reconnaître l'importance des deux. Je crois que cette compétence reflétait une énorme appréciation d'un principe d'équilibre [ii] Cet équilibre pouvait se situer entre faire et ne pas faire, entre l'expérience et le comportement, entre soi et les autres. En fait, pratiquement toute distinction particulière possède son complément important. Erickson semblait opérer avec ce que Jung (1916) appelait la fonction transcendante ou ce que les traditions orientales appellent la voie entre les opposés, dans laquelle on navigue sur un parcours incluant et souvent intégrant, des valeurs opposées ou complémentaires. Cela peut se traduire par une induction hypnotique dans laquelle une personne est encouragée à la fois à retenir ou à résister et à se laisser aller et à révéler. Ou cela peut se traduire par une thérapie dans laquelle des directives stratégiques pour faire quelque chose de différent dans l'environnement social sont entrelacées avec des transes hypnotiques pour la réorganisation de l'identité de soi. Erickson était remarquable dans sa capacité à savoir quand utiliser une approche et comment combiner les deux. Aucun d'entre nous me semble-t-il, n'a approché de près ou de loin cette compétence. Une compréhension plus approfondie du principe d'équilibre pourrait être utile à cet égard.

Une quatrième idée centrale de l'héritage d'Erickson est que la vie doit être vécue et appréciée. Pour Erickson, la thérapie ne consistait pas avant tout à analyser le passé ou à enseigner une nouvelle approche conceptuelle, mais à aider les gens à profiter de la vie "ici et maintenant". Il préférait la curiosité au contrôle, l'acceptation au rejet, l'expérience à la compréhension intellectuelle et le flux à la fixité. Erickson était un bel exemple de vie selon les conditions de la vie, d'acceptation et de travail avec ce que la vie a à offrir.

Un écart vis-à-vis des traditions ericksoniennes 

Erickson et ses élèves ont détaillé les nombreuses façons d’appliquer en thérapie quelques-unes de ses idées simples mais génératives (Zeig, 1982, 1985a, 1985b, 1994). L'appréciation de son travail a conduit, inévitablement, à une certaine version réifiée de la psychothérapie ericksonienne qui inévitablement semble plus limitée et moins créative que la version originale. Jung avait l'habitude de dire : "Je suis certainement heureux de ne pas être un Jungien". Erickson aurait sans doute fait écho à ces sentiments, et j'espère que la plupart d'entre nous seraient finalement d'accord.

L'abandon de la définition du soi en tant qu'Ericksonien permet l'émergence de nouvelles compréhensions et approches. Dans mon propre cas, ce processus a soulevé des questions à propos des prémisses qui semblent être implicites dans la communauté ericksonienne. Je soulève ces questions ici avec l'intention d'encourager "l'esprit du débutant" si crucial pour les thérapeutes. Comme en hypnose, il est généralement plus important et plus productif de se poser une question que de saisir une réponse spécifique.

1-Comment appelons-nous ces présences "autres que conscientes" ? 

L'une des pierres angulaires de l'approche ericksonienne est qu'il existe une intelligence au sein d'une personne qui est au-delà du soi égoïque normal. Erickson en a parlé en termes d'esprit inconscient et a montré de belles manières de travailler avec lui (Erickson & Rossi, 1981, 1989). Lors de mes propres explorations, il m’est devenu de plus en plus clair que la référence à ce processus autre que conscient comme étant l'esprit inconscient ,est trop limitatif et peut être trompeur. La possibilité de réification est trop grande et les connotations du terme sont trop limitées pour permettre une flexibilité thérapeutique. Les références alternatives incluent le "moi intérieur", le centre, le cœur, l'âme, ou ce que Chogyam Trungpa (1988) a appelé le point tendre indestructible avec lequel chacun de nous est né.

Nous utilisons ces termes principalement pour des raisons pratiques. Nous abordons la thérapie en partant du principe qu'un client est coincé dans une compréhension étroite de son potentiel ou dans une connexion limitée à celui-ci. L'identification des ressources et leur activation sont considérées comme essentielles pour aider le client. L'idée de l'inconscient est utilisée de manière poétique, et non littérale, pour accéder à une intelligence plus grande et différente de ce que fait une personne. En tant que terme poétique, il invite et évoque une manière d'être différente, plus productive. Le terme n'est pas utilisé dans le cadre d'un échange intellectuel, mais plutôt dans celui d'un échange expérientiel-symbolique destiné à produire un sentiment d'intelligence non intellectuelle. En bref, l'objectif principal est d'ouvrir le langage du cœur pour compléter la prédominance du langage de la tête.

Si nous apprécions "l'inconscient" en tant que langage poétique, nous pouvons alors nous intéresser à d'autres termes poétiques. Chacun des termes portera une nuance différente pour le client, et chacun est associé à une tradition différente d'action et de compréhension. De ce point de vue, un bon thérapeute sera compétent pour trouver et utiliser les termes poétiques qui sont les plus utiles dans une situation donnée.

Prenons par exemple l'art martial japonais de l'aïkido. Dans cette situation, on est confronté à des attaques physiques venant de toutes les directions. Le défi consiste à neutraliser la violence en recevant l'attaque, en s'harmonisant avec elle et en la redirigeant. Il n'y a jamais de résistance ou d'opposition ; tout comportement est mélangé et utilisé. (Pour pratiquer l'aïkido, il n'est pas question d'entrer en transe et de faire confiance à l'inconscient, mais plutôt de trouver son centre. Ce centre corps-esprit n'est pas un terme ésotérique ou théorique, mais représente le sentiment d'une intelligence qui permet la créativité relationnelle et le calme. Sans lui, on ne peut que se battre (dominer) ou fuir (se soumettre) ; avec ce dernier le troisième choix, celui du flux, devient possible (voir Leonard, 1991).

La notion de centre est-elle pertinente pour la thérapie ? Je pense que oui. Par exemple, considérons un problème de thérapie dans lequel une personne ressent de l'anxiété lorsqu'elle est critiquée. Sera-t-il plus utile de faire appel à l'inconscient du client en transe, ou d'aider la personne à trouver son centre ? Chaque tradition partage un intérêt pour le relâchement de l'emprise d’une pensée musclée, orientée vers la tête et basée sur le contrôle. Mais elles s'y prennent de manière différente. La tradition consistant à parler avec l'inconscient est associée à la transe et aux comportements qui y sont liés, tels que la fermeture des yeux, la relaxation des muscles, l'orientation vers l'intérieur, les images et les histoires. La tradition qui travaille avec son centre comprend l'apprentissage de l'abaissement de l'attention sous le nombril comme point de concentration primaire, puis l'ouverture en douceur de l'attention à une perception basée sur le champ sans s'accrocher à des points fixes (Palmer, 1994). Le thérapeute qui maîtrise les deux traditions sera probablement plus efficace pour trouver ce qui fonctionne le mieux pour un client donné.

D'autres termes peuvent également être utiles. Par exemple, l'idée d'âme peut être tout à fait pertinente dans divers arts de la performance, tels que la musique, la poésie, l'art oratoire et la thérapie. Yeats (dans Jeffares, 1974) aurait pu parler d'Erickson lorsqu'il a fait la remarque suivante

Un homme âgé n'est qu'une chose dérisoire 

Un manteau en lambeaux sur un bâton, à moins que 

L'âme tape dans ses mains et chante, et chante plus fort pour chaque lambeau de sa robe mortelle. (p. 104)

Si Yeats avait utilisé le terme "esprit inconscient" plutôt que "âme", la poésie en aurait souffert. Le fait est que l'esprit inconscient appartient à une famille de termes poétiques se référant à quelque chose de tout à fait connaissable mais ineffable ; d'autres termes pourraient être meilleurs ou complémentaires dans diverses circonstances. Je suggère qu'un thérapeute ayant un sens aigu des nuances de chacun de ces termes poétiques sera plus efficace qu'un thérapeute coincé dans une compréhension réifiée d'un seul d'entre eux.

Penser à ce soi autre que conscient uniquement en tant qu’esprit inconscient peut nous conduire à ignorer ce qu'Erickson (1980) appelle "ce sens vital de l'être du soi [qui] est souvent négligé" (p. 345). Cela peut suggérer l’existence d’une "chose" mécanique ou impersonnelle à manipuler ou à programmer, plutôt qu'une présence humaine intégrale à ressentir, à honorer et à cultiver.

Certains diront que des mots tels que cœur et âme sont trop vagues ou trop poétiques, ou que la thérapie devrait se contenter de traiter "scientifiquement" l'esprit ou le comportement. Mais bien sûr, la notion d'inconscient est encore plus vague, et aucun parent aimant ou artiste dévoué ne dirait que le soin de la vie humaine se fait uniquement par l'intermédiaire de l'inconscient. En tant que rencontre humaine, la thérapie comprend des éléments de la science et de l'art, mais elle doit aussi les dépasser pour aller dans les domaines de l'amour et de la lutte psychologique. Le langage doit ici aider la personne à aller au-delà du langage, en touchant les points doux et tendres de l'être et de l'inter-être. L'accès à de multiples termes poétiques peut être utile à cet égard. Le risque de faire une bouillie de choses est présent. Le thérapeute doit donc faire preuve d’habiletés pour activer ce qui fait sens pour le client et ce qui active ses ressentis.

2-L'intelligence est-elle "dans" l'inconscient ?

Erickson a utilisé la métaphore de l’intelligence de l'inconscient. Il n'a cependant pas réussi à expliquer pourquoi le patient allait si mal avant de le rencontrer. Après tout, si cette intelligence était si belle, comment la personne a t-elle fait pour se retrouver dans un tel état ? Il semble évident que l'intelligence de l'inconscient, si on peut l'appeler ainsi, n'a commencé à se manifester qu'après qu'Erickson ait commencé à parler avec la personne. Nous pourrions donc dire que l'intelligence créative se trouvait dans la conversation ou la relation entre Erickson et l'inconscient du client.

À cet égard, nous pourrions dire que l'intelligence est un principe relationnel ou basé sur le « champ ». Pour utiliser la métaphore de Bateson (1979), il s'agit du "schéma qui relie", ou de la volonté d'avoir différents points de vue, descriptions ou vérités dans un champ plus profond. Cela fait écho à la notion bouddhiste d'inter-être (voir Nhat Hanh, 1975), une vision non dualiste qui postule l'interconnexion et l'inséparabilité de chaque aspect de la vie.

Cette vision relationnelle remet en question l'approche occidentale traditionnelle qui sépare et isole le processus mental de son contexte plus large, faisant ainsi de l'esprit une chose dans la tête de quelqu'un plutôt qu'un processus dans un espace relationnel. Dans la vision relationnelle, l'esprit est une sorte de Grand Internet, un réseau de schémas qui circule à travers chacun de nous, nous reliant tous. Il n'est pas à l'intérieur de nous - nous sommes à l'intérieur de lui. Chacun de nous a une place distincte dans le champ, une niche écologique en constante évolution avec des perspectives uniques et des connaissances spécifiques, mais les circuits mentaux qui se déplacent à travers ces points de vue sont d'une nature plus profonde et communautaire. Nous sommes des individualités, mais non éparées. Lorsqu'une personne se sent déconnectée ou séparée, que ce soit de manière exagérée (grandiosité, illusion de pouvoir) ou dégonflée (dépression, peur), l'expérience directe et la réactivité créative sont perdues. Au sens existentialiste, la pathologie est précisément l'étude de la solitude (ou l'isolement d'un processus, d'une vérité, d'une personne ou d'une expérience par rapport aux autres). Ainsi, je crois que l’objectif central de la thérapie est de reconnecter l'expérience et le comportement à des champs relationnels plus larges, plutôt que d'essayer de réparer quelque chose à l'intérieur d'une personne.

3-Le thérapeute est-il vraiment chargé de changer le client ?

Cette vision Ericksonienne, adoptée particulièrement par Haley (1967, 1973), encourage les thérapeutes à contrôler la thérapie et à être responsables de ses résultats, et à penser en termes de manipulation du client. Cette vision ne m'a pas aidé. Elle reflète une position exclusivement hiérarchique selon laquelle l'intelligence égoïque, en particulier celle du thérapeute, est le seul jeu existant. Elle encourage les thérapeutes à s'immerger dans le principe du pouvoir plutôt que dans un principe de coopération avec les clients. Les thérapeutes sont alors confrontés à la croyance problématique qu'ils peuvent et doivent "guérir" les clients.

Ces préoccupations concernant les idées de contrôle ont été exprimées par Bateson, qui a envoyé de nombreux étudiants (dont moi) sur le chemin d'Erickson [iii]. Il a mis en garde à plusieurs reprises contre ce qu'il a appelé les effets pathologiques du but conscient sur l'adaptation (Bateson, 1972), soulignant que le mythe du pouvoir est particulièrement corrupteur (Bateson, 1979). Ses préoccupations concernant les étudiants d'Erickson ont été exprimées dans un entretien avec Brad Keeney (1977).

Keeney : Vous dites que les gens qui vont voir Erickson en ressortent avec une soif de pouvoir ?
Bateson : Oui ! Ils veulent tous le pouvoir.
Keeney : Y a-t-il quelque chose dans le fait de voir [Erickson] induisant cette soif de pouvoir ?
Bateson : Eh bien, c'est l'habileté qu'il a à manipuler l'autre personne, ce qui à long terme ne le sépare pas de l'autre personne en tant qu'ego dominant. Erickson travaille dans la trame de la complexité dans son ensemble et les autres en ressortent avec une astuce qui est séparée du complexe global, donc qui va à son encontre, et qui devient une sorte de pouvoir. Je pense que c'est quelque chose comme ça. (p. 49)

Ces commentaires encouragent l’apport d’une alternative au principe de pouvoir qui sous-tend traditionnellement notre pensée (voir Woodman, 1993). Le principe de pouvoir met l'accent sur l'intellect, la manipulation unilatérale, le contrôle, la vérité singulière et l'assujettissement de la nature. La dépendance à ce principe réduit les relations à des contrastes frappants : on domine ou on se soumet, on a raison ou tort, on gagne ou on perd. Dans ce cadre le soi autre que conscient, qu'il s'agisse de l'inconscient, d'une autre personne ou d'un groupe, est considéré comme un "ça" qu'il faut contrôler, plutôt que comme un "tu" qu'il faut accepter et écouter.

Un symptôme constitue en partie la rupture de ce principe de pouvoir. Il signale qu'une personne n’arrive plus à maintenir une certaine position idéologique, ou un contrôle intellectuel sur les "autres" et le reste de son monde. Le symptôme suggère le développement d'une compréhension plus intégrée et moins mécanique de soi et du monde. Dans cette perspective l'idée de pouvoir, qu'il s'agisse pour le client d'essayer de contrôler le problème ou pour le thérapeute d'essayer de contrôler et de changer le client, fait partie du problème, et non de la solution.

Nos images et nos compréhensions de la coopération étant souvent peu développées et limitées, il est donc facile de sous-estimer la valeur de ce principe. Nous devons être clairs sur le fait qu'en rejetant l'idée de pouvoir et l'idée connexe que le thérapeute possède le contrôle, nous ne nous retrouvons pas simplement avec l'alternative d'une acceptation passive du statu quo. Gandhi avait l'habitude de dire que si le choix était simplement entre la soumission passive à l'injustice et la résistance violente, il choisirait et encouragerait la violence. Mais il a conçu et suivi une troisième voie, celle de la résistance non violente.

De même, si le choix n'existait qu'entre l'acceptation passive de la souffrance d'une personne et la manipulation délibérée pour la changer, cette dernière serait généralement un meilleur choix. Mais une troisième voie, initiée mais incomplètement développée par Erickson, consiste à accepter activement et à coopérer avec le processus continu d'une personne pour se reconnecter avec le processus naturel de changement et de guérison qui traverse chaque système vivant [iv].

Ce point de vue est lié à la notion du groupe du Palo Alto Mental Research Institute, selon laquelle la solution tentée est souvent le problème (voir Watzlawick, Weakland, & Fisch, 197 4). Le groupe de Milwaukee, dirigé par Steve de Shazer (1985, 1988) a développé cette idée en invitant à porter son attention aux différences déjà présentes (mais non reliées) dans le monde de la personne, comme base du changement thérapeutique. Par exemple si le client se plaint de dépression, le thérapeute peut se concentrer sur les exceptions (quand la personne n'est pas déprimée ou se sent moins déprimée) ou sur la question miracle (ce que la personne ferait différemment si par miracle, elle se réveillait le lendemain matin pour découvrir que le problème a disparu). Le client est ensuite invité à adopter davantage de comportements bien différents des symptômes. Dans cette optique, le thérapeute ne crée pas le changement. C'est la vie qui le fait ! Il s'agit plutôt d'"être avec" la vie, une nouvelle attention à chaque instant, qui permet à de nouvelles expériences (y compris les changements souhaités) d'émerger.

Mon approche de la psychothérapie de la Relations à Soi diffère de ces approches par l'importance qu'elle accorde à l'expérience ressentie ainsi qu'au comportement (voir Gilligan, 1996). Je m'intéresse particulièrement à ce qui se passe lorsque l'esprit social/comportemental (l'esprit conscient) et l'esprit naturel/expérientiel (l'esprit inconscient) sont considérés comme les différentes faces d'une même pièce. (Je veux connaître le nom de cette pièce !) Les relations personnelles suggèrent que, puisque chaque moment de la vie est différent, le fait d'expérimenter "la même fichue chose encore et encore" signifie que le moi conscient d'une personne n'est pas "dans la vie" à ce moment-là ; il s'est dissocié de l'expérience du moment présent et essaie (avec un échec de plus en plus lamentable) de contrôler le comportement à partir d'une orbite satellite. La nature incontrôlable des symptômes peut donc être considérée comme un processus de correction des erreurs, et un processus qui révèle l'illusion de pouvoir établir une nouvelle relation esprit/nature fondée sur la coopération.

Bien sûr, le passage du contrôle sur l'esprit naturel à la coopération avec lui nécessite quelques pratiques d'abandon contrôlé (Leonard, 1991). Une première étape consiste à être avec l'expérience telle qu'elle est. Par exemple, les processus mentaux peuvent s'harmoniser avec les processus naturels et y être attentifs, comme la respiration continue, les battements de cœur et les comportements physiques. Cette méthode est similaire aux techniques de stimulation de l'hypnose ericksonienne (voir Gilligan, 1987), mais l'intention n'est pas tant de manipuler le comportement que de le toucher avec une "conscience humaine". C'est comme jouer avec de jeunes enfants, où la relation et la curiosité sont cruciales au processus de développement. Le thérapeute n'essaie pas de recadrer ou de changer quelque chose, mais plutôt de nommer correctement et d'être attentif à ce qui est présent dans l'expérience de la personne.

C'est une partie de ce que la tradition bouddhiste de la pleine conscience appelle les moyens habiles de l'amour. L'idée est que lorsque la conscience humaine touche une expérience ou un comportement avec une conscience aimante, elle s’affirme et devient, pour paraphraser Rilke, un peu plus semblable à elle-même. C'est comme aider un enfant à apprendre à reconnaître, à nommer correctement et à répondre aux différents états naturels, tels que la faim, le sommeil et les besoins émotionnels. Si ces états ne sont pas correctement nommés et pris en charge, il en résultera de la souffrance et des passages à l'acte. [v] Un symptôme suggère un état naturel récurrent qui n'a pas de présence humaine mature pour l'accompagner. Cet état naturel peut être le besoin d'être vu ou d'avoir de l'intimité, ou un intérêt pour la parenté, la peur, etc. L'idée est que ces états naturels ne sont pas complets en eux-mêmes : sans une présence humaine mature pour leur "donner de l'espace", ils seront probablement vécus et exprimés en tant que formes négatives de faible valeur.

La pleine conscience représente en partie, un entrainement à l’écoute, à être avec et à permettre aux états de la nature humaine de chacun de se déployer. Cette compétence qui offre un troisième choix, ce que l'on pourrait appeler le parrainage humain, aux positions extrêmes existantes de (1) la répression ou (2) l'identification à une expérience. Le parrainage, bien distinct de la propriété, reconnaît l'autonomie de l'autre, qu'il s'agisse d'une personne, d'un état émotionnel ou d'un comportement symptomatique, tout en reconnaissant le besoin de conseils, de discipline, de traditions sociales humaines, d'amour et de relations. Étant donné que l'expérience ou le comportement de l'autre est unique et différent à chaque instant, le parrainage nécessite une compétence importante pour être pratiqué. Il exige de cultiver l'écoute profonde, l'ouverture totale, la concentration, la tolérance, la souplesse, la compréhension du cœur, la remise en question, la dénomination, l'orientation et surtout, l'amour.

Nous acceptons généralement le besoin de parrainage comme une évidence avec les enfants : sans présence humaine pour les aimer, les accepter et les guider, ils ne se développeront pas de manière positive. En grandissant, nous développons la capacité à apporter ce type de parrainage à nos propres expériences, en plus du besoin continu de revivre ce parrainage de la part d'autres personnes significatives de notre communauté. Quelque chose qui s’exprime de façon négative et répétée suggère qu'un état naturel se produit sans parrainage humain ; pour que cette chose puisse changer, elle doit d'abord être parrainée. La compétence du parrainage n'est pas simplement comportementale, comme dans le concept ericksonien de synchronisation comportementale, ni simplement empathique, comme dans le concept Rogerien de miroir. Elle combine les deux compétences en une troisième manière d'être avec une personne de manière artistique. Au fur et à mesure de son développement, le changement se produit de lui-même. Le thérapeute guide ensuite ce changement jusqu'à sa réalisation.

Par exemple, imaginez une petite fille de quatre ans avec ses parents. Son charme habituel a été remplacé par une attitude de pleurnicherie, d'insistance et d'insensibilité. Chacun dans le voisinage se sent affecté par l'humeur de l'enfant, et les parents tentent gentiment puis sévèrement de la faire changer. Ces tactiques, qui fonctionnent habituellement, semblent inefficaces. Les parents finissent par écouter et se demandent ce qui se passe. Dans ce cas, connaissant un peu le monde de l'enfant, les parents se rendent compte qu'elle est peut-être triste du départ de sa nounou et du déménagement de ses meilleurs amies d'à côté. La question est donc de savoir comment reconnaître sa tristesse tout en évitant que les comportements de la petite fille soient trop intenses ou durent trop longtemps. Une fois encore, l'idée clé est que le comportement négatif persistant suggère un état naturel (tristesse et peur du départ des gens) qui n'a pas été correctement nommé et auquel on n'a pas répondu.

Comparons cette situation à celle d'un adulte dans un cabinet de psychothérapie, se plaignant de ses expériences d'enfance ou déprimé par ses relations actuelles. Le même sentiment envahit la situation sociale du client, et la même tendance à vouloir faire taire ce sentiment. Mais dans l'idée du parrainage, le thérapeute commence à écouter un état naturel sous-jacent qui est actif mais non nommé. Cela peut impliquer une simple écoute, ou des questions sur l'histoire sociale présente et passée. La dénomination correcte de l'expérience n'est pas un processus de classification scientifique, mais la relation d'une expérience avec la conscience humaine. Lorsque la dénomination est correcte, la personne s'adoucit généralement et devient plus réceptive. Le thérapeute reste alors habilement avec l'expérience nommée, utilisant le langage pour la "bénir" et l'amener dans la sphère des compétences normales de la personne

4. La transe est-elle vraiment si courante ?

Pour la « communauté Ericksonienne », la transe est un état naturel quotidien qui est extrêmement commun. Dans la version extrême de cette idée, la transe est partout. Les évaluations formelles ou informelles de la transe sont considérées comme non pertinents, et les constats des clients qui disent ne pas ressentir la transe peuvent être ignorés, car le "magicien ericksonien" omniscient sait en quelque sorte que la personne est en transe. Dans cette optique, des techniques indirectes puissantes mais subtiles peuvent accéder à une transe dont seul le thérapeute est conscient.

Un point de vue plus traditionnel considère l'hypnose en tant qu’état ou relation socialement construite et résultant d'une induction hypnotique formelle. Dans cette optique, la transe n'est pas quelque chose de courant. Elle nécessite une situation définie telle que celle de l'hypnose et des suggestions directes d'un hypnotiseur. Même dans cette situation, les tests d'hypnose indiquent que seules certaines personnes peuvent faire l'expérience de l'hypnose.

Bien que les deux points de vue aient chacun ses mérites, je voudrais suggérer une approche quelque peu différente. Dans sa forme actuelle, mon point de vue n'est pas tant un fait scientifique qu'une suggestion clinique. Ce point de vue considère la transe comme faisant partie du langage de l'esprit naturel, et l'hypnose comme l'un des rituels sociaux permettant de nommer, de façonner et de donner un sens à sa forme et à son expression. Cette relation est similaire à l'idée de parrainage d'autres expériences naturelles : la transe va se produire, qu'on le veuille ou non. Sans traditions sociales (telles que l'hypnose, l'art, la religion ou le rituel) pour guider et contenir avec art son expression, elle se manifestera sous forme de symptôme(s) et sera vécue comme une souffrance.

Quel genre d'état naturel est la transe ? C'est un état qui se produit lorsque l'identité doit être préservée, transformée ou recréée. L'identité est organique, impermanente et subit des changements majeurs à certains moments, par exemple lors d'événements familiaux tels que les naissances, les décès, les mariages, les maladies, les changements d'emploi, les remises de diplômes, les traumatismes, les divorces et le départ de la maison. Dans ces moments, l'ancienne façon de se connaître et de connaître le monde "meurt" et une nouvelle identité doit naître. Il s'agit d'un niveau de changement de deuxième, voire de troisième ordre (voir Bateson, 1972). Comme les processus conscients normaux sont conçus pour maintenir l'ordre actuel (ils sont conservateurs par nature), ils doivent être abandonnés pour un autre type de processus mental.

La transe est précisément ce type de processus. Dans l'expérience de la transe, le temps est suspendu, la logique est plus flexible, la concentration est intensifiée, les cadres mentaux se relâchent, la réceptivité est approfondie et le processus primaire est proéminent (voir Gilligan, 1987, 1988). Le contrôle devient alors secondaire et le changement de perspective primaire.

Ainsi, lorsqu'une personne ou un système subit un changement d'identité, la transe aura tendance à se manifester spontanément. La transe et les rituels de transe sont présents dans pratiquement toutes les cultures, surtout dans les moments de transition. Les symptômes ont également tendance à apparaître autour de ces points de transition, c'est-à-dire qu'une personne est plus susceptible de développer un symptôme après des changements de vie significatifs (Lazarus, 1966). Cela suggère que les symptômes sont des transes spontanées sans rituels sociaux appropriés et sans présence humaine pour les parrainer et les guider. En thérapie, le but n'est donc pas tant l’émergence de la transe, que l’utilisation de formes hypnotiques qui permettent à la transe naturelle d'être approuvée socialement et travaillée.

De ce point de vue, penser la transe comme un comportement ou comme une interaction sociale entre l'hypnotiseur et le sujet n'a pas beaucoup de sens. C'est comme réduire l'amour à l'échange de mots ou l'expérience de l'art aux commentaires des critiques. Cela rend la transe trop axée sur le thérapeute et pas assez sur l'expérience naturelle de croissance et de changement du client. Une compréhension minimale de la transe exige une appréciation des mondes intérieur et extérieur, de l'esprit naturel et de l'esprit social, et surtout une appréciation de la façon dont les états modifiés dans la vie d'une personne se produisent toujours dans un flux d'événements spécifiques. En considérant le symptôme comme une transe indiquant un changement d'identité, l'hypnose devient un rituel social qui fournit un moyen habile de connecter le processus de changement aux ressources de guérison.

Bien que cette vision naturaliste de la transe soit quelque peu différente de la vision traditionnelle, artificielle ou purement sociale, elle est également différente de la vision ericksonienne qui considère la transe comme extrêmement commune [vi]. Confondre la transe avec le "vide mental" qui a lieu tout au long de la journée, c'est passer à côté de sa signification clinique plus profonde et de son potentiel.

5. La transe est-elle toujours une si bonne chose ? 

Dans la communauté ericksonienne, nous avons parfois naïvement abordé l'hypnose comme une panacée pour tous les maux. Dans sa version extrême, l'idée est que si nous pouvions seulement entrer en transe et y rester, le bonheur serait à nous pour toujours. Cette vision dangereuse et séduisante rend certaines choses plus difficiles, comme être présent en tant que conjoint ou parent, ou participer en tant que citoyen à la vie de la communauté. De plus, cette vision suppose que la transe soit toujours une bonne chose. Mon point de vue est que l'hypnose, utilisée avec sagesse et modération, peut-être une expérience merveilleuse et utile. Mais elle peut être, et elle l’est parfois, utilisée comme un narcotique, un état semblable à une drogue pour engourdir ou détourner une personne de sa participation active à la vie.

La transe est bien souvent utilisée comme moyen dissociatif chez les survivants de traumatismes, afin de protéger le soi de tout autre dommage (Terr, 1994). Mais cette compétence dissociative peut se maintenir longtemps après la dissipation des conditions menaçantes initiales, détournant ainsi la personne de son appel à réintégrer la vie de la communauté. Par exemple, une personne qui a grandi dans une famille alcoolique peut avoir appris à "sortir en transe" lorsqu'un parent était violent ou intoxiqué, mais elle utilise maintenant automatiquement la même stratégie pour éviter de faire face à la peur de l'intimité avec son conjoint. Ce qui était un allié devient alors une entrave à la croissance.

La valeur de la transe réside dans la manière dont elle est utilisée. On peut être en transe et ne pas être "avec" soi-même ou "dans" la vie. Erickson avait une merveilleuse capacité à parrainer la transe et d'autres états psychologiques, c'est-à-dire qu'il reliait réellement l'expérience naturelle de la transe au bien-être et à l'apprentissage de la personne. Alors que les patients avaient auparavant appris à utiliser la transe pour s'éloigner du monde, Erickson se joignait à eux là où ils se trouvaient pour les aider à utiliser la transe pour revenir dans leur communauté. Cette compétence qui consiste à être avec l'expérience en cours d'une personne, ce que les bouddhistes appellent la pleine conscience, est simple mais insaisissable. Elle est bien plus importante que la présence ou non d'une transe. En fait, lorsqu'une plus grande attention est accordée à la pleine conscience, la transe est utilisée plus efficacement en thérapie. Elle sera alors considérée comme un état naturel qui peut être mal utilisé, et donc comme quelque chose à aborder avec sensibilité et conscience. Ce qui est très important, c'est qu'elle ne soit pas considérée comme une panacée ou un mode de vie, mais comme une ressource disponible à différents moments de son parcours. Dans cette optique, l'hypnose fait partie d'une famille d'approches qui peuvent promouvoir la paix de l'esprit, soulager la souffrance, élargir la compréhension du cœur et permettre la transformation de soi.

6. La communication indirecte est-elle une si bonne chose ?

L'une des caractéristiques de l'approche ericksonienne est l'utilisation de la communication indirecte, pour apparemment améliorer la réactivité thérapeutique. A mon sens, il s'agit de l'un des aspects les plus mal compris et potentiellement dangereux de l'héritage d'Erickson. Ces malentendus proviennent en partie je crois, d'une confusion entre les signes et les symboles. Les signes sont des descriptions invariables dans le contexte, c'est-à-dire qu'ils signifient à peu près la même chose dans n'importe quelle situation. Les symboles sont variables en fonction du contexte, leur signification est construite en fonction du contexte (voir Pribram, 1971) [vii].

Les signes et les symboles peuvent être considérés comme les deux pôles d'une dialectique. Je crois que la communauté ericksonienne fait la même erreur que la thérapie traditionnelle en devenant trop orientée vers les descriptions des signaux invariants dans le contexte. Un comportement problématique est bien souvent perçu en tant que signe dont l’interprétation appartient à la personne qui a le pouvoir, c'est-à-dire le thérapeute. Ainsi, la signification d'un mal de tête, d'un rêve ou d'une dispute conjugale est invariable et figure dans le livre de codes du système du thérapeute. Par exemple, un mal de tête peut "signaler" une répression sexuelle, que le thérapeute considère alors comme le "vrai" problème sous-jacent à vaincre.

Dans cette optique, la formation et l'expertise du thérapeute lui donnent un accès privilégié aux significations profondes (problématiques) de la vie du client. Le thérapeute est justifié dans sa décision, et même éthiquement obligé d'opérer techniquement le client avec une méthode, telle qu'une technique indirecte, qui va vraisemblablement changer de manière causale le problème sous-jacent. Cette approche du "dictateur bienveillant" suppose l’invariance de la signification (ou la structure profonde) d'un problème, tel qu'un mal de tête, dans le contexte, et donc l’invariance de la méthodologie (par exemple l'histoire ou la technique indirecte) utilisée pour traiter le problème dans le contexte (cf. de Shazer, 1994). Cela a donné naissance aux "livres d'histoires" des praticiens, semblables aux manuels d'interprétation des rêves, dans lesquels le thérapeute peut rechercher l'histoire appropriée à utiliser pour "guérir" un problème donné.

D'un point de vue relationnel, c'est le principe de pouvoir en action. Les prémisses implicites sont que (1) le thérapeute sait des choses sur le client que le client ne sait pas et ne devrait pas savoir (probablement parce qu'il ou elle ne pourrait pas gérer cette connaissance de soi), (2) le thérapeute peut et doit utiliser cette information pour influencer le client délibérément sans sa permission ou sa conscience, et (3) cette pratique trompeuse fonctionne réellement et est utile à la fois pour le client et pour le thérapeute.

Je pense qu'il s'agit là d'une tendance dangereuse de la communauté ericksonienne à utiliser les idées et les techniques de communication symbolique. Elle s'éloigne de la pierre angulaire d'Erickson qui met l'accent sur le caractère unique de chaque personne et de chaque situation. Si rien n'est fixe, le thérapeute n'a aucune base sur laquelle s'appuyer, aucun livre de référence à consulter, aucune structure profonde à discerner.

Cet autre pôle de la dialectique suggère que les problèmes, ainsi que les théories et les réponses du thérapeute, devraient être lus davantage comme des poèmes que comme des faits ou des réalités scientifiques. En poésie, comme en hypnose, le but est de reconnecter le langage aux expériences ressenties ou, pour citer Rilke, "de se sentir plus proche de ce que le langage ne peut atteindre." L'idée est que les descriptions deviennent dysfonctionnelles lorsqu'elles ne sont plus sensibles au contexte, c'est-à-dire lorsqu'elles ne sont plus connectées à la pulsation du moment présent. Lorsqu'elles sont déconnectées, les descriptions fonctionnent comme des textes fondamentalistes qui rejettent ce qui est pour ce qui devrait être, créant ainsi de la souffrance (voir Gilligan, 1996).

La repoétisation de la description est avant tout un changement, non pas dans le contenu du texte, mais dans la relation du lecteur au texte. Ainsi, la magie n'est pas dans l'histoire ou ses détails savamment construits, mais dans le réengagement de la conscience dans une histoire telle que de nouvelles significations et expériences se déploient. C'est l'objectif principal de la communication symbolique expérientielle : ne pas tromper intelligemment mais éveiller par l’expérience la conscience du client.

Ainsi, le client qui se plaint de maux de tête est perçu comme étant attaché de façon rigide à un cadre de référence. La façon particulière du client de s'accrocher, sans doute dans le but d'éviter de nouvelles souffrances, bloque le principe de guérison qui imprègne le moment présent. Le thérapeute cherche à se reconnecter à ce principe de guérison en se joignant au processus du client, en écoutant le "poème réifié" de la plainte du mal de tête, en ressentant ses propres réponses poétiques ("Cela me rappelle ...."), puis en utilisant ses compétences thérapeutiques pour renvoyer un poème associé (comme une histoire, un paradoxe ou une technique indirecte).

Un tel échange poétique n'est pas une foire d'empoigne dans laquelle tout est permis. Tout art implique une considérable contrainte et discipline. Dans l'art de la thérapie, le thérapeute s'engage à faire émerger de nouvelles réponses de la part du client, ce qui nécessite une concentration considérable pour rester engagé avec le client à de multiples niveaux. En même temps, le thérapeute réalise qu'il ou elle n'a pas le contrôle ou un accès privilégié à des structures profondes ; le thérapeute est plus confiant et curieux de savoir comment ce processus poétique engagé peut produire de nouvelles significations plus vitales et réalisables pour le client.

Le point important est que la signification de la communication indirecte puisse dériver de la relation. Tout comme la douceur n'est pas une propriété du sucre (il s'agit plutôt d'une expérience de la relation entre le sucre et la langue qui le goûte), la signification thérapeutique dérive d’un point de vue relationnel de la connexion entre le thérapeute et le client. Cela conduit à une compréhension de la communication indirecte plus collaborative, indéterminée et basée sur la curiosité.

Ainsi, je crois que la manière d’aborder la communication indirecte dans la communauté ericksonienne est trompeuse et malheureuse. Je pense que cela a conduit les thérapeutes à être plus absorbés par leurs astucieuses techniques que par la connexion directe avec le client. Mais comme le disait la danseuse Isadora Duncan lorsqu'on lui demandait d'expliquer le sens d'une performance particulière, "Si je pouvais l'expliquer, je n'aurais pas besoin de la danser !" Ainsi, plutôt que de comploter et de planifier pour tromper les clients, les thérapeutes devraient, comme des artistes dévoués, rejoindre le champ psychique qui permet aux danseurs de danser selon le principe de guérison.

7. Les échecs sont-ils importants à admettre ? 

L'un des aspects fascinants de l'héritage d'Erickson concerne les histoires de réussite. Comme l'a souligné de Shazer (1994), chaque thérapeute a une persona, et Erickson (et surtout ses étudiants) décrivait sa persona de thérapeute du point de vue de l'Erickson-l'intelligent. Comme Sherlock Holmes, l’Erickson-l'intelligent étonne le lecteur par son intelligence pleine de bon sens et sa remarquable créativité. Comme Holmes également, Erickson n'a apparemment jamais échoué. Si le travail d'Erickson l'astucieux est fascinant et une source d'inspiration, sa valeur en tant que style d'enseignement est moins évidente. Les thérapeutes (et les clients) doivent trouver des moyens d'accepter et de travailler avec les écarts entre les résultats idéaux et réels, notamment les échecs. Il est certain qu'Erickson a échoué à de nombreuses reprises, mais nous savons peu de choses sur la manière dont il s'est battu pour apprendre de ses échecs.

Dans mon propre cas, ce type d'oubli n'a pas été utile à mon développement. Pendant trop longtemps, j'ai minimisé mes faiblesses et mes échecs, et j'ai essayé de me montrer toujours confiant et toujours responsable. Mon tabou contre l'échec a surtout compromis ma capacité à ne pas savoir, cet ingrédient essentiel de la curiosité et de la créativité.

J'en suis venu à croire que l'échec du thérapeute est essentiel au succès de la thérapie. C'est précisément lorsque le client renvoie la théorie au visage du thérapeute ou résiste à la suggestion thérapeutique (ou hypnotique) que la thérapie se produit réellement. À ce moment-là, le client découvre sa propre voie et se rend compte qu'elle est très différente de ce que le thérapeute a compris. Le processus thérapeutique qui commence avec l'échec du chemin adopté par le thérapeute doit alors être cultivé en suivant et en donnant doucement une présence humaine et une structure à chaque expression successive du chemin du client.

Nous voyons ce processus particulièrement dans le travail avec l'hypnose et avec la métaphore. Erickson avait l'habitude d'encourager les sujets hypnotiques à traduire ses significations, ses mots et ses images en leurs propres significations, mots et images. Je crois que le thérapeute devrait être très inquiet si le client suit littéralement chaque suggestion proposée, car cela suggère que la personne essaie d'être un "bon garçon" ou une "bonne fille" et de suivre la voie du thérapeute, plutôt que de découvrir sa propre voie. Au fur et à mesure que les clients développent l'ouverture et l'amour de soi, ils découvrent des différences croissantes entre eux et le thérapeute. Le client se rend compte de l'inadéquation des perspectives du thérapeute aux besoins du client, et ce dernier apprend qu'il doit se fier de plus en plus à ses propres pensées et sentiments. Ainsi, la révélation des échecs du thérapeute devient la base du progrès thérapeutique.

8. L'amour est-il une force avec laquelle il faut compter ? 

La discussion a été jusqu'ici quelque peu critique à l'égard des idées de pouvoir, de manipulation et de tromperie. Cela nous amène à nous demander : le pouvoir de l'amour est-il supérieur ou égal à l'amour du pouvoir ? L'amour en tant que compétence est-il pertinent pour faire de la thérapie ? Peut-il être utilisé efficacement pour absorber et transformer la violence implicite d'un symptôme ?

Je crois que la réponse est oui à chacune de ces questions. Une fois que nous avons dépassé notre compréhension immature et rigide de l'amour comme un état qui "vous arrive" dans des circonstances favorables, nous pouvons l'apprécier en tant que compétence cultivée et que force disponible dans les circonstances les plus défavorables (voir Fromm, 1956). Nous en voyons des exemples dans le travail de Gandhi, King, Christ, Mandela et d'autres. Je pense que nous l'avons également vu dans le travail d'Erickson. L'amour en tant que compétence comporte de nombreux aspects, notamment l'ouverture, la compréhension du cœur, l'ancrage, la réception, la compassion (souffrir avec), la protection, l'accompagnement, la bénédiction, le constat de la croissance, l'engagement, l'avertissement et la flexibilité. Je pense que la thérapie implique beaucoup d'amour et qu'il est regrettable que nous en parlions si peu. (Mère Theresa se plaît à dire qu'il n'y a pas de grands actes, seulement de petits actes, accomplis avec beaucoup d'amour).

L'exemple d'Erickson m'a encouragé à passer d'une situation où l'on essaie de dicter, de dominer et de contrôler la vie à une situation où l'on apprend à coopérer avec elle, tant dans le monde intérieur qu'extérieur. Je ressens un grand amour dans le travail d'Erickson, et je trouve que c'est un bon exemple de rappel de ce qui est possible de faire. L'importance fondamentale qu’il peut y avoir à penser à la thérapie en termes d'amour, plutôt que de pouvoir ou de manipulation, m'apparaît de plus en plus clairement. Ainsi, je crois qu'il est utile d'ouvrir des discussions sur ce qu'est l'amour en tant que compétence en thérapie, et sur la manière de promouvoir et de cultiver le courage d'aimer.

Résumé

Mon développement en tant que thérapeute a été fortement influencé par l'exemple de Milton Erickson. L'accent qu'il a mis sur le caractère unique de chaque personne, sur l'acceptation et la coopération avec ce que la personne propose, sur le rétablissement de l'équilibre et sur la joie de vivre, continue d'éclairer mon chemin et de me guider vers l'avenir. Au fur et à mesure des changements de son chemin, mon style a également changé. Parmi les aspects du travail ericksonien que je laisse derrière moi, citons l'accent mis sur le pouvoir et la manipulation ; le soi autre que conscient en tant qu'appareil mental ; l'intelligence comme étant "dans" ou "de" l'inconscient ; la transe comme étant toujours une bonne chose ou un événement quotidien ; la valeur de la communication indirecte ; un accent singulier donné au succès et le tabou des échecs.

Je suis plus curieux de l'amour en tant que compétence ; de la coopération en tant que compétence ; du cœur, de l'âme, du centre, du moi intérieur et du « point de douceur » originel en tant que complément à celui de l'inconscient ; de l'intelligence dans l'inter-être ; de la spécificité de la transe et de son lien avec les "cousins", tels que l'art et la méditation ; de la communication expérientielle-symbolique qui contourne les cadres fixes du thérapeute et du client ; et de la compétence d'être avec les échecs.

Je me rends compte que d'autres voient le travail d'Erickson différemment. C'était l'énigme et la force d'Erickson ; son travail signifiait tant de choses pour tant de personnes. Mon intérêt majeur ici est de partager comment ce que j'ai appris de lui il y a 20 ans, change encore pour le meilleur ou pour le pire dans mon travail aujourd'hui. J'espère que cela reste vrai pour chacun d'entre nous. Comme le disait le Bouddha, "Sois une lumière pour toi-même".

Stephen Gilligan. Docteur en psychologie, psychothérapeute, hypnothérapeute et coach. Docteur en psychologie (Standford University) et psychothérapeute américain, élève de Milton Erickson et de Grégory Bateson, il fut un des premiers étudiants puis contributeurs de la PNL. Reconnu comme l'un des grands continuateurs de Milton Erickson, salué pour son travail sur les processus de reconnexion corps/esprit et les états de transe générative favorisant les changements profonds, il intervient régulièrement dans le monde entier et notamment à Paris (Institut Repères). Il est auteur chez InterEditions (2015) de l'Hypnose générative, ou l'expérience du flow créatif et,avec Robert Dilts, chez InterEditions (2011) du Voyage du héros – Un éveil  à soi-même 

Les formations avec Stephen Gilligan : Praticien en Hypnose Générative avec Stephen Gilligan

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[I] Il convient de noter que Haley a étudié avec Erickson de la fin des années 1950 au début des années 1970, alors que la santé d'Erickson était bien meilleure qu'à la fin des années 1970, lorsque Rossi était étudiant et que l'âge et la maladie faisaient de plus en plus de ravages chez Erickson. Il se peut qu'Erickson ait été un thérapeute différent à ces deux époques, ce qui contribue à certaines des différences entre les versions des deux auteurs. Un contrepoint à cet argument, peut cependant être trouvé dans la publication par Erickson et Rossi (1989) du cas de l'homme de février qui s'est produit en 1945. Ici, comme dans la plupart des autres cas rapportés par Rossi, l'accent est mis sur le travail hypnotique. Ainsi, alors qu'Erickson a peut-être changé quelque chose, les différences entre Haley et Rossi reflètent peut-être davantage leurs propres partis pris. Le fait que le travail d'Erickson puisse soutenir de telles différences est peut-être le point le plus intéressant.

[ii] Un bon exemple de cet engagement envers l'équilibre se trouve dans la dédicace d'Erickson dans Erickson, Rossi et Rossi (1977) : "Dédié à une compréhension toujours en progrès du fonctionnement total de la personne individuelle au sein du soi, séparément et simultanément en relation avec les autres êtres et l'environnement total."

[iii] Les lacunes des idées de pouvoir et de contrôle ont été abordées par d'autres, notamment Keeney (1983) et Hoffman (1985).

[iv] Mon opinion personnelle est qu'une lutte admirable existait chez Erickson entre le principe de pouvoir, qui régnait en maître et sans contestation à l'époque d'Erickson, et le principe de coopération, dont Erickson était l'un des principaux initiateurs. Cette lutte est semblable à celle de Morehei Ueshiba, le fondateur de l'art martial de l'aïkido, qui était également connu comme le plus grand artiste martial de l'histoire du Japon. Ueshiba, comme Erickson, a donné naissance à une vision de la manière de s'associer de façon non violente à un agresseur pour réconcilier la violence. L'aïkido est l'une des traditions qui m'a aidé à voir les symptômes comme des actes de violence contre soi et/ou contre les autres [v].

[V) Il est intéressant de noter qu'un outil important des programmes de rétablissement en 12 étapes est l'acronyme HALT (Hungry-Angry-Lonely-Tired). L'idée est que ces états, s'ils sont actifs mais non surveillés, sont des déclencheurs de comportements addictifs [vi].

[VI) Il existe bien sûr d'autres points de vue sur la nature de l'hypnose. Lynn et Rhue (1991) fournissent un excellent résumé des controverses actuelles. Je ne crois pas que le point de vue actuel soit un moyen cliniquement utile de rejoindre et de transformer la souffrance du client.

[VII) Comme le note Pribram, les signes peuvent parfois être utilisés de manière symbolique et les symboles peuvent être utilisés de manière significative, mais ce niveau d'analyse n'est pas nécessaire pour les besoins de la présente discussion.