Les approches Ericksoniennes de l'hypnose clinique par Stephen Gilligan

Les approches Ericksoniennes de l'hypnose clinique par Stephen Gilligan

Les aspects essentiels d’une approche Eriksonienne de l’hypnose et de l’hypnothérapie selon Stephen Gilligan

Je voudrais discuter dans cet article de ce que je considère comme des aspects essentiels d'une approche Ericksonienne de l'hypnose et de l'hypnothérapie. Je souhaite d'abord opposer brièvement la vision Ericksonienne de la relation hypnotique à d'autres visions plus traditionnelles, puis identifier ce que je considère comme les principes généraux de la communication dans l'approche Ericksonienne et leur application à la situation spécifique des inductions hypnotiques. Enfin, je voudrais commenter le besoin d'intégrité dans l'application de ces principes et techniques. Chacun de ces sujets est important, et dans le cadre de cet article, je ne peux exprimer qu'une signification assez générale de leur importance. Par conséquent, mes remarques seront très sélectives et nécessairement incomplètes. Un traitement plus complet de ces questions se trouvera dans mon livre, Hypnotherapeutic Changes : An Ericksonian Approach.

La relation hypnotique

La première question concerne la nature de la relation hypnotique. J'énumère ci-dessous les trois principaux concepts de la relation hypnotique : 1) l'approche autoritaire ; 2) l'approche standardisée ; et 3) l'approche d'utilisation. L'approche autoritaire met l'accent sur le pouvoir de l'hypnotiseur. Cette approche, créée par Mesmer et d'autres, est toujours explicitement exploitée par les hypnotiseurs de scène et c’est donc souvent l’idée que le profane non informé retient de l’hypnose. Même de nombreux cliniciens formés adhèrent implicitement à cette vision qui, dans sa forme extrême, implique un opérateur puissant et charismatique (généralement un homme) exerçant un pouvoir étrange sur un sujet malchanceux et faible (souvent une femme). En substance, l'opérateur amène le sujet à faire quelque chose qu'il ne ferait pas normalement (par exemple, aboyer comme un chien ou arrêter de fumer). Cette approche suppose généralement que l'inconscient soit une sorte de réceptacle passif dans lequel les suggestions sont "placées" ou un terrain fertile dans lequel l'hypnotiseur "creuse" afin de pouvoir "planter" des suggestions. Franchement, je ne pense pas que l'inconscient doive être traité comme un morceau de terre. Pour cette raison et pour d'autres, comme le fait que les suggestions directes ne fonctionnent généralement pas très bien et que les gens n'aiment pas qu'on leur dise de manière autoritaire ce qu'ils doivent faire, cette approche a une valeur plutôt limitée.

De nombreuses personnes ont pris conscience de ces limites et ont ensuite développé ce que l'on pourrait appeler l'approche standardisée. Ce concept auquel adhèrent de nombreux praticiens, est en partie une réaction à l’importance donnée au pouvoir inapproprié de l'hypnotiseur dans son approche autoritaire. L'approche standardisée suppose généralement que la réponse hypnotique soit déterminée par un trait ou une capacité inhérente du sujet. L'hypnotiseur n'est pas vraiment important, le sujet étant hypnotisable ou pas. Ce point de vue suppose en outre que vous pouvez évaluer la "susceptibilité" d'une personne à la transe en présentant 10 ou 20 minutes de suggestions standardisées et répétitives, puis en administrant quelques tests comportementaux rapides tels que l'immobilité ou la lourdeur des mains. Si le sujet réussit la plupart de ces tests, il est considéré comme un bon sujet à hypnotiser ; sinon, tant pis. Je pourrais noter que dans cette approche, l'hypnotiseur est considéré comme si peu important que les suggestions sont parfois enregistrées sur bande. Ainsi, si vous êtes une personne occupée, vous pouvez mettre la cassette, sortir et boire un café pendant 10 ou 20 minutes, puis revenir et faire passer les tests.

Il n'y a rien d'intrinsèquement mauvais dans cette approche, surtout dans un contexte de recherche dans laquelle elle est parfois nécessaire. Cependant, elle ne fonctionne pas très bien chez un grand nombre de sujets, notamment ceux qui se trouvent dans des situations cliniques. L'approche standardisée considère le grand pourcentage de sujets non réceptifs comme preuve de l’insensibilité de certaines personnes au phénomène de la transe. Je pense que leur absence de réponse reflète plutôt des limites de l'approche standardisée. Les inductions standardisées sont généralement de mauvaise qualité et demandent essentiellement au sujet de se relaxer 40 ou 50 fois. La forme standardisée exige que le sujet tente de faire entrer son expérience dans une structure prédéterminée ; elle ne peut pas traiter ou utiliser les difficultés que le sujet pourrait rencontrer, comme par exemple un dialogue interne lancinant.

Un autre problème de l'approche standardisée est que la transe est définie par rapport à la réussite d’un certain nombre d'éléments comportementaux lors d’un test. Je pense que c'est un peu comme définir l'amour par un nombre de baisers donnés par une personne, ou dire que je ne peux pas danser parce que je ne connais pas le fox trot. Je pense que cette approche passe à côté d'un point majeur de la transe : Il s'agit d'une expérience interne subjective dont les manifestations comportementales varient selon les individus.

Ce point est central à l'approche Ericksonienne, à laquelle je donne le titre d'approche de l'utilisation. Contrairement aux approches autoritaires et standardisées, elle insiste sur la nature interactionnelle de la relation hypnotique. Ni l'hypnotiseur ni le sujet ne sont d'une importance capitale ; ce qui l'est, c'est l'interaction entre les deux. L'effort hypnotique est un effort de coopération dans lequel la responsabilité est mutuellement assumée. La tâche de l'hypnotiseur est de guider et de superviser le sujet ; la tâche du sujet est de décider si, comment et quand il doit répondre aux communications de l'hypnotiseur.

L'approche par l'utilisation suppose également que chaque personne est unique dans sa manière de créer sa propre expérience, et que par conséquent l'efficacité de l'hypnotiseur dépend de sa capacité à adapter ses stratégies à celles d'un sujet donné. Dans ce cas les communications standardisées ne peuvent pas être utilisées. L'approche suppose en outre que les processus inconscients fonctionnent de manière intelligente, autonome et créative et que les personnes aient stocké dans leur inconscient toutes les ressources nécessaires pour transformer leur expérience. C'est là tout l'intérêt de la transe : c'est l'occasion pour le sujet de mettre de côté son identification à tout processus conscient limitant et de passer dans un contexte (c'est-à-dire la transe) où il peut accéder aux ressources inconscientes et les utiliser pour un gain thérapeutique.

Les principes de la communication Ericksonienne

La question est donc la suivante : comment l'hypnotiseur facilite-t-il les processus hypnotiques chez le sujet ? A la place des techniques standardisées, il utilisera des principes généraux pour guider ses efforts. Je considère que les plus importants de ces principes sont 1) accepter et utiliser la réalité du client, 2) Se synchroniser et guider les comportements du sujet et, 3) interpréter la "résistance" comme un manque de synchronisation.

Le premier principe, accepter et utiliser, a été mis en avant à maintes reprises par Erickson, et constitue le thème essentiel de l'hypnothérapie d'Erickson et Rossi (1979). En bref, accepter signifie présupposer et communiquer au sujet que "Ce que vous faites en ce moment est exactement ce que je voudrais que vous fassiez. C'est bien, c'est parfait". Utiliser signifie assumer et communiquer l'attitude selon laquelle "Ce que vous faites en ce moment est exactement ce qui vous permettra de faire X." L'essence de l'acceptation et de l'utilisation est de communiquer que ce que le sujet fait est bien, et que cela lui permettra de faire quelque chose d'autre (par exemple, expérimenter la transe).

Bandler et Grinder (1975) ont abordé ces principes en tant que processus de synchronisation et guidage du comportement du sujet. Communiquer en synchronisant consiste avant tout à refléter l'expérience du sujet ; rien de nouveau est à ajouter. L’objectif principal est d'améliorer le rapport entre l'hypnotiseur et le sujet. Cela permet au sujet d'être plus confiant et coopératif et à l'hypnotiseur d'être plus compréhensif. Une fois que le rapport a été développé, l'hypnotiseur peut guider vers l’intégration de comportements différents de ceux de l'état actuel du sujet, mais cohérents avec le modèle du monde de celui-ci, et tout en se rapprochant légèrement de l'état désiré (par exemple, la transe). 

Selon les principes de la communication Ericksonienne, l’hypnotiseur efficace part du principe que toutes les expériences sont valables et utilisables, puis il adopte une synchronisation et un guidage comportemental qui conduit le sujet vers l'état désiré. L’hypnotiseur admet librement qu'on ne sait pas exactement quel chemin mènera à l'état désiré et qu’il ne sait pas vraiment la technique qui fonctionnera le mieux. Mais l’hypnotiseur sait qu'il peut "se mettre au diapason" du sujet, établissant ainsi une boucle de rétroaction continue et dans le même rythme dans laquelle il observe attentivement, accepte et utilise de façon constante la réponse du sujet. Dans ce type d'interaction, le cheminement vers l'état désiré se déroule en spirale et de manière non linéaire.

Dans cette boucle d'interaction, les principes de synchronisation et de guidage peuvent être appliqués de différentes manières et à différents niveaux. L'une des formes les plus simples de stimulation et de direction consiste à décrire verbalement le comportement actuel du sujet. C'est souvent un bon moyen de commencer une induction hypnotique. Par exemple, en tant qu'hypnotiseur, vous pouvez dire à un sujet :

  1. vous êtes assis là, (déclaration de synchronisation)
  2. vous me regardez, (déclaration de synchronisation)
  3. vous inspirez et expirez, (déclaration de synchronisation)
  4. vos yeux clignotent vers le haut puis vers le bas, (déclaration de synchronisation)
  5. et lorsque vous vous déplacez sur votre chaise (déclaration de synchronisation)
  6. vous pouvez aussi commencer à vous mettre dans un état de relaxation confortable. (déclaration de guidage )

Les cinq premières déclarations sont toutes des énoncés de synchronisation ; elles décrivent simplement la réalité indéniable des comportements observables du sujet. La dernière clause, cependant, prend appui sur la synchronisation pour introduire un énoncé de guidage (développer la relaxation).

Bien sûr, toutes les affirmations de guidage ne conviendront pas. Parfois, vous aurez un guidage trop rapide ou inapproprié. Mais ce n'est pas grave ; il suffit d'observer la façon de réagir, de synchroniser du sujet et de s'en servir. S'il/elle suit, très bien, cela devient votre nouvel état de synchronisation ; sinon, très bien, il suffit de synchroniser ce qu'il/elle fait. Toute cette interaction consiste à synchroniser et guider, synchroniser et guider, encore et encore et encore.

La synchronisation et le guidage peuvent également se réaliser de manière non verbale. Par exemple, si vous voulez calmer un client excité, vous pouvez commencer à refléter son excitation non verbale en parlant de la même manière essoufflée, aiguë et frénétique. Au bout d'un moment, vous pouvez commencer à guider en ralentissant un peu et en vous détendant un peu plus. Si vous guidez trop rapidement et que le sujet continue son rythme frénétique, ce n'est pas grave ; vous pouvez revenir au rythme rapide une fois de plus, en parlant de la vitesse à laquelle les choses peuvent vraiment aller, puis commencer à ralentir progressivement. Vous pouvez poursuivre ce processus jusqu'à ce que le sujet atteigne l'état souhaité.

Une autre façon de synchroniser et guider de manière non verbale consiste à synchroniser de façon comportementale, sur les inflexions tonales de sa voix, son rythme respiratoire, de sorte que chaque fois que le sujet expire, votre inflexion tonale diminue. Vous pouvez hocher subtilement la tête chaque fois que le sujet cligne des yeux, puis commencer à hocher occasionnellement la tête lorsque le sujet ne cligne pas des yeux. Vous pouvez augmenter progressivement ce guidage jusqu'à l’obtention des battements de paupières du sujet, une réponse qui peut facilement être utilisée pour développer une transe. Cette technique, que j'appelle "cross-behavioral pacing and leading", est généralement très efficace. Elle est indirecte et contourne donc les processus conscients du sujet.

Synchronisation et guidage peuvent être plus complexes et sophistiqués. Par exemple, un co-thérapeute et moi-même avons travaillé avec un psychotique qui terrorisait les psychiatres de son service avec des hallucinations de bébés morts, de hot dogs sortant de ses oreilles et d'autres images bizarres. Lorsque nous l'avons interrogé pour la première fois, il a regardé dans tous les sens et nous a demandé si nous avions vu ces hallucinations. Nous lui avons donné raison de façon très concrète, puis nous avons regardé dans le vide avant de lui demander s'il avait vu nos hallucinations. Bien sûr, tout cela a été fait de manière très élaborée et théâtrale. Il était naturellement stupéfait de notre réponse. Il a essayé de répliquer avec d'autres hallucinations, ce que nous avons accepté, puis nous avons commencé à introduire nos propres hallucinations. Après un moment, nous lui avons avoué avec déception que nous avions demandé à le voir parce que nous voulions devenir de meilleurs hallucinateurs et qu'on nous avait dit qu'il en était un expert. Cependant, nous avons fait remarquer qu'il y avait manifestement eu une erreur ; après tout, nous avions eu dix bonnes hallucinations, alors que lui n'en avait eu que trois médiocres. De plus, avons-nous poursuivi, le type de la salle voisine avait une demi-douzaine d'hallucinations d'une bien meilleure variété...

Inutile de dire que cela a produit un état de confusion chez le patient, que nous avons utilisé en lui proposant de lui apprendre à devenir un meilleur hallucinateur. Il a accepté et au cours des mois suivants, nous lui avons montré comment générer d'autres hallucinations, comment halluciner de manière détendue et comment avoir des hallucinations réconfortantes. Nous sommes progressivement passés de processus hallucinatoires effrayants et incontrôlés, à des sortes d'hallucinations plus détendues et utiles, puis à l'abandon total des hallucinations.

Un autre de mes clients, président d'une entreprise prospère, souffrait d'intenses conflits internes. Dans le cadre de la stratégie thérapeutique, avec l’hypnose je lui ai demandé de se visualiser à une "réunion du conseil d'administration" où toutes les différentes "parties" de lui-même étaient présentes. Je lui ai demandé d'utiliser sa position de "président" pour résoudre les différents désaccords entre les "membres du conseil". Cette opération s'est déroulée sur plusieurs séances et a donné des résultats positifs.

Ce qu’il convient de retenir de ces exemples, c’est de prendre ce que la personne vous donne et de l'utiliser. Cela devient votre stratégie. Avec cette façon de penser et d'agir, la "résistance" n'existe pas vraiment dans une approche d'utilisation. Tout ce que la personne fait est exactement ce que vous voudriez qu'elle fasse. Votre tâche consiste à générer des communications qui utilisent les expériences en cours. Si vous ne les utilisez pas pleinement, le sujet vous le dira, généralement de manière indirecte et non verbale. Vous vous surprendrez à accuser la personne d'être "résistante" ou à la qualifier de "non réceptive". Vous réagissez alors à des communications du sujet qui vous disent : "Ce que vous faites en ce moment n'est pas une synchronisation. Vous n'utilisez pas un de mes comportements ou une de mes expériences". Ni l'hypnotiseur, ni le sujet n'est une "mauvaise personne" ou "malade" ou "fou". "La résistance" est juste un message indiquant que vous devez vous synchroniser à nouveau avec le sujet. Je pense que c'est un concept radical qui est incroyablement utile pour le clinicien.

Le processus d'induction

Comment ces principes d'utilisation s'appliquent-ils à la situation spécifique des inductions ? Les principales stratégies ou principes que l'hypnotiseur Ericksonien utilise pour induire la transe sont les suivants : 1) obtenir et maintenir l'absorption attentionnelle du sujet ; 2) accéder aux processus inconscients et les développer (stratégies associatives) ; et 3) se synchroniser et distraire les processus conscients (stratégies dissociatives).

La première chose à faire lors d'une induction est d'obtenir l'attention du sujet et de maintenir cette absorption. Pour ce faire, vous utilisez les processus non verbaux de certaines manières : 1) rester orienté vers l'extérieur ; 2) rester flexible ; 3) communiquer de manière significative ; et 4) être confiant.

Le premier point, rester orienté vers l'extérieur est crucial, car votre principale tâche d'hypnotiseur est d'utiliser les processus en cours du sujet. Il est donc très important de rester en permanence conscient de ce que fait le sujet. Pour y parvenir, vous pouvez développer ce que Bandler et Grinder appellent un état « up-time », ce que j'appelle une transe orientée vers l'extérieur. Dans cet état, l'hypnotiseur respire confortablement et se concentre entièrement et continuellement sur le sujet. Il entre dans une boucle de rétroaction pour rester dans le rythme du sujet, et qui lui permet de ressentir une forte connexion avec lui. Dans cet état, le comportement de l'hypnotiseur n'est pas dirigé par des processus conscients ; il se laisse plutôt tomber en transe et laisse son inconscient réagir. En d'autres termes, le comportement du sujet est le seul contenu de la conscience de l'hypnotiseur. L'imagerie interne qui imprègne normalement les processus de pensée de l’hypnotiseur n’a pas sa place ici. C'est comme si la notion d'esprit s'étendait au-delà des limites normales du corps pour inclure le sujet. Il ne s'agit pas d'un état complet d'empathie, mais d'un état paradoxal dans lequel l'hypnotiseur éprouve à la fois un rapport total avec le sujet et une observation détachée de l'interaction. Ce processus renforce le sentiment de rapport entre l'hypnotiseur et le sujet. Il aide également les deux participants à développer des manières de faire focalisées et sans efforts. Enfin, il aide l'hypnotiseur à détecter les aspects subtils de l'expérience du sujet.

Tout cela peut sembler un peu étrange, mais je forme mes étudiants à développer et à utiliser ce style de processus lorsqu'ils travaillent comme hypnotiseurs. La plupart d'entre eux le trouvent facile à utiliser et presque tous affirment qu'il améliore nettement leur efficacité en tant qu'hypnotiseurs. Ce processus n’est pas sans rappeler celui utilisé par les grands artistes et athlètes. Ces maîtres passent des heures interminables à utiliser des processus conscients et analytiques pour développer et affiner leurs compétences, mais ils "arrêtent de penser" et laissent leur inconscient le faire pour eux quand vient le moment de la performance réelle. Un hypnothérapeute Ericksonien efficace réfléchit longuement avant et après une séance clinique, mais lorsqu'il interagit avec un client, il laisse son inconscient utiliser le fruit de ses réflexions. J'ai appris ce processus d'Erickson, qui l'utilisait assez souvent. Par exemple, au début de ma formation avec lui, je l'ai vu faire un travail merveilleux avec un patient. Partant du principe que ses stratégies sophistiquées devaient résulter de cognitions conscientes complexes, j'étais déterminé à identifier les processus de pensée exacts qu'il utilisait. Après le départ du patient, j'ai posé mon crayon et j'ai résolument commencé à interroger Erickson.

"Milton, est-ce que vous vous faites-vous beaucoup d'images ?"
"Non", a t-il lentement mais fermement déclaré.
"Pas de photos", ai-je marmonné en rayant cette catégorie sur ma feuille.
"OK. Est-ce que vous avez beaucoup de dialogue interne dans cette situation ?"
"Non", a t-il encore répondu de manière convaincante.
"OK. Pas de dialogue interne. Laissez-moi l'écrire ici. OK. Eh bien, avez-vous des sensations kinesthésiques ? Vous savez, des sensations dans le corps, ce genre de choses."
"Non."

Je commençais à être à la fois suspicieux et confus. "Voyons voir. Pas d'images, pas de dialogue interne, pas de sensations kinesthésiques. Eh bien, Milton, je ne comprends pas. Comment savez-vous ce qu'il faut faire ?"

"Je ne sais pas. Je ne sais pas ce que je vais faire, je ne sais pas ce que je vais dire. Tout ce que je sais, c'est que je fais confiance à mon inconscient pour faire passer dans mon conscient ce qui est approprié. Et je ne sais pas comment ils vont réagir. Tout ce que je sais, c'est qu'ils vont réagir. Je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas quand. Tout ce que je sais, c'est qu'ils répondront d'une manière appropriée, d'une manière qui leur convient le mieux en tant qu'individu. Je suis donc intrigué par le fait de me demander exactement comment leur inconscient va choisir de réagir. Et donc j'attends confortablement leur réponse, sachant que lorsqu'elle se produira, je pourrai l'accepter et l'utiliser » 

Il a fait une pause, les yeux pétillants. "Maintenant je sais que ça semble ridicule. Mais ça marche !"
Et après ma confusion initiale, j'ai pu vérifier et constater qu'en effet, cela fonctionnait.

Le deuxième processus consiste à rester flexible dans cet état de transe orienté vers l'extérieur. Si une technique ne fonctionne pas, très bien, utilisez-en une autre. Si une communication ne semble pas appropriée, pas de problème, passez à une autre. Il n'y a pas vraiment d'erreurs à faire dans une communication hypnotique bien intentionnée. Il n'y a que des résultats, et chaque résultat est utile. Vous proposez des communications comportementales, puis vous observez et utilisez les réponses. Pour ce faire, vous devez vraiment rester en phase avec le sujet, sans essayer de le faire entrer dans une catégorie rigide et préformée.

Une autre interaction avec Erickson illustre l'importance de ce point. Ce fut l'une des expériences les plus importantes de ma vie. Après des années d'étude assidue de son approche, je sentais que je maîtrisais assez bien ses stratégies sophistiquées, mais je sentais clairement qu'il me manquait quelque chose. Je savais que mon travail n'était pas aussi efficace qu'il pouvait l'être, mais je ne savais pas très bien comment je me limitais. Finalement, le dernier jour d'une visite d'une semaine chez Erickson, je lui ai respectueusement demandé des conseils. Au lieu de me lancer dans l'une de ses réponses longues et indirectes, il a déclaré d'une manière simple mais intensément significative : "Vous avez tendance à trop cloisonner votre expérience, et cela fait obstacle à votre inconscient." Il a ensuite immédiatement mis fin à la séance.

En sortant avec un collègue, j'ai avoué ma déception de n'avoir reçu aucun feedback utile, mais j'ai suggéré avec sympathie que c'était parce qu'Erickson se faisait vieux, et qu'en outre, il n'avait jamais eu une bonne compréhension consciente de ce qu'il faisait. En d'autres termes, j'ai "compartimenté" sa réponse ! Plusieurs mois plus tard, à la fin d'une session de formation similaire, j'ai à nouveau posé la question, à laquelle il a répondu un peu plus sévèrement : "Vous avez tendance à trop cloisonner votre expérience, et cela fait obstacle à votre inconscient !" Ma déception fut encore plus marquée cette fois, car Erickson devenait manifestement un peu sénile ; il ne se souvenait même plus de ce qu'il m'avait dit auparavant.

Quatre mois plus tard, mon désespoir s'accentua lorsque ma troisième question donna lieu à la même réponse. Pourquoi Milton était-il si peu informatif ? Pourquoi ne pouvait-il pas se souvenir de ce qu'il m'avait dit auparavant ? Donnait-il des conseils aussi peu utiles sur ces questions à tous ses étudiants ? Si oui, que devenait alors l'importance qu'il accordait aux solutions uniques pour chaque personne ? Quelques mois plus tard, j'ai tenté une nouvelle fois de répondre à cette question : "Vous avez tendance à trop cloisonner votre expérience, et cela gêne votre inconscient ! ". Et là FLASH ! !! Quatre fois et huit mois plus tard, j'ai été surpris par une révélation aveuglante (ou plutôt non aveuglante) : j'avais tendance à trop cloisonner mon expérience, et cela a toujours gêné mon inconscient ! Quand j'ai enfin regardé Erickson, ses yeux pétillaient. "C'est vrai", a t-il dit doucement. Ma prise de conscience s'est vraiment déroulée et développée au cours des mois suivants. Il m’est devenu évident que je passais la plupart de mon temps d'hypnotiseur en dialogue interne, à essayer de classifier le comportement du sujet et à trouver une réponse appropriée. Plus je me livrais à ces évaluations conceptuelles, moins j'étais attentif à ce que le sujet vivait et faisait réellement. De plus, j'étais obligé de « classer » le sujet dans telle ou telle catégorie, limitant ainsi le degré de rapport possible. Au fur et à mesure que je renonçais à de tels "cloisonnements", j'appréciais de plus en plus le caractère unique de chaque individu. Plus important encore, mes communications sont devenues plus appropriées et mon travail plus efficace.

Bien sûr, il m'arrive de me retrouver à nouveau embourbé dans ce mode évaluatif. Mais lorsque cela m'arrive, je repense à la suggestion simple mais persistante d'Erickson. Il est difficile de résister à une telle suggestion.

Les deux derniers points se rapportent à la communication confiante avec le sujet. Ce processus constituait une partie importante de ce qu'Erickson soulignait dans ses écrits. Votre communication non verbale doit indiquer sans équivoque au sujet que ce que vous dites est important et qu'il peut y répondre. À bien des égards, votre communication non verbale est plus importante que vos verbalisations. Si ce que vous dites semble significatif et important, la personne se sentira obligée d’y répondre.

Une fois le sujet attentif, utilisez le rapport pour développer des processus inconscients ; c'est-à-dire que vous cherchez à développer des expériences hypnotiques chez le sujet. Vous pouvez y parvenir de plusieurs manières. Une bonne technique pour débuter une induction consiste à poser des questions qui permettent d'accéder à des souvenirs du sujet en rapport avec la transe. Par exemple, vous pouvez poser des questions générales :

  • Vous souvenez-vous de ce que vous avez ressenti lors de votre dernière transe ?
  • Qu'avez-vous ressenti lorsque vous étiez dans la transe la plus profonde que vous ayez jamais connue ?

Ou, si le sujet n'a jamais eu d'expérience de transe :

  • Pouvez-vous imaginer et commencer à me décrire ce que ce serait pour vous de commencer à développer une transe ?
  • Vous souvenez-vous d'un moment où vous vous êtes senti très détendu ?

Ou, si vous souhaitez développer un phénomène de transe particulier, comme la régression en âge, vous pouvez poser des questions plus spécifiques :

  • Aviez-vous un surnom quand vous étiez enfant ?
  • Aviez-vous un jeu préféré quand vous étiez jeune ?
  • Aviez-vous un compagnon de jeu imaginaire quand vous étiez enfant ?

Il existe un nombre incalculable de questions qui invitent le sujet à revivre une expérience naturelle et pertinente de transe. Il est important de comprendre que la réponse du sujet à ces questions dépend en grande partie de la manière dont elles sont posées. En général, le sujet accèdera et rentrera dans des expériences revivifiées dans la mesure où l'hypnotiseur pose la ou les questions de manière significative, convaincante et intéressée.

Les réponses du sujet peuvent ensuite être développées, soit par d'autres questions, soit par d'autres techniques plus élaborées. La plupart de ces techniques sont déjà bien connues, je n'en dirai donc pas plus, si ce n'est que la plupart des techniques traditionnelles conviennent, à condition de les adapter au sujet concerné. Par exemple, vous pouvez utiliser des techniques de relaxation progressive avec des sujets à orientation kinesthésique, ou des méthodes d'imagerie guidée avec des personnes à orientation visuelle. Avec une personne dont les processus conscients (par exemple, le dialogue interne) interfèrent avec le développement de la transe, vous pouvez raconter des métaphores. Ces histoires, qui étaient une marque de fabrique du travail d'Erickson, ont un contenu différent de l'expérience ou des problèmes du sujet, mais évoquent des processus ou des thèmes très similaires à ceux de l'expérience du sujet. On parle donc d'autres personnes qui entrent en transe, ou d'interactions avec d'autres clients, ou même d'expériences personnelles. Le sujet est consciemment distrait parce qu'il se dit : "Mince, ça ne me concerne pas", mais il s'identifie inconsciemment à l'histoire et accède ainsi aux expériences qu'elle suggère.

Ce dernier point conduit au troisième principe d'induction, qui consiste à synchroniser et distraire les processus conscients. Les techniques de distraction ou de confusion sont utiles parce que les seules techniques d'induction ne sont généralement efficaces que dans la mesure où le sujet leur permet de l'être. Autrement dit, le sujet doit non seulement être disposé à participer, mais aussi être capable de laisser les expériences inconscientes se développer. De nombreux sujets ont des difficultés à le faire. Plus précisément, leurs processus conscients font interférence en posant continuellement des questions, en analysant ou en essayant d'aider au développement de l'expérience hypnotique. Dans la mesure où une telle participation consciente se produit, l'hypnotiseur doit employer des techniques et des stratégies qui désactivent cette interférence.

Il existe de nombreuses façons d'y parvenir. Par exemple, l'hypnotiseur peut utiliser des techniques qui vont occuper totalement les processus internes du sujet avec des tâches non pertinentes pour le développement de la transe. Une de ces techniques consiste à demander au sujet de compter à rebours (en silence) de mille à un, avec des groupes de trois chiffres. Pendant que le sujet fait cela, l'hypnotiseur poursuit son induction. Si le sujet semble être capable de faire cela sans problème, vous pouvez utiliser une technique de surcharge mentale en faisant verbaliser les lettres de l'alphabet du début tout en les visualisant celle de fin. Le sujet commence par verbaliser un "a", tout en visualisant la lettre "z" ; il verbalise ensuite la lettre "b" tout en visualisant le "y", et ainsi de suite. Si vous essayez vous-même, vous vous rendrez rapidement compte de la surcharge mentale et de la désorientation que cela peut provoquer. Pendant ce temps l'hypnotiseur utilise des techniques de développement de la transe.

En plus des techniques de distraction, Erickson a développé un grand nombre de techniques de confusion. En bref, l'utilisation des techniques de confusion repose sur les hypothèses suivantes :
1) une personne possède de nombreux schémas comportementaux automatiques et prévisibles;
2) l'interruption inattendue de l'un de ces schémas créera un état d'incertitude marqué par une « activation indifférenciée » (p. ex., la confusion) ; 
3) l'activation augmentera à moins que la personne puisse l'attribuer cognitivement à quelque chose ; 
4) la plupart des gens n'aiment pas du tout les états d'incertitude et sont motivés à les éviter ; 
5) par conséquent, la plupart des gens s'accrocheront à la première chose qui entre dans leur conscience et qui réduit l'incertitude.

Sur la base de ces hypothèses, la plupart des techniques de confusion comportent les cinq étapes suivantes.

1) Identifier un schéma dominant dans le comportement du sujet
2) Suivre ce schéma pendant un certain temps
3) Interrompre ou surcharger le schéma d'une manière qui déconcerte le sujet
4) Amplifiez un peu la confusion,
5) Utilisez la confusion en introduisant une simple déclaration principale (par exemple, "entrer en transe").

Ces principes peuvent être illustrés de quelques exemples. Ma première expérience de mise en transe involontaire illustre la facilité avec laquelle des techniques d'interruption relativement simples peuvent être mises en œuvre. J'étais assis dans le bureau d'Erickson. Alors que je l'écoutais attentivement raconter un certain nombre d'histoires métaphoriques, j'étais fortement dominé par le schéma cognitif consistant à analyser et à "cloisonner" chacune de ses déclarations pour en chercher la "réelle" signification. J'ai donc été surpris lorsque, tout à coup, il a regardé attentivement ma main, l'a montrée du doigt et a dit de la manière la plus surprenante et la plus incrédule qui soit : "N'est-ce pas votre main gauche qui ne se soulève pas ? Encore ? ... Maintenant ?" Mes souvenirs de cette expérience sont encore assez flous. Tout ce dont je me souviens, c'est d'avoir vu la pièce bouger et d'avoir senti ma main commencer à flotter involontairement vers le haut. Je me suis retrouvé à regarder Erickson droit dans les yeux lorsqu'il a dit : "C'est ça, fermez les yeux et entrez en transe maintenant ! !!". Croyez-moi, je l'ai fait immédiatement. Il a ensuite ajouté : "Et laissez votre inconscient faire le travail pour vous." C'est ce que j'ai fait aussi. Les techniques de confusion les plus efficaces sont celles qui utilisent le schéma même qui empêche la personne d'entrer en transe, dans ce cas mes processus de "cloisonnement", comme base de l'induction. Encore une fois, ce que fait la personne est exactement ce qui lui permettra de faire l'expérience de la transe.

D'autres techniques de confusion consistent à surcharger les processus conscients du sujet. Par exemple, une double induction est un processus dans lequel deux hypnotiseurs effectuent des inductions simultanées sur un sujet. Les hypnotiseurs jouent à tour de rôle à la fois verbalement et non verbalement. Après un certain temps, la plupart des sujets trouvent qu'il est presque impossible de continuer à être attentif à ce qu'ils vivent. Certains abandonnent tout simplement et se retirent en transe ; d'autres sont tellement désorientés que le simple fait de leur demander de "se laisser aller complètement et d'entrer en transe" est généralement très efficace.

De nombreux cliniciens me disent qu'ils aiment cette technique de double induction, mais qu'ils ne peuvent pas l'utiliser parce qu'ils travaillent seuls. Il n'y a pas lieu de désespérer. Une procédure modifiée consiste à demander au sujet de prêter une attention à une induction enregistrée. Pendant que la cassette passe, vous faites une induction "en direct" dans l'autre oreille.

La surcharge confusionnelle peut également être obtenue en racontant des histoires impliquant une désorientation spatiale et/ou temporelle. Une histoire que j'ai trouvée particulièrement efficace est celle d'un voyage en voiture au cours duquel le conducteur n'est pas sûr de la séquence exacte des virages à prendre. Un exemple abrégé de cette technique, que j'appelle la manœuvre directionnelle d'autohypnose, est le suivant :

(Après environ 15 minutes de communication par induction générale) Et il y a tellement de directions que vous pouvez suivre lorsque vous laissez votre inconscient le faire pour vous ... tout comme il y a beaucoup de directions différentes que vous pouvez suivre physiquement ..... Je vais vous donner un exemple .... Il y a quelques étés, je voyageais tout seul sur l'autoroute dans ma voiture, en faisant juste attention au bruit du moteur, et en sachant que lentement mais sûrement je me dirigeais vers un autre état. Et dans cet État, il y avait une destination particulière vers laquelle je me dirigeais, une personne particulière que je souhaitais voir, une expérience particulière que j'attendais avec impatience dans cet autre État ..... Cependant, bien que je connaisse l'ensemble des directions à suivre pour me rendre là où je voulais aller, je ne pouvais pas me souvenir de l'ordre dans lequel les virages devaient être pris. Je savais qu'à partir de l'endroit où je me trouvais à ce moment-là, je me suis dit : " Je ne veux pas être ici maintenant ; je veux être là maintenant ", et tout ce dont je me souviens, c'est que pour y arriver maintenant, ou du moins bientôt à partir d'ici, je dois prendre une combinaison de trois virages à droite et de trois virages à gauche ... mais je ne sais pas exactement comment. . mais je ne sais pas exactement quelle est la bonne série de droite et de gauche ... mais je veux y arriver et je suis ici maintenant, et donc j'ai dit, d'accord, fais très attention (suggestion intégrée au sujet), parce que nous devons faire ça bien ou nous serons laissés derrière ..... Et puis j'ai dit, très bien, commençons .... Je vais prendre une droite ici (je pense que c'est la bonne), puis une gauche et maintenant je me retrouve avec deux gauches et deux droites. Donc, d'accord, je vais prendre une autre gauche, ce qui signifie que je me retrouve maintenant avec une gauche, une droite et une droite. Si je prends une droite, je me retrouverai avec une droite et une gauche, mais si je prends une gauche, je me retrouverai avec une droite et une autre droite.... Mais je ne pense pas que ce soit bien, alors je vais d'abord prendre une droite, puis une gauche, et maintenant il me reste une droite, et donc je prends la droite, et ... c'est une impasse. C'est la mauvaise direction. Je dois donc revenir au point de départ pour ne pas me laisser complètement distancer... Je commence donc à faire marche arrière et je prends à nouveau trois fois la droite et trois fois la gauche, sauf que chaque virage est maintenant à l'opposé de l'autre direction ..... Tout est inversé... Ce qui était alors une droite est maintenant une gauche ... et ce qui était alors une gauche est maintenant une droite. ... donc pour chaque droite, il est maintenant juste de prendre une gauche ... et pour chaque gauche, il est maintenant juste de prendre une droite, et maintenant je suis de retour au début, prêt à recommencer ... et donc je commence ....

Vous pouvez ensuite répéter l'histoire avec une séquence différente de directions et continuer jusqu'à ce que le sujet ait l'air complètement confus, à ce moment-là vous pouvez proposer des suggestions de transe au sein de l'histoire. Par exemple, pour continuer à partir du haut :

... Et après un certain temps, je suis devenu si fatigué, si confus, que je ne savais pas et ne me souciais pas de savoir où aller ensuite .... Je ne pouvais pas distinguer une droite d'une gauche, ni une gauche d'une gauche... Je ne pouvais pas savoir si prendre à gauche était une bonne chose, ou si prendre à droite était une bonne chose. Alors je me suis arrêté sur le bord de la route, j'ai coupé le moteur, je me suis assis là, les yeux fermés, et je me suis dit : "Au diable l'idée d'essayer de comprendre. Arrêtez toute cette activité et détendez-vous dans une transe !". (Cette affirmation est prononcée de manière plus lente, plus douce, mais plus intense et emphatique.) et je l'ai fait. (L'hypnotiseur adopte maintenant un ton plus détendu, presque soulagé.) ... Et j'ai été capable de laisser cette transe se développer.... Il y avait la reconnaissance du fait qu'il n'y a pas besoin de faire attention à quoi que ce soit, sauf à la nécessité de répondre à ses propres besoins internes... et quelle bonne chose de savoir que vous pouvez simplement laisser votre inconscient faire le travail pour vous. »

Toutes ces affirmations sont valables et cohérentes les unes avec les autres. De plus, l'efficacité de l'histoire dépend en grande partie de la communication non verbale de l'hypnotiseur. Comme pour toute technique Ericksonienne, l'hypnotiseur doit capter et maintenir l'attention consciente du sujet et doit donc parler de manière significative, marquante et congruente. De plus, comme l'intention étant de créer et d'utiliser une surcharge informationnelle, l'hypnotiseur débute par un tempo relativement rapide, l'augmente et l'intensifie encore plus lorsque le sujet commence à être confus, puis le réduit considérablement (à une voix plus lente et plus douce) juste au moment de l'utilisation. Enfin, il est très utile d'utiliser des marques tonales spéciales pour souligner subtilement à la fois (a) les termes directionnels et ambigus (par exemple, droite/gauche) et (b) les nombreuses suggestions intégrées concernant l'attention et la transe. Lorsque ces techniques et d'autres techniques non verbales sont judicieusement appliquées, l'histoire fonctionne généralement très bien comme dispositif d'induction.

Une dernière technique pour « dépotentialiser » les processus conscients est celle de l'ennui. Comme le disait Erickson, "J'ai un esprit inconscient, et ils ont un esprit inconscient. Par conséquent, tant que nous sommes dans la même pièce, tôt ou tard, ils entreront en transe. Et si rien d'autre ne fonctionne, je vais les faire entrer en transe. Cela peut leur prendre cinq minutes, 10 minutes, 30 minutes, une heure, plusieurs heures ou de nombreuses heures. C'est très bien, je peux attendre". Et, bon sang, il pouvait attendre. Vous pouvez raconter deux ou trois heures d'histoires métaphoriques, épuisant progressivement la personne jusqu'à ce qu'elle soit incapable ou non d'opposer une résistance consciente au passage à la transe. En fait, de nombreuses personnes se retirent en transe pour échapper à toutes ces histoires ennuyeuses.

En résumé, l'induction est un processus dans lequel l'hypnotiseur utilise son corps comme un instrument de musique, l'accordant pour qu'il se mette au rythme de la "danse comportementale" du sujet. L'hypnotiseur travaille à sécuriser et à retenir les processus attentionnels du sujet, rendant ainsi possible l'accès aux processus inconscients pour développer des expériences hypnotiques. Dans la mesure où les processus conscients du sujet interfèrent avec ce développement, l'hypnotiseur utilise des techniques de distraction, de confusion et d'ennui. En bref, la stratégie d'induction la plus efficace est celle qui utilise au maximum l'expérience actuelle du sujet comme base du développement de la transe.

L'intégrité de l'hypnotiseur

Avant de conclure, j'aimerais commenter brièvement la question de l'intégrité. Les principes, les stratégies et les techniques de l'approche Ericksonienne sont des outils incroyablement puissants. Et si les outils sont sans valeur, leur capacité à améliorer ou à créer est équivalente à leur potentiel de domination ou de destruction. Je pense qu'il suffit de regarder les similitudes dans les modèles de communication des grands humanistes tels que le Christ et des grands dominateurs tel que Hitler pour s'en rendre compte. Le point important ici est que l'effet d'un outil sur la qualité de l'expérience humaine dépend de son utilisateur. Par conséquent, l'intégrité de l'hypnotiseur est une question majeure.

D'ailleurs, je ne pense pas que vous puissiez ignorer cette question, même si vous le tentez. Comme Bateson, Haley, et d'autres l'ont souligné, vous ne pouvez pas ne pas impacter le comportement d'une autre personne. En ce sens, tout comportement est une manipulation. L'approche Ericksonienne rend explicite un grand nombre de façons dont nous nous influençons constamment les uns les autres. En prenant conscience de ces schémas, vous pouvez les utiliser de façon systématique, c'est-à-dire que vous pouvez aligner votre comportement sur votre intention, ce qui fait de vous un communicateur puissant. Il est donc essentiel de définir clairement votre intention.

Il ne s'agit pas d'une question banale à éluder ou à négliger. Dans le cadre de la formation des professionnels de santé mentale, j'ai remarqué que le fait de ne pas s'attaquer à cette question crée de nombreux problèmes. Certains stagiaires ont du mal à reconnaître qu'ils peuvent influencer puissamment le comportement humain et le font, et se trouvent donc incapables d'utiliser les techniques Ericksoniennes de manière efficace. D'autres stagiaires sont dominés par un besoin non affirmé de prouver leur valeur et, par conséquent, ils utilisent les techniques de manière dominatrice et insensible. Les deux types d'étudiants sont contrôlés par leur capacité à manipuler, les premiers en essayant de s'en dissocier, les seconds en l'utilisant de manière irresponsable. Dans les deux cas, le véritable pouvoir d'amélioration de l'expérience est étouffé.

Lorsqu'une personne prend conscience de l'intention et de l'effet de son comportement, elle peut utiliser la communication de manière puissante. La question de l'intégrité devient alors particulièrement importante. Par intégrité, j'entends le degré auquel l'hypnotiseur est capable de s'abstenir d'imposer ses propres solutions et croyances au sujet, de ne pas avoir à prouver sa propre valeur aux dépens du sujet, et au contraire de soutenir pleinement la personne dans sa quête de changement.

L'intégrité de l'hypnotiseur a de nombreuses conséquences pratiques. S'il n'est pas intègre, l'hypnothérapeute le plus compétent pourra constater que ses clients développent des phénomènes hypnotiques mais pas de changements hypnothérapeutiques ; ou bien ils seront impressionnés par les capacités de l’hypnothérapeute mais pas par leurs propres capacités de client ; ou bien ils essaieront d'adopter ses croyances et son style de vie plutôt que de développer les leurs. En bref, un hypnotiseur manquant d'intégrité ne sera pas en mesure d'aider réellement le client.

A l’inverse, l'hypnotiseur qui agit avec intégrité peut facilement établir un rapport avec le client. En faisant confiance à l'hypnotiseur, le client commence à se faire davantage confiance. Il devient donc plus disposé à examiner ses défauts et plus apte à développer de nouvelles façons d'être. Le client devient également plus disposé, tant en état de transe que de veille, à se conformer aux directives, aussi étranges ou bizarres qu'elles puissent paraître. Ce point est important pour le praticien Ericksonien qui utilise de nombreuses stratégies peu orthodoxes.

En fait, je crois fermement que l'aspect le plus puissant de la communication d'Erickson était son intégrité. Avant de suivre une formation avec lui, je lisais toutes ces choses folles qu'il faisait avec ses patients et je n'arrivais jamais à comprendre comment il arrivait à faire coopérer ces personnes avec lui. Après l'avoir observé agir, il m’est apparu clairement qu'il avait l’intention inébranlable de respecter et de soutenir pleinement ses patients et ses élèves. Il ne cherchait pas à manipuler ou à contrôler pour son profit personnel. De ce fait les personnes se laissaient vraiment aller et coopéraient pleinement avec lui.

Pour conclure, je considère que cette question de l'intégrité devrait faire l'objet d'une longue, approfondie et fréquente réflexion. Vous devez clairement décider si vous souhaitez soutenir ou dominer les autres. Bien sûr, le second choix ne peut pas toujours être mis en œuvre. La plupart des sujets hypnotisés apprendront rapidement à se méfier et donc à ne pas coopérer avec un hypnotiseur qui ne les soutient pas. Choisir de soutenir un sujet est beaucoup plus facile, car il ne peut y avoir de "résistance" lorsqu'on est totalement aligné avec un autre individu. De plus, c'est une position beaucoup plus satisfaisante sur le plan personnel et efficace sur le plan professionnel. Donc plus vous développez votre intégrité, plus vous avez de chances de vous amuser et de réussir, et je pense que c'est bien cela l’important.

Extrait de Ericksonian Approaches To Clinical Hypnosis, Stephen Gilligan, October 23, 2017, In Eriksonian approaches to hypnosis and psychotherapy, edited by Jeffrey K. Zeig, Brunner, I Mazel, Inc., New York, 1982. https://www.stephengilligan.com/stephens-articales/2017/10/23/ericksonian-approaches-to-clinical-hypnosis

Stephen Gilligan. Docteur en psychologie, psychothérapeute, hypnothérapeute et coach. Docteur en psychologie (Standford University) et psychothérapeute américain, élève de Milton Erickson et de Grégory Bateson, il fut un des premiers étudiants puis contributeurs de la PNL. Reconnu comme l'un des grands continuateurs de Milton Erickson, salué pour son travail sur les processus de reconnexion corps/esprit et les états de transe générative favorisant les changements profonds, il intervient régulièrement dans le monde entier et notamment à Paris (Institut Repères). Il est auteur chez InterEditions (2015) de l'Hypnose générative, ou l'expérience du flow créatif et,avec Robert Dilts, chez InterEditions (2011) du Voyage du héros – Un éveil  à soi-même 

Les formations avec Stephen Gilligan : Praticien en Hypnose Générative avec Stephen Gilligan

Références

Bandier, R. & Grinder, J. Patterns of the Hypnotic Techniques of Milton H. Erickson, M.D. Vol. 1, Cupertino : Meta Publications, 1975.
Erickson, M.H. & Rossi, E. Hyp,zotherapy : An Exploratory Casebook. New York : lrvington Publishers, Inc. 1979.