Votre langage peut affecter votre niveau de richesse et de santé

Votre langage peut affecter votre niveau de richesse et de santé

La structure du langage influence notre façon de penser l'avenir et de le prévoir et détermine notre niveau de prospérité et de santé 

De nombreuses recherches ont été menées sur la façon d’appréhender l'avenir. Par exemple, les célèbres études sur la guimauve de Walter Mischel ont montré que la capacité à résister à la tentation est un facteur prédictif de la réussite future. Des enfants de quatre ans ont reçu une guimauve et l’annonce que s'ils ne la mangeaient pas et attendaient le retour de l'expérimentateur, ils recevraient deux guimauves au lieu d'une. Des études de suivi ont montré que les enfants qui avaient été capables d'attendre une récompense future plus importante sont devenus de jeunes adultes plus performants.

Résister à nos pulsions de plaisir immédiat est souvent le seul moyen d'obtenir les résultats qui nous importent. Nous voulons garder une silhouette mince, mais nous voulons aussi la dernière part de pizza. Nous voulons une retraite confortable, mais nous voulons aussi conduire une luxueuse voiture. Les personnes plus aptes à retarder leur satisfaction ont de meilleures chances d'obtenir des richesses et de conserver un style de vie sain. Elles sont moins susceptibles de faire des achats impulsifs, de fumer ou d'avoir des relations sexuelles non protégées.

Les découvertes de l’étude suggèrent que le langage affecte fortement nos pensées et comportements vis-à-vis le futur. Chaque langue apporte des distinctions faibles ou fortes entre le présent et l'avenir. Les recherches de Chen suggèrent que les personnes qui parlent des langues qui distinguent faiblement le présent du futur sont mieux préparées à l’obtention de plus de richesses et à la préservation de leur santé. Ces personnes conceptualisent l'avenir de la même façon qu’ils le font avec le présent. De ce fait, le futur ne leur semble pas très éloigné et il leur est plus facile d'agir en fonction d’intérêts futurs perçus comme proches.

Les langues ont différentes façons de parler de l'avenir. Certaines langues comme l'anglais, le coréen et le russe, exigent de leurs locuteurs qu'ils fassent explicitement référence au futur. Pour parler du futur, les anglophones doivent utiliser des marqueurs de temps tels que "will" ou "going to". L’anglais rappelle constamment à leurs utilsateurs que les événements futurs sont lointains. Pour les utilisateurs de langues telles que le mandarin, le futur semble plus proche. Dans des langues telles que le mandarin, le japonais et l'allemand, les marqueurs de futur ne sont pas obligatoires. On parle souvent du futur comme on le fait pour parler du présent et le sens de la phrase est compris à partir de son contexte. Un utilisateur du mandarin qui va se rendre à un séminaire peut dire "Wo qu ting jiangzuo", ce qui se traduit par "Je vais écouter le séminaire". Il est donc plus facile pour lui de résister aux tentations immédiates et de s’investir dans le futur. 

L’auteur a analysé des données individuelles provenant de 76 pays développés et en développement. Ces données concernent des décisions économiques (le fait d'avoir économisé de l'argent l'année précédente, les niveaux de retraite), les langues parlées à la maison, des données démographiques, les facteurs culturels tels que "l'épargne est une valeur culturelle importante pour moi"  et les habitudes de santé (tabagisme, exercice physique, état de santé général à un âge avancé). Il a également analysé les données nationales, telles que les taux d'épargne, le PIB et les taux de croissance du PIB du pays, la démographie du pays et la proportion de personnes parlant des langues différentes.

Le taux d'épargne des personnes est influencé par divers facteurs tels que le revenu, le niveau d'éducation, l'âge, l'appartenance religieuse, le système juridique du pays et les valeurs culturelles. Une fois ces facteurs rassemblés, l'effet de la langue sur le taux d'épargne des personnes s'est avéré important. Parler une langue qui comporte des marqueurs obligatoires du futur, par exemple l'anglais, réduit de 30 % la probabilité d'épargne pour l'avenir. Cet effet est aussi important que l'effet du chômage. En effet, le fait d'être au chômage réduit également la probabilité d'épargner d'environ 30 %.

Ces analyses ont également montré que le fait de parler une langue ne comportant pas de marqueurs obligatoires du futur, telle que le mandarin, permet aux gens d'accumuler plus d'actifs de retraite, de fumer moins, de faire plus d'exercice et d'être généralement en meilleure santé à un âge avancé. Et l’usage d’une langue sans marqueurs du futur fait augmenter les taux d'épargne du pays.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer les décisions des individus concernant leur consommation, leurs habitudes d'épargne et leur comportement de santé. Les facteurs plus conventionnels sont dispositionnels, situationnels, motivationnels et culturels. Les facteurs dispositionnels sont en rapport avec la capacité à retarder une gratification. Les facteurs situationnels montrent par exemple que le fait de réorganiser l'emplacement des aliments et des boissons dans une cafétéria peut améliorer les ventes d'articles sains.

Les facteurs motivationnels concernent le besoin de freiner un désir actuel de consommer pour atteindre un objectif important dans le futur. Par exemple le fait de se débarrasser de petites dettes donne au début un sentiment d'accomplissement et renforce la motivation et la probabilité de se débarrasser complètement des dettes. Les facteurs culturels invitent à suivre l’exemple de modèles de référence. Par exemple les Américains dépensent plus que nécessaire pour imiter le style de personnes beaucoup plus riches qu'eux. Les travaux de Chen suggèrent que pour améliorer notre prise de décision, nous devrions aussi nous concentrer sur des facteurs non conventionnels, tels que le langage, que nous utilisons pour parler de l'avenir.

Ces résultats confirment également le lien entre le langage et la cognition, ce qui a été l’objet d’une controverse chez les chercheurs. Des penseurs du début du XXe siècle, tels que Ferdinand de Saussure et Ludwig Wittgenstein, ont été parmi les premiers à affirmer que le langage peut impacter sur la façon dont les gens pensent et agissent. Par contre pour Steven Pinker nous pensons selon une grammaire universelle, et les langues ne peuvent façonner notre pensée de manière significative. 

Des découvertes récentes suggèrent que le fait de créer l'impression que le futur est plus proche du présent pourrait améliorer le comportement orienté vers l’avenir. Des chercheurs ont par exemple présenté à des personnes des représentations de leur futur moi progressant en âge par l'évolution de l'apparence physique au fil du temps. Une partie des participants a vu une représentation numérique de leur moi actuel dans un miroir virtuel, et l'autre partie a vu une version de leur moi futur modifiée par l'âge. Les participants ayant vu la version de leur futur moi modifiée par l'âge ont alloué plus d'argent à un compte d'épargne hypothétique. L'intervention a fait passer le futur des gens au présent et, par conséquent, ils ont épargné davantage pour l'avenir.

Les recherches de Chen montrent que le langage structure nos pensées concernant le futur. Le langage a déjà été utilisé pour modifier la perception du temps, avec des effets surprenants sur la santé. Ellen Langer et ses collègues ont amélioré la santé physique de personnes âgées en leur demandant de parler des événements survenus il y a vingt ans comme s'ils se produisaient maintenant. Le fait de parler du passé comme s'il s'agissait du présent modifiait l'état d'esprit des personnes et cet état d'esprit influençait leur état physique. Les recherches de Chen montrent que la façon dont nous parlons du futur peut façonner notre état d'esprit. Le langage peut déplacer le futur dans notre espace mental, ce qui pourrait avoir une influence considérable sur nos jugements et nos décisions.

Commentaires pour les coachs de santé

La recherche scientifique tend à démontrer ce qui est déjà connu par la pratique. D’une part que notre pensée se reflète dans notre langage et que nous pouvons modifier notre cognition et notre état interne en modifiant notre langage. Tout changement implique une capacité à se représenter l’état désiré et aussi à incarner cet état désiré, car seule l’émotion apporte l’énergie au changement comportemental. Seule l’émotion et les comportements qui en découlent peut transformer la vision d’une meilleure santé en une nouvelle réalité. Le grand mystique et guérisseur Neville Godard disait que son travail avec les personnes atteintes de maladie graves, voire incurables, consistait à favoriser l’installation d’une représentation d’un futur de santé suffisamment irrésistible pour générer une forte émotion dans le présent, comme si émotionnellement la guérison était déjà réalisée. Dans une approche systémique de la santé, le processus de guérison consiste en grande partie à distordre le temps et à vivre émotionnellement dans le présent le résultat souhaité dans le futur. En créant le souvenir d’une guérison, la personne est en mesure de se tourner vers son passé pour raconter au présent, dans un état de joie, sérénité et gratitude, un événement médical déjà réalisé. De même une induction hypnotique invite à évoquer la guérison au présent, et à savourer pleinement la satisfaction du chemin parcouru. L’espoir de guérir est bien mieux que l’absence d’espoir, mais l’espoir est associé au doute, ce qui peut accroitre le niveau de stress. L’espoir est un bon médicament en attente d’incarnation, d’incorporation physique, pour pouvoir se transformer en certitude. L’intention de guérison n’est qu’une vague rumeur, tant qu’elle n’est pas descendue dans les muscles, dit un proverbe Pygmée. 

Sources

How Your Language Affects Your Wealth and Health. An international study suggests languages shape how we think about the future, and how we plan for it; Scientific America; Ozgun Atasoy on March 19, 2013