Un lien entre dépression et la formulation d’objectifs abstraits

Un lien entre dépression et la formulation d’objectifs abstraits

Les personnes souffrant de dépression se fixent des objectifs personnels plus généraux et abstraits que les personnes non dépressives

L’étude menée par Joanne Dickson (1) a analysé les listes d'objectifs personnels établies par les personnes souffrant de dépression et celles qui n'en souffraient pas. Les participants de l’étude ont été invités à dresser une liste d'objectifs qu'ils aimeraient atteindre à court, moyen ou long terme. Les objectifs ont été classés en fonction de leur spécificité - par exemple, un objectif global ou abstrait tel que "être heureux" représente un objectif général, tandis qu'un objectif tel que "améliorer mon temps de marathon de 5 minutes cet été" représente un objectif plus spécifique.

Les chercheurs ont constaté que si les deux groupes ont généré le même nombre d'objectifs, les personnes dépressives ont énuméré des objectifs plus généraux et plus abstraits. L'étude a également montré que les personnes dépressives étaient beaucoup plus susceptibles de donner des raisons non spécifiques d’avoir atteint ou pas leurs objectifs.

Selon l’auteur, avoir des objectifs très généraux et abstraits peut entretenir et exacerber la dépression. Les objectifs non spécifiques sont plus ambigus et, par conséquent, plus difficiles à visualiser. Des objectifs difficiles à visualiser peuvent réduire l'espoir de les réaliser, ce qui entraîne à son tour une baisse de la motivation à essayer de les atteindre.

Selon Joanne Dickson « Nous savons que la dépression est associée à des pensées négatives et à une tendance à la surgénéralisation, notamment la façon dont les gens pensent à eux-mêmes et à leurs souvenirs passés. » « Nous avons constaté que les objectifs que les personnes souffrant de dépression clinique énuméraient manquaient de précision, ce qui rendait leur réalisation plus difficile et créait donc un cercle vicieux de pensées négatives".

« Ces résultats pourraient contribuer à l'élaboration de nouvelles méthodes efficaces de traitement de la dépression clinique. » « Aider les personnes déprimées à fixer des objectifs spécifiques et à générer des raisons spécifiques d’atteindre leurs objectifs peut augmenter leurs chances de les réaliser, ce qui pourrait briser le cycle de négativité qui va de pair avec la dépression. »

Commentaires pour les coachs de santé

Le langage révèle donc notre état interne impacte et des objectifs flous révèlent un état dépressif sont les conclusions de cette étude.  « Tout objectif flou aboutit à une connerie précise » disait Frédéric Dard, un écrivain qui n’a rien à voir avec le monde scientifique. Ou « si vous ne savez pas ce que vous cherchez, vous ne comprenez rien à ce que vous trouvez » aurait dit Claude Bernard. Ne jamais atteindre les buts qu’on se fixe contribue certainement à se fabriquer des pensées négatives et à se déprimer. 

Pour ceux qui ne savent pas comment construire des objectifs flous pour se déprimer, voici la recette : formulez un objectif global (non contextualisé) et négatif (en termes d’exclusion et non d’intégration) du style « ne plus être malheureux, fauché, malade et sans emploi », qui ne dépende pas de vous « je veux que ma femme soit sympa avec moi, que mon boss triple mon salaire ou gagner au loto... », et qui ne soit pas accompagné des ressources indispensables ou des obstacles à dépasser.

A l’opposé, les outils de la PNL tels que les conditions de bonne formulation d’un objectif et le métamodèle, sont de puissants antidotes à la fabrication des pensées négatives qui peuvent mener à la dépression. 

Mon autre commentaire concerne la confusion fréquente entre objectifs long et court terme, entre les niveaux de la vision (direction ou intention) avec celui de l'action (destination avec des étapes de réalisation). La confusion entre finalités et moyens est lourde de conséquences dirait John Grinder. La différence est dans la taille de découpage. La motivation s’adresse à un contexte d’information suffisamment large pour pouvoir exprimer les multiples équivalences complexes des valeurs. La motivation intègre les deux directions de la pensée, ce qu’on veut éviter/exclure comme ce que l’on veut obtenir. L’action s’adresse à un contexte spécifique avec une séquence d’actions aboutissant à un résultat concret. 

Un mode de pensée anti-déprime consiste à rêver grand pour le long terme, (se visualiser vivant pleinement et émotionnellement la réalisation de ses valeurs fondamentales) et de se fixer un plan d’action précis aligné avec sa vision ou son rêve. Pour être source d’énergie, l’objectif long terme doit être « incarné » et c’est bien ce que des personnes souffrant de dépression ont du mal à faire, car ont le sentiment de ne plus avoir de buts de vie. 

Selon Henri Laborit, la dépression est une « inhibition de l’action » Une inhibition qui vient souvent d’un pessimisme (3) vis-à-vis de l’atteinte de buts pour le futur (comme obscurci par un gros nuage noir) et d’un manque d’énergie pour réaliser de petits objectifs quotidiens qui donneront l’occasion de se dire « Oui ! Je l'ai fait ! », d’activer son circuit de la récompense de se gratifier d’une dose de dopamine

Dans une autre étude (3) Dickson s’est intéressée aux relations entre les troubles anxieux et dépressifs et les facteurs de motivation tels que l’évitement ou l’approche (Les schémas de pensée Eviter de… ou Aller vers pour ceux qui sont familiers des métaprogrammes). On a demandé à 144 adolescents de noter autant de buts personnels d'approche et d'évitement qui leur venaient à l'esprit dans un court laps de temps. Les participants devaient également décrire la conséquence la plus importante associée à la réalisation ou à la non-réalisation de chacun de leurs objectifs, qui étaient ensuite classés comme des conséquences d'approche ou d'évitement. Ils ont également rempli un questionnaire d'auto-évaluation portant sur les objectifs d'approche et d'évitement. Les résultats montrent que l'anxiété était associée à des objectifs d'évitement mais pas aux objectifs d'approche. La dépression était liée à un déficit dans les objectifs d'approche mais, contre toute attente, n'était pas liée aux objectifs d'évitement. 

L'anxiété et la dépression peuvent donc être clairement distinguées en termes de modèles de motivation à réaliser des objectifs, ce qui donne d’intéressantes pistes de travail pour les spécialistes de santé mentale. Ce qui me donne l’occasion de redire que les coachs de santé ne sont pas des professionnels de santé mentale. 

Sources

(1) Reduced Specificity of Personal Goals and Explanations for Goal Attainment in Major Depression; Joanne M. Dickson , and Nicholas J. Moberly ; PLoS One. 2013; 8(5): e64512. Published online 2013 May 15. doi: 10.1371/journal.pone.0064512

(2) Depressed people are not less motivated by personal goals but are more pessimistic about attaining them; Joanne M Dickson , Nicholas J Moberly, Peter Kinderman ; ; J Abnorm Psychol 2011 Nov;120(4):975-80. doi: 10.1037/a0023665. Epub 2011 May 9.

(3) Anxiety, depression and approach and avoidance goals; Joanne Dickson, Andrew MacLeod; Taylor &Francis Online -Published online: 24 Jun 2010 ; https://doi.org/10.1080/02699930341000013