Un lien démontré entre maladies mentales et maladies physiques ultérieures

Un lien démontré entre maladies mentales et maladies physiques ultérieures

Deux études récentes mettent en évidence le lien entre les problèmes de santé mentale et la survenue ultérieure de problèmes de santé physique

Avec le vieillissement de la population mondiale, les maladies chroniques telles que le diabète, les maladies cardio-vasculaires et les cancers sont en constante augmentation. Ces maladies chroniques réduisent la qualité de vie et l’espérance de vie, épuisent les ressources des systèmes de santé. Le défi actuel des responsables de santé publique est de savoir comment faire pour vivre vieux et en bonne santé. Au-delà de la simple prévention des maladies chroniques par une meilleure hygiène de vie, deux études récentes suggèrent une nouvelle réponse possible : les problèmes de santé mentale survenant plus tôt dans la vie peuvent avoir un impact sur la santé physique des personnes qui vieillissent. 

Le lien entre les problèmes de santé mentale et physique n’est pas évident, même dans les professions médicales. L’idée que soigner le mental puisse impacter la santé du corps est plus admise intuitivement par le grand public que par les professions médicales. La séparation entre corps et mental perdure, probablement entretenue par les spectaculaires résultats de la médecine moderne dans le cas des maladies aigues, ces réussites ayant mis dans l’ombre les causes mentales. 

Des recherches cliniques antérieures (1) confortent pourtant les associations entre santé mentale et santé physique. Les réserves viennent du fait que la plupart de ces études ont été réalisées chez des personnes en fin de vie ou en mauvaise santé physique, avec pour but une recherche des causes de mortalité ou du nombre d’années de vie perdues. Les études évaluant les associations entre troubles mentaux et les maladies physiques se sont largement appuyées sur des modèles transversaux avec des périodes de suivi de moins de 15 ans. Les estimations de résultats plus précoces (tels que l'apparition de la première maladie physique ou le nombre d'épisodes de maladie) permettraient d'informer les efforts de prévention.

Pour les spécialistes (1) l'association temporelle entre les troubles mentaux et les maladies physiques reste floue, car de nombreuses études se sont appuyées sur des rappels rétrospectifs, ont utilisé des modèles transversaux ou prospectifs avec des périodes de suivi limitées, ou n'ont pas suffisamment pris en compte les maladies physiques préexistantes.

Deux travaux récents apportent des éclairages fort pertinents sur le lien entre maladies mentales et maladies physiques, car les conclusions de ces travaux débouchent sur de nouvelles possibilités de prévenir les maladies chroniques. Ces recherches ont tenté de répondre à deux questions : 

a) Les troubles mentaux sont-ils associés à des maladies physiques ultérieures et à une mortalité précoce ? 
b) Un problème de santé mentale est-il associé à un vieillissement plus rapide, bien avant que les personnes ne développent des maladies chroniques liées à l'âge ?

Le lien entre troubles mentaux précoce, maladies physiques ultérieures et mortalité 

La première étude (1) a donc cherché à vérifier si les personnes souffrant de problèmes de santé mentale pouvaient présenter un risque accru de maladies physiques chroniques ultérieures et de mortalité précoce. Cette étude (1) a utilisé les données des registres d'hôpitaux de 2,3 millions de Néo-Zélandais âgés de 10 à 60 ans au début de la recherche, et suivis pendant 30 ans (de 1988 à 2018). 

Le recueil d’informations a porté sur les motifs d’admission à l’hôpital, d’une part sur les diagnostics des troubles mentaux (toxicomanie, troubles psychotiques, troubles de l’humeur, névrose, perturbation physiologique, troubles de la personnalité, troubles du et troubles du développement, et automutilations), et d’autre part sur les diagnostic des différentes maladies physiques chroniques (maladies coronariennes, goutte, maladies pulmonaires obstructives chroniques, diabète, cancer, lésions cérébrales traumatiques, accidents vasculaires cérébraux et les infarctus du myocarde) apparues ultérieurement dans la vie des individus.

Les résultats montrent que sur une période d’observation de 30 ans, les personnes souffrant de troubles mentaux ont plus de risques de développer des maladies physiques ultérieures et qu'elles meurent plus tôt que les personnes sans troubles mentaux. Les personnes souffrant de maladies mentales ont également eu plus d'hospitalisations médicales, ont séjourné plus longtemps dans les hôpitaux pour le traitement de maladies physiques et ont fait l’objet de plus de dépenses de soins de santé. Ces associations entre maladies mentales et physiques ont été retrouvées de façon égale dans tous les groupes d'âge et chez les hommes comme chez les femmes.

L’association s'est maintenue même après avoir contrôlé les maladies physiques antérieures aux troubles mentaux des individus. La possibilité d'une causalité inverse, dans laquelle le fait d'avoir une maladie physique précipite les problèmes de santé mentale a donc été exclue. Les troubles mentaux qui culminaient au début de l'âge adulte, précédaient bien l’apparition des maladies physiques des décennies plus tard et la mortalité précoce. 

Ces résultats suggèrent que l'amélioration des troubles mentaux peut avoir des répercussions sur la durée et la qualité de la vie et sur la réduction des coûts des soins de santé associés aux maladies physiques.

Le lien entre problèmes de santé mentale et vieillissement

Si selon le critère de l’âge chronologique nous vieillissons au même rythme, il n’en est pas de même selon le critère de l’âge biologique. Le corps de certains vieillit bien plus vite que celui d'autres. Des recherches précédentes (2) ont montré qu’un rythme de vieillissement plus rapide était associé à un risque accru de maladie et de décès, et que les personnes atteintes de troubles mentaux pouvaient avoir une espérance de vie réduite d'environ 10 à 20 ans. Cet excès de mortalité étant attribuable à des maladies physiques, et des maladies chroniques liées à l'âge telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète et le cancer. L’hypothèse des chercheurs de la seconde étude (2) était que les processus de vieillissement biologique pouvaient être le lien entre l’apparition des maladies mentales et celle des maladies chroniques. La seconde étude a donc cherché à valider l’association entre les pathologies mentales et un vieillissement précoce, c'est-à-dire un déclin physiologique accéléré vers les maladies et la mortalité liées à l'âge. 

Cette hypothèse a été testée dans une cohorte de 1037 personnes, nées en 1972-73 dans la ville de Dunedin en Nouvelle-Zélande, un groupe de personnes représentatives de la population néo-zélandaise, et régulièrement suivies de la naissance jusqu'à l'âge de 45 ans. Cet âge a été choisi car des travaux antérieurs montraient que les différences dans le vieillissement biologique des personnes étaient déjà visibles à cet âge.

Les réponses à un questionnaire réalisé tous les deux ans auprès des participants de l’étude a permis d’établir le diagnostic des problèmes de santé mentale tels que l'anxiété, la dépression, la toxicomanie et la schizophrénie, ainsi que la mesure du vieillissement à partir de 19 biomarqueurs, tels que le cholestérol, la pression sanguine et l'inflammation…etc.

Les résultats montrent qu’à l'âge de 45 ans, les personnes ayant connu plus de problèmes de santé mentale vieillissaient plus rapidement. Celles ayant connu le plus de problèmes de santé mentale vieillissaient environ 5,3 ans plus vite entre 26 et 45 ans, par rapport aux participants ayant connu le moins de problèmes.

Les participants de 45 ans qui avaient connu le plus de problèmes de santé mentale obtenaient de moins bons résultats aux tests d'audition, de vision, d'équilibre et de cognition, ainsi qu'aux tests de marche que les gérontologues font généralement passer aux adultes plus âgés. Les participants déclaraient de plus avoir plus de difficultés à suivre les conversations ou à trouver leurs mots. Sur la base d’une évaluation des photographies du visage de chaque membre de l'étude, ceux qui avaient connu plus de problèmes de santé mentale ont été considérés comme ayant l'air plus âgés par rapport à leurs pairs du même âge.

Ces résultats se sont maintenus lors de la prise en compte de facteurs pouvant entraîner des problèmes de santé mentale ou un vieillissement plus rapide, tels que la santé physique des membres de l'étude pendant l'enfance, les mauvais traitements subis pendant l'enfance et le statut socio-économique, le surpoids, le tabagisme, les médicaments et les maladies physiques antérieures. Le schéma des résultats était également très similaire pour les différents types de problèmes de santé mentale.

Selon les auteurs de ces deux études (3) les résultats montrent d’une part que les personnes souffrant de problèmes de santé mentale ont un risque plus élevé de maladies chroniques et de décès prématuré, et d’autre part que des signes de vieillissement apparaissent plus rapidement chez les sujets souffrant de problèmes de santé mentale, avant même que les maladies n'apparaissent. Pour les auteurs, les implications de ces résultats sont doubles.

a) La prévention des problèmes de santé mentale chez les jeunes peut réduire ultérieurement dans la vie les maladies liées à l'âge. Les problèmes de santé mentale ont tendance à se développer à l'adolescence ou au début de l'âge adulte, des années avant l'apparition des maladies physiques. Un investissement accru dans des soins de santé mentale des jeunes pourrait réduire les maladies physiques ultérieures et les coûts de santé qui y sont associés.

b) Les personnes souffrant de problèmes de santé mentale constituent un groupe prioritaire à surveiller pour détecter les signes d'un vieillissement plus rapide (troubles auditifs, problèmes moteurs et déclin cognitif) ainsi que les signes précoces des maladies chroniques. Ce suivi nécessitera une plus grande intégration des services de santé mentale et physique, afin de réduire les inégalités en matière de santé et de prolonger la vie en bonne santé.

Commentaires pour les coachs de santé

Les résultats apportent de solides arguments cliniques sur le lien entre la santé mentale et celle du corps.  Si les conclusions des auteurs sont suivies un jour d’effets, elles devraient donner pas mal de travail aux psychiatres et psychothérapeutes. Ces deux études portent sur le lien entre les pathologies mentales ayant fait l’objet d’un diagnostic médical, et la survenue ultérieures ultérieure de maladies chronique. 

Mais que dire des expériences douloureuses de l’enfance, non diagnostiquées comme maladies mentales et qui impactent au quotidien la santé physiques de l’adulte ? Ces expériences du passé sont les plus nombreuses, les plus inconscientes et constituent bien souvent les principales objections à l’auto-guérison et à la santé.  Nous savons tous intuitivement faire le lien entre des événements du passé et nos problèmes actuels de santé. C’est à la recherche de démontrer ce lien.  Le terme "ACE" est l'acronyme de "Adverse Childhood Experiences" (expériences négatives de l'enfance). Ce terme est né d'une étude révolutionnaire menée en 1995 par les Centers for Disease Control et l'organisation Kaiser de soins de santé Permanent en Californie. Dans cette étude, les "ACE" désignaient trois types spécifiques d'adversité auxquels les enfants avaient été confrontés dans leur environnement familial( diverses formes de violence physique et psychologique, de négligence et de dysfonctionnement du foyer). Les principales conclusions de dizaines d'études utilisant les données originales sur les ACEs sont les suivantes : 

a) Les ACEs sont assez courants, même au sein d'une population de classe moyenne : plus des deux tiers de la population déclarent avoir subi un ACE, et près d'un quart en ont subi trois ou plus. 

b) Il existe une corrélation puissante et persistante entre le nombre d'expériences vécues et les risques de mauvais résultats de santé plus tard dans la vie, notamment un risque considérablement accru de maladies cardiaques, de diabète, d'obésité, de dépression, de toxicomanie, de tabagisme, de mauvais résultats scolaires, de chômage et de décès précoce.

Les ACEs laissent des cicatrices émotionnelles et biologiques dans notre inconscient, sont sources de stress chroniue et à long terme de maladies chroniques. Ces cicatrices se réveillent de façon somatique dès que nous formulons des buts de vie importants pour nous. Car ces citracices nous maintiennent dans un équilibe de vie qui est bien plus lié à notre passé qu'à notre futur. Le coach de santé à besoin d'acceuillir et d'humaniser ces vieilles cicatrices du passé, sans avoir besoin de connaître les circonstances dans lesquelles elles sont apparues. 

Face à au vieillissement de la population et à l'explosion des maladies chroniques, le défi actuel des systèmes de santé est de permettre à un maximum de personnes de vivre longtemps et en bonne santé. La prise en compte de l'histoire individuelle dans la prévention des maladies chroniques constitue un changement de paradigme dans le monde médical. Cette prise en compte ouvre un espace incroyable d'interventions pour les métiers du psy, et en particuliers les professionnels qui sauront lever rapidement les obstacles à l'adoption de saines habitudes de vie, sans avoir besoin de psychopathologiser une situation pendant des mois voire des années. C'est la raison pour laquelle les professionnels du coahing de santé ont devant eux un boulevard dont il ne peuvent soupconner l'importance. 

Références
(1) Longitudinal Associations of Mental Disorders With Physical Diseases and Mortality Among 2.3 Million New Zealand Citizens ; Leah S. Richmond-Rakerd, Stephanie D’Souza, Barry J. Milne, Avshalom Caspi, Terrie E. Moffitt, JAMA Netw Open. 2021;4(1): e2033448. doi:10.1001/jamanetworkopen.2020.33448 
(2) Association of History of Psychopathology With Accelerated Aging at Midlife ; Jasmin Wertz, Avshalom Caspi, Antony Ambler, Jonathan Broadbent, Robert J. Hancox, HonaLee Harrington, Sean Hogan, Renate M. Houts, Joan H. Leung, Richie Poulton, Suzanne C. Purdy, Sandhya Ramrakha, Line Jee Hartmann Rasmussen, Leah S. Richmond-Rakerd, Peter R. Thorne, Graham A. Wilson, Terrie E. Moffitt ; JAMA Psychiatry. 2021;78(5):530-539. doi:10.1001/jamapsychiatry.2020.4626 
(3) The link between mental health problems and later physical health ; Leighton Kille , The conversation, 19 mai 2021 
(4) ACEs? Center On the Developing Child, Havard University