Pour un même contenu informatif, les énoncés négatifs sont perçues par le cerveau comme plus vrais que les énoncés positifs
Des chercheurs de la faculté de psychologie de l'université de Bâle ont étudié la manière dont les gens jugent de la vérité d’une situation, et montré que le "biais de négativité" pourrait être liée à l'aspect plus vague et incertain des tournures négatives des déclarations (1)
Devant la masse d'informations rencontrées chaque jour, nous devons nous demander sans cesse si ce que nous venons de lire est vrai ou faux. Une décision qui n'est pas facile à prendre et qui est grandement influencée par les émotions et le niveau de stress.
Lorsque nous devons évaluer la véracité d'une information, un facteur essentiel intervient, à savoir la façon dont une déclaration est formulée, c'est-à-dire son "cadrage". Des recherches précédentes (2) ont montré que les énoncés négatifs sont plus considérés comme vrais que les énoncés positifs, et nommé cet effet le « biais de négativité »
Dans leur étude, Mariela E. Jaffé et Rainer Greifeneder ont voulu aller plus loin en faisant une distinction entre concept et négation, car tous deux peuvent donner lieu à une déclaration négative. Les concepts reposent sur les valeurs d'une société et peuvent être positifs ou négatifs en fonction des normes sociales. Par exemple en Allemagne, être satisfait de son apparence est considéré comme souhaitable et positif, tandis que l'insatisfaction est considérée comme négatif. A partir des concepts positifs ou négatifs, on peut produire une déclaration positive ou négative, telle que "39 % des femmes allemandes sont satisfaites de leur apparence" ou "61 % sont insatisfaites de leur apparence". Une autre façon de créer une déclaration négative est d'utiliser la négation « pas » ou « ne pas » dans la phrase. L'affirmation positive "39 % des Allemandes sont satisfaites de leur apparence" peut être mise en contraste avec l'affirmation négative "61 % ne sont pas satisfaites de leur apparence". Selon les auteurs "Nos études ont montré que les gens sont plus susceptibles de considérer les déclarations comme vraies lorsqu'elles sont formulées de manière négative." Cela semble particulièrement efficace lorsqu'une déclaration négative est formulée avec une négation, en d'autres termes, "pas satisfait" contre "insatisfait".
Les causes de notre préférence pour la négativité
Comment expliquer que les déclarations négatives soient plus plausibles. "Il se peut que la subjectivité de la perception d’une déclaration négative soit associée à un plus grand nombre de situations auxquelles elle peut s'appliquer. En d'autres termes, il peut y avoir plus de manières d’être être insatisfaite que d’être satisfaite", explique Jaffé.
La force des déclarations négatives tiendrait au fait qu'elles élargissent le champ des possibilités et laissent davantage de marge d'interprétation. Par exemple, les valeurs "un peu satisfaites" ou "plutôt satisfaites" peuvent être comprises dans la catégorie "pas satisfaites", tandis que la catégorie "satisfaites" n'aura tendance qu'à désigner l'idée d'une satisfaction complète.
Les causes premières de ce biais pourraient remonter aux comportements de nos ancêtres : face à un signal d'alarme ou à la perception d’un danger, les comportements les plus prudents ont longtemps été ceux qui permettaient le plus souvent de survivre.
L’utilisation de la négation à des fins de manipulation
Les chercheurs ne comprennent pas encore parfaitement pourquoi le biais de négativité est si prononcé. "L'une des raisons pourrait être que nous sommes généralement plus habitués aux nouvelles négatives, alors que nous considérons plus rapidement les bonnes nouvelles comme étant manipulées", explique M. Jaffé. En outre, les mots et les informations négatives semblent parfois plus explicites et peuvent déclencher une plus grande émotion : insatisfaction contre satisfaction, maladie contre santé. Les déclarations négatives ont plus tendances à se focaliser sur des thèmes qui doivent être pris au sérieux et éventuellement résolus.
Les résultats de l'étude peuvent contribuer à sensibiliser les individus aux facteurs qui influencent les jugements de vérité et en particulier au rôle que joue la négation. Pour M. Jaffé il est important que les médias et leurs publics soient conscients de l'impact du cadre négatif et de la négation. Et, bien sûr, le contenu doit être équilibré et intelligible. Utiliser la négation à des fins de manipulation serait déplorable." M. Jaffé recommande aux individus de faire un effort délibéré pour reformuler parfois un cadrage négatif de manière positive, et de demander ce que signifie une déclaration ou une information statistique par rapport à son contraire. "Nous partageons les informations rapidement et généralement avant de réfléchir, mais s'arrêter un instant peut être très utile", estime-t-elle.
Les auteurs font remarquer que l’étude a été menée en allemand et qu’il serait utile de voir si les individus jugent les déclarations différemment selon la région linguistique.
Commentaires pour les coachs de santé
A la lumière des résultats de cette étude, la négation a bien plus de pouvoir sur nous que la positivité. L’énoncé « ne pas être malade » aurait plus de chance d’être perçu comme vrai que « Etre en bonne santé » D’un point de vue de la PNL, le méta-programme « S’éloigner de » a bien plus de poids qu’un « Aller vers ». L’explication donnée par les auteurs est que le poids des émotions négatives attachées à la formulation négative est bien plus important que celui attaché à la formulation positive.
Pourtant nous savons que le processus de guérison implique une restructuration mentale qui commence par une redirection de l’attention d’un état présent (ce qu’elle ne veut plus) vers un état désiré (ce qu’elle veut vraiment). Il n’y a pas de changements possibles si la personne reste focalisée sur ce qu’elle ne veut pas. Les humains sont des mammifères intentionnels, et ce qu’ils obtiennent de leur vie résulte en grande partie de la direction donnée à leur intention de vie ou de santé.
L’enjeu du coaching de santé est donc de faire en sorte que la formulation positive des buts de santé (Aller-vers) soit associée à une intensité émotionnelle plus puissante que celle de la formulation négative (Eviter de). Il existe des conditions de bonne formulation d’une intention, à savoir qu’elle doit être exprimée dans le seul langage accepté par notre système nerveux, à savoir des mots (une phrase courte) avec une image (une représentation réelle ou symbolique de ce que l’on veut) et un ressenti (geste exprimant l’intention). Quand ces trois modalités sensorielles sont alignées, elles rentrent en résonnance et peuvent générer une émotion qui va toucher la personne qui les exprime et celui qui en est le témoin. La formulation positive d’une intention de santé peut rester purement mentale. Elle ne devient réelle ou vraie que lorsque sa présence est ressentie pleinement dans son corps.
Sources
(1) Negative or Negated, Thus True? An Investigation of Concept Valence and Semantic Negation as Drivers of Framing Effects in Judgments of Truth ; Mariela E. Jaffé and Rainer Greifeneder; Published Online:December 2021https://doi.org/10.1521/soco.2021.39.6.687; DOI:10.1207/S15327957PSPR0504_2
(2) Negativity Bias, Negativity Dominance, and Contagion; P. Rozin, Edward B. Royzman ; Published 1 November 2001; Personality and Social Psychology Review
