Les métaphores pour communiquer sur les affections de longue durée

Les métaphores pour communiquer sur les affections de longue durée

L'utilisation de métaphores permet aux patients et aux soignants de communiquer leur expérience de vie sur des affections de longue durée.

On estime que 15 millions de personnes en Angleterre, soit un quart de la population, vivent avec une affection de longue durée et que 14,2 millions de personnes (un adulte sur quatre) sont confrontées à la présence de plus de deux affections de longue durée. Celles-ci peuvent être définies de manière générale comme des maladies qui ne peuvent être guéries et qui peuvent nécessiter un traitement et/ou des thérapies pour gérer leurs symptômes et les processus pathologiques sous-jacents qui sont des conditions cooccurrentes ou permanentes.

Permettre aux patients et aux soignants de communiquer leur expérience de la maladie avec leurs propres mots est essentiel pour fournir des soins centrés sur la personne et développer une compréhension commune de l'impact d'une maladie sur leur vie. Les études sur les expériences exprimées par les patients montrent comment les métaphores peuvent donner un aperçu du monde physique et émotionnel du patient, mais ces études sont souvent limitées par le fait qu'elles se concentrent sur une seule maladie.

Publiée dans Qualitative Research in Medicine and Health care, l'étude a comparé les métaphores exprimées par les patients et les parents de patients atteints de cinq affections de longue durée.

Les 11 auteurs, dirigés par le professeur Heidi Lempp, ont entrepris une analyse complémentaire et approfondie des données qualitatives secondaires de 25 entretiens en face à face, comparant les métaphores utilisées par les patients et les parents de patients atteints de démence, de myosite, de mésothéliome pluriel, de chirurgie néonatale et de fibromyalgie.

Une vue d'ensemble des principaux groupes montre que les métaphores dominantes trouvées dans l'échantillon peuvent être divisées en deux catégories, les métaphores de voyage et les métaphores de violence. Ces métaphores ont été utilisées parallèlement et souvent en interaction avec d'autres véhicules métaphoriques, tels que le poids, l'objet et le mouvement, de manière à refléter la façon dont une maladie donnée se manifeste et dont le diagnostic, le traitement, la gestion et l'autosoin sont vécus.

"Lors d'une conférence sur la sociologie médicale il y a cinq ans, j'ai été frappé par le nombre de participants qui ont inclus des métaphores dans leurs présentations d'entretiens avec des patients souffrant d'affections de longue durée. Je les ai contactés après la conférence et nous nous sommes lancés ensemble dans cette étude en étroite collaboration avec le Dr Chris Tang de l'école d'éducation, un expert en linguistique appliquée à la communication dans le domaine de la santé", explique le professeur Heidi Lempp.

"Notre étude a mis en évidence la manière dont les métaphores varient au sein d'une même pathologie et d'un individu à l'autre, ainsi que la manière dont ces métaphores peuvent potentiellement renforcer ou affaiblir les patients lors de leurs consultations avec les cliniciens".

L'étude conclut sur les implications pour la pratique clinique de la manière dont les expressions métaphoriques peuvent être prises en compte par les professionnels de la santé dans le cadre de la planification des soins partagés.

À l'avenir, une analyse de l'objectif de la métaphore dans la pratique pourrait être développée pour inclure des études sur les professionnels de la santé s'occupant de patients souffrant de maladies de longue durée, ainsi qu'un échantillon plus large et plus diversifié pour une comparaison entre les conditions d'utilisation des métaphores et les effets de l'origine ethnique et de la langue.

Commentaires pour les coachs de santé

Le langage métaphorique est puissant et parle à tous. Il peut faciliter la compréhension de ce que vit le patient, et permet au soignant de mieux se faire comprendre par le patient. 

Selon George Lakoff et Mark Johnson, les processus de pensée sont métaphoriques. Et pour Penny Tompkins et James Lawley, la métaphore est une façon naturelle de décrire la maladie et la santé. Il est donc important de reconnaître les métaphores des patients/clients, et de travailler à l’intérieur d'elles pour faciliter le processus de guérison. Les métaphores ne sont pas que  “simplement figuratives” comme on l'a longtemps pensé, mais décrivent souvent notre expérience profonde. De nombreux scientifiques cognitivistes, linguistes et philosophes reconnaissent maintenant que nous définissons notre réalité en termes de métaphores, et que nous agissons en fonction de celles-ci. Notre manière d'agir dans de monde se réalise sur la base d’une structuration consciente ou inconsciente de notre expérience à partir de métaphores.  Les métaphores parlent de notre manière de nous représenter la maladie et des possibilités d'en changer l'évolution. Les soignants doivent donc comprendre que les métaphores peuvent jouer un rôle vital dans le processus de guérison. Faciliter la guérison peut consister à entendre les métaphores limitantes du patient et l'aider si besoin à en modifier ses représentations.

Les discours sur le cancer véhiculent de manière récurrente des métaphores évoquant la guerre, l’asocialité ou la folie. Ces représentations altèrent la perception des patients et influencent les stratégies thérapeutiques et le potentiel de guérison. Par exemple, la cellule maligne peut apparaître comme une sociopathe qui ne respecte ni les lois régissant la communauté des cellules d’un tissu ni la structure hiérarchique de l’organe. Le sujet peut également se représenter la cellule tumorale comme une psychopathe qui a rompu tout contact avec ses voisines normales, ou comme une nomade expansionniste qui se joue des frontières et migre sans cesse vers d’autres tissus pour former de nouvelles colonies.

Le vocabulaire militaire si souvent utilisé par les patients comme par les médecins a un impact négatif sur notre perception et notre appréhension de la maladie. Selon des chercheurs, le vocabulaire militaire employé pour parler du cancer rend son traitement plus difficile, et a tendance à rendre les gens plus fatalistes face à la maladie. 

En utilisant la métaphore du patient dans un cadre relationnel de confiance, le thérapeute ou le coach de santé disposent d'une occasion unique d’entrer dans le monde subjectif du patient. Si ce derrnier perçoit que son monde intérieur est accepté par le soignant, l’alliance thérapeutique sera d’autant plus forte. On peut changer l’expérience en faisant évoluer la métaphore ou en modifiant la métaphore perceptive (synesthésies). 

Sources

Use of metaphors enables patients and caregivers to communicate experiences of living with long-term conditions by King's College London : Medical x press JANUARY 16, 2024 ;
Heidi Lempp et al, The use of metaphors by service users with diverse long-term conditions : a secondary qualitative data analysis, Qualitative Research in Medicine and Healthcare (2024). DOI : 10.4081/qrmh.2023.11336 ;