Les croyances sur les sources de votre bien-être

Les croyances sur les sources de votre bien-être

Votre bien être et votre santé sont-ils sous votre contrôle ou sous le contrôle de facteurs extérieurs ? L'étude montre que plus la personne croit que son bien-être est sous son influence, plus son niveau de bien-être est élevé 

Une équipe de chercheurs francophones a voulu déterminer dans quelle mesure la croyance sur la source du bien-être pouvait etre relié au bien-être de la personne et à son engagement dans des activités qui procurent du bien-être. Travaillant sur le domaine des croyances, les chercheurs se sont bien plus intéressés aux représentation subjective de la personne qu’à la réalité. Les résultats ont fait l’objet d’une publication en anglais dans la revue Journal of Happiness Studies (1) et d’une synthèse de Joran Farnier en français dans la revue en ligne la psychologie positive (2), dont nous reprenons des extraits. 

La notion de locus de contrôle

Les auteurs rappellent que la notion de locus de contrôle découle de la théorie de l’apprentissage social, proposée par Julian Rotter (1954), qui observe que pour une même situation, des individus ont des attentes de contrôle très différentes. Certaines pensent avoir le contrôle de la situation alors que d’autres pensent n’avoir aucun contrôle. Le concept de locus de contrôle comporte deux facteurs qui vont déterminer la probabilité d’une personne à s’engager dans un comportement particulier : l’attente de contrôle et la valeur du résultat.

L’attente de contrôle est « l’estimation subjective que le résultat désiré va apparaître après une action donnée ». Les chances d’obtenir le résultat va déterminer le niveau d’effort. 
La valeur est « à quel point le résultat est désirable et important pour la personne ». La valeur attribuée au résultat détermine de niveau d’effort. 

Pour Reuter, il convient donc de distinguer deux catégories de personnes

- celles ayant un locus interne de contrôle qui ont la croyance que « ce qui leur arrive dans la vie dépend d’eux, de leurs actions et de leurs comportements 
- celles ayant un locus externe de contrôle ont plutôt la croyance que « ce qui leur arrive dans la vie dépend de facteurs externes, comme le hasard, les comportements des autres ».

Locus de contrôle appliqué au bien-être

Les auteurs ont donc cherché à savoir d’une part si le bien-être est sous le contrôle de l’individu ou sous le contrôle de facteurs extérieurs, et d’autre part d’évaluer comment cette croyance peut s’exprimer au niveau de bien-être de la personne et à son engagement dans des activités source de bien-être.

Les auteurs notent que le locus du bien-être s’inscrit pleinement dans la notion d’autonomisation (empowerment) promue par l’OMS (Nut-beam, 1998) qui est défini comme « un processus par lequel les individus acquièrent un plus grand contrôle sur décisions et actions affectant leur santé », et que le locus peut être un concept utile pour évaluer la santé mentale positive.

Les résultats de l’étude montrent que plus la personne pense que son bien-être est sous son influence, plus son niveau de bien-être est élevé ; moins elle présente des symptômes dépressifs ; plus elle s’engage dans des activités sources de bien-être (sport, activités ayant du sens, activités agréables…) ; plus elle a tendance à faire les choses avec des motivations internes (faire les choses qui répondent à ses critères de sens, de plaisir, satisfaction…etc) que par motivation externes (faire les choses qui répondent à des normes externes) ; plus elle a tendance à ressentir de la gratitude en reconnaissant plus facilement la valeur de ce qu’elle reçoit des autres. 

Les auteurs rappellent que corrélation n’est pas causalité, et que cette étude ne permet pas de savoir si une intervention visant à augmenter le locus interne permettrait d’augmenter le bien-être, la motivation interne.

Les perspectives et utilisations pratiques du concept de locus de contrôle

1-Une mesure de l’efficacité thérapeutique des interventions de promotion du bien-être. « Après tout, l’objectif de ces interventions n’est pas simplement d’accroître le bien-être à court terme, mais bien de permettre aux individus de prendre conscience des ressources personnelles qu’ils peuvent activer par eux-mêmes en dehors des séances afin d’augmenter leur bien-être de manière durable et répétée. »

2-Une cible d’intervention. « Des interventions pourraient être conçues pour viser une amélioration directe du locus de bien-être interne. L’énorme avantage du locus de bien-être est qu’il peut s’intégrer dans toutes les interventions existantes sans coût supplémentaire. »

Les auteurs soulignent 4 points de vigilance qui devraient être intégrés dans des programmes visant spécifiquement le locus de bien-être interne : a) l’interdépendance aux autres, un locus interne ne vise pas à se couper des autres, car les relations représentent un facteur clef de résilience et de bien-être ; b) le développement d’un répertoire de compétences psychologiques, émotionnelles et relationnelles. Un locus de bien-être interne est un indicateur de la présence de ressources internes et externes que la personne peut mobiliser activement ; c) le repérage des facteurs externes qui peuvent impacter le bien-être, pour permettre à l’individu de s’autoriser à être sensible aux variations contextuelles, tout en l’aidant à repérer ses marges de manœuvre, c’est-à-dire ce qu’il souhaite faire de ces éléments contextuels ; d) le passage de la notion de fautes à la notion de marges de manœuvre. La croyance que notre bien-être est sous notre contrôle pourrait générer chez certaines personnes de la culpabilité, lorsque leur niveau de bien-être diminue. 

3-Des données complémentaires à l’intuition clinique. « Cette échelle peut également fournir des données complémentaires aux intuitions cliniques concernant la manière dont le patient est impliqué dans la thérapie. Par exemple, un patient adoptant un rôle passif en thérapie peut être le signe d’un locus de bien-être externe. Lorsque le clinicien repère un tel comportement pendant les séances de thérapie, il peut être intéressant d’apprécier s’il s’agit d’une attitude plus généralisée du patient dans sa vie et dans son rapport à son bien-être. »

4- Un facteur de maintien des pratiques et d’évaluation du risque de rechute. « Le locus de bien-être pourrait donc être envisagé comme un potentiel facteur de maintien des pratiques post-intervention. Pour la même raison, le locus interne pourrait être un indicateur potentiel d’évaluation du risque de rechute. »

L'article de Joran Farnier propose un lien pour télécharger l’échelle de locus de contrôle du bien-être en psychologie positive.

Commentaires

Article très intéressant car il débouche sur des moyens d'actions concrets et pratiques pour améliorer le bien être des individus. Si le locus de contrôle interne est associé au bien-être, on peut suposer que cet état psychologique a un impact sur la santé physique et le processus de guérison. Le question qui se pose alors est de savoir comment développer le locus de contrôle interne ?  Voici selon moi quelques processus à mettre en pratique :

1-Méditez et détendez-vous, car plus vous êtes stressés, plus vous aurez le sentiment de perte de contrôle sur votre vie. Une fois que vous serez calme et détendu, vous pourrez commencer à prendre de la distance, observer vos modes de fonctionnement (pensées, croyances, émotions, comportements), et réfléchir sur cette notion de locus de contrôle et les choix qui sont à votre disposition. 
2-Ayez conscience que vous avez bien plus de choix que vous ne l'imaginez de changer de nombreux éléments d'une situation, même si ces changements sont parfois difficiles. 
2-Ayez conscience de votre langage. Soyez vigilants aux phrases telles que "Je n'ai pas le choix" et "Je ne peux pas.faire ceci..".et remplacez les par "Je choisis de ne pas le faire" ou "Je n'aime pas mes choix, mais je vais...". 
3-Passez en revue vos options. Lorsque vous vous sentez coincé, faites une liste de tous les plans d'action possibles, et demandez des idées à vos proches. Quels sont les aspects de vous qui utilisent de façon préférentielle le locus de contrôle interne et quels sont les aspects de vous qui utilisent le locus de contrôle externe ?  Sachez que si l'un existe, l'autre existe aussi. Comme l'ombre ne peut exister sans lumière, ou le yin sans le yang 
4-Choisissez ce qui est le mieux pour vous en fonction des situations. Evaluez chacune d'entre elles et choisissez la meilleure solution pour vous, 

En cas de maladie, le locus de contrôle interne me parait un élément clé du retours à la santé. Un locus de contrôle externe trop accentué peut vous amener à considérer que votre santé et votre guérison ne dépendent que de facteurs externes, tels que les compétences médicales ou les interventions divines. Il y a un risque de victimisation et de sentiment d'impuissance. Un locus de contrôle interne vous redonne du pouvoir sur votre santé. En considérant que vous avez contribué le plus souvent de façon bien inconsciente à votre maladie, par vos choix comportementaux, vous pouvez aussi considérer que vos nouveaux choix comportementaux vont contribué à améliorer votre santé. Mais attention, comme le souligne les auteurs, un locus de contrôle interne ne peut être exclusif et vous couper de ce qui peut être bon et utile pour vous dans le monde extérieur. Je pense que l'utilisation des deux locus de contrôle doit être adapté aux situations. Il me semble utile d'avoir à la fois un locus de contrôle externe pour bénéficier au mieux des formidables technologies médicales, et un locus de contrôle interne pour décider de se prendre en charge, de faire tout son possible pour guérir et de décider ce qui est bon pour soi. A nous de décider de faire varier notre curseur personnel externe/interne en fonction des situations. Un excès de locus interne peut amener à ignorer et refuser toutes les recommandations médicales, et même celle des experts, ce qui peut être extrémement préjudiciable. Et attention à ne pas identifier une personne à son locus de contrôle, ce qui serait fort réducteur. Il est certain qu'une personne a tendance à utiliser le même locus de contrôle dans les mêmes circonstances. Mais comme nous sommes bien plus que nos caractériqtiques psychologiques, nous pouvons solliciter des aspects de nous (par exemple des parties de personnalité) qui disposent du locus de contrôle approprié.  

Sources

(1) Empowering Well‑Being: Validation of a Locus of Control Scale Specific to Well‑Being ; Joran Farnier, Rebecca, Shankland, Ilios Kotsou, MarionInigo Evelyn Rosset· , Christophe Leys Accepted : 16 March 2021 ; Journal of Happiness Studies

(2) Bien-être et locus de contrôle ; Joran Farnier, mars 2021