Les connaissances conceptuelles sont liées aux informations perceptuelles et expérientielles.
La capacité à identifier des objets ou des événements individuels, par exemple, "couteau", "chien" ou "fête") est un aspect fondamental de la cognition humaine. Elle nous permet d'accéder rapidement à une multitude d'informations relatives à un objet ou un événement nouvellement rencontré et à les utiliser pour guider notre comportement. La manière dont le cerveau code ou se représente la connaissance conceptuelle reste cependant un problème majeur non résolu en neurosciences cognitives. La question clé est donc de savoir comment ces informations conceptuelles sont représentées dans le cerveau ? Ou comment savons-nous ce que nous savons ?
Depuis les philosophes grecs de l'Antiquité, dont Platon et Aristote, le sujet fait l'objet d'un débat en philosophie et en psychologie. Platon soutenait que les humains naissent avec des idées innées, des schémas mentaux pour toutes sortes de choses que nous pouvons nommer ou reconnaître. Aristote soutenait pour sa part que les catégories mentales n'étaient pas présentes dès la naissance, mais qu'elles étaient apprises par l'expérience. Aujourd'hui, les chercheurs sont encore divisés. Certains pensent que les catégories conceptuelles sont représentées dans le cerveau sous forme de "symbolique" plutôt que par des expériences sensorielles apprises.
L’étude menée par des chercheurs du Medical College of Wisconsin (MCW) lève le voile sur la façon dont nous savons ce que nous savons, en montrant que la connaissance conceptuelle est liée aux informations perceptuelles et expérientielles. "Notre étude porte sur la question de savoir comment nos pensées sont liées au monde physique dont nous faisons l'expérience par nos sens", a déclaré le Dr Leonardo Fernandino, professeur adjoint de neurologie et de génie biomédical au MCW.
Les chercheurs ont utilisé l'IRM fonctionnelle pour analyser les schémas d'activité cérébrale correspondant à des centaines de concepts familiers, et caractérisé de façon quantitative la structure informationnelle de ces schémas. Ils ont mesuré l'activité neuronale dans tout le cerveau pendant que les participants lisaient des centaines de mots différents présentés sur un écran. Chaque mot produisait un schéma d'activation unique dans le cerveau du participant.
En analysant ces schémas d'activation neuronale, les chercheurs ont pu quantifier la mesure dans laquelle différents types d'informations étaient utilisés par le cerveau pour représenter la signification des mots. Plus précisément, ils ont évalué la part des informations liées aux catégories naturelles, aux associations de mots ou à l'expérience sensorielle dans la représentation de la signification des mots par le cerveau.
Les résultats montrent que les connaissances conceptuelles sont stockées sous forme de schémas d'activité neuronale qui encodent des informations sensori-motrices et affectives sur chaque concept, contrairement à l'idée ancienne selon laquelle les représentations des concepts sont indépendantes de l'expérience sensori-motrice. « Nous avons constaté que les informations sémantiques lexicales peuvent être décodées de manière fiable à partir d'un large éventail d'aires d’association hétéromodales dans les cortex frontal, pariétal et temporal ». (Les aires associatives hétéromodales des lobes frontaux, temporaux et pariétaux intègrent les données sensorielles, le rétro-contrôle moteur et les autres informations liées aux souvenirs spontanés et acquis. Cette intégration facilite l'apprentissage et génère la pensée, l'expression et le comportement. »
« Dans la plupart de ces zones, nous avons constaté un avantage frappant pour les structures de représentation basées sur l'expérience (c'est-à-dire codant les informations sur les caractéristiques sensori-motrices, affectives et autres de l'expérience phénoménale), avec peu de preuves d'une organisation taxonomique ou distributionnelle indépendante.
« Ces résultats ont été trouvés pour les concepts d'objet et d'événement. Nos résultats indiquent que les représentations de concepts dans le cortex associatif hétéromodal sont basées, au moins en partie, sur des informations expérientielles. Ils révèlent également que, dans la plupart des aires associatives hétéromodales, les concepts d'événement ont des représentations plus hétérogènes (c'est-à-dire qu'ils sont plus facilement décodables) que les concepts d'objet et que d'autres aires, au-delà des "carrefours sémantiques" traditionnels, contribuent à la cognition sémantique.
Cette étude a un caractère révolutionnaire car elle donne tardivement raison à Aristote qui affirmait que les expériences et les informations sensorielles sont essentielles à la connaissance conceptuelle, et apporte des preuves concluantes à un sujet qui est étudié depuis le cinquième siècle avant Jésus-Christ. “Rien dans notre intelligence qui ne soit passé par nos sens.” aurait dit Aristote
Commentaire pour les coachs de santé
Cette étude démontre donc que notre savoir vient de l’expérience sensorielle. Autrement dit, tout ce que nous avons perçu, stocké dans notre cerveau et restitué par le langage a pour source le recueil d'information par nos cinq sens. Ce qui est révolutionnaire pour la philosophie et la recherche l’est moins pour ceux qui savent étudier « la structure d’une expérience subjective » Je fais référence ici aux praticiens de la PNL ou de la grammaire transformationnelle de Noam Chomsky. Prenez n’importe quel concept, par exemple « liberté » et demandez au sujet « comment sais-tu que la liberté existe ? » La personne a de bonne chance de répondre qu’elle ne sait pas. Si vous observez le premier et rapide accès oculaire et demandez ce qui se passe à cet endroit, vous trouverez une expérience de référence correspondant au label linguistique de « liberté ». Cette expérience peut être découpée en informations sensorielle en demandant à nouveau « Comment sais-tu qu’il y a de la liberté dans cette expérience ? » En posant plusieurs fois la même question on aboutit à des informations sensorielles de l'expérience. Par exemple « j’ai vu, j’ai lu, j’ai entendu, j’ai fait et ressenti… » Notre savoir mémorisé repose sur une expérience sensorielle. Notre savoir imaginatif repose sur notre capacité à construire une représentation du futur à partir des éléments sensoriels du passé. Quelque chose existe car elle est associée à une expérience sensorielle.
Une fois que nous avons défini le canal de perception sensoriel privilégié d’une personne pour apporter des éléments de preuve de son savoir, nous pouvons nous intéresser aux schémas de quantification utilisés par cette personne pour savoir que quelque chose existe dans son environnement externe, avant de le classer dans son paysage interne. « Combien d’hirondelles faut-il (voir, entendre…) pour faire le printemps ? » ou « Combien de fois as-tu besoin de voir, ou entendre cette expérience de liberté pour savoir qu’elle a une réalité ? » Certains répondront en termes de d’immédiateté ou d’intensité (une seule fois me suffit), ou en termes de répétitions (deux, trois, 10 fois), ou en termes de délais (il ne se passe rien qui contredit la liberté pendant 1jour ou 6 mois), ou en termes de fréquence (5 mois dans le mois), ou en termes de répétitions constantes ( chaque matin, toutes les 5 minutes…il faut sans cesse vérifier) Ceux qui sont intéressés par ces schémas de perception qui permettent à un individu d’affirmer « je sais que je sais » trouveront des réponses dans le modèle du LAB Profile et l’ouvrage « le plein pouvoir des mots » de Shelle Rose Charvet
Sources
The Stuff of Thought Is the Stuff of Experience ; Neuroscience News·March 3, 2022;
“Decoding the information structure underlying the neural representation of concepts” by Leonardo Fernandino et al. PNAS; Proceedings of the National Academy of Sciences doi: 10.1073/pnas.2108091119 ; https://doi.org/10.1073/pnas.2108091119