Le dualisme corps-esprit est naturel chez les individus neurotypiques

Le dualisme corps-esprit est naturel chez les individus neurotypiques

L'idée de la séparation entre l'esprit et le corps apparaît plus naturellement chez les individus dits neurotypiques que chez les neuro-atypiques.Ceux qui se situent sur le spectre de l'autisme sont plus susceptibles de considérer que le corps et l'esprit ne font qu'un, 

Les personnes dites neurotypiques sont celles au fonctionnement dit “typique”, autrement dit “standard” ou “normal”, et qui accordent une grande importance aux normes sociales arbitraires, qui régissent le fonctionnement des groupes sociaux auxquels ils appartiennent. Le terme neuro-atypique a été créé par la communauté autistique pour qualifier les personnes ayant un diagnostic de syndrome d'Asperger ou un autre Trouble du Spectre de l'Autisme.

Ces résultats ont de profondes implications sur la façon dont les gens pensent à la science, à la religion et aux troubles psychiatriques. "Cela affecte vraiment la façon dont nous pensons à tout", dit Iris Berent, l'auteur de l'étude The Idea That Mind and Body Are Separate Is Natural, for Neurotypical People. Berent appelle la distinction entre le corps et l'esprit le dualisme. "Le dualisme est la croyance que l'esprit est en quelque sorte séparé du corps, que le corps est physique mais que l'esprit est autre chose", dit-elle. "Il s'avère que même les jeunes enfants ont ces croyances, et il ne semble pas que ce soit quelque chose de propre à la culture occidentale. Nous le constatons dans toutes les cultures."

Selon Berent, cette étude est la première à montrer qu'un mécanisme psychologique de base essentiel aux interactions sociales, appelé "théorie de l'esprit", est à l'origine du fait que les personnes neurotypiques considèrent l'esprit comme distinct du corps. La théorie de l'esprit donne aux gens la capacité de reconnaître les émotions, les désirs, les croyances et les connaissances en eux-mêmes et chez les autres, et d'en déduire les intentions des autres. "Vous déduisez en quelque sorte ce que l'autre personne pense ou ressent en observant ses actions", explique Berent.

Selon elle, même les jeunes enfants font la démonstration de la théorie de l'esprit. "Par exemple, les enfants de trois mois préfèrent une créature qui aide un autre à grimper une colline à une créature qui entrave l'action du grimpeur. Cela suggère que les nourrissons perçoivent les créatures en fonction de leurs objectifs, comme le fait de chercher à grimper une colline ou d'aider ou de gêner les autres", explique Berent.

Les sujets considérés comme autistes obtiennent de moins bons résultats en matière de compétences sociocognitives liées à la théorie de l'esprit, ce qui explique pourquoi ils sont souvent perçus comme ayant des problèmes sociaux, explique Berent. Et ces problèmes de "lecture" de l'esprit des autres les conduisent à considérer l'esprit des autres comme moins distinct de leur corps.

Dans leur étude, les chercheurs ont demandé à des personnes autistes et neurotypiques d'imaginer qu'il serait possible de créer une réplique de leur corps dans le futur. Ils ont demandé aux participants quelles caractéristiques psychologiques de la personne seraient susceptibles d'apparaître dans la réplique, ses pensées ou ses actions. "Les participants autistes pensaient que les pensées se transféreraient à la réplique plus que les neurotypiques", explique Berent.

Dans une deuxième expérience, on a demandé aux participants d'imaginer quelles caractéristiques de la personne persisteraient dans l'au-delà, après la disparition du corps. Dans ce cas, seules les personnes neurotypiques, mais pas les autistes, ont pensé que les pensées de la personne persisteraient.

"Les autistes ont tendance à considérer que les pensées sont plus fortement ancrées dans le corps", explique Berent. "Les neurotypiques, en revanche, sont plus dualistes, ils considèrent que les pensées sont séparées du corps" et pensent donc que les pensées peuvent persister sans le corps, dans l'au-delà, mais pas dans le corps de la personne et sa réplique, dit Berent. Le dualisme peut être lié à l'idée qu'il existe une vie après la mort et qu'une âme existe séparément du corps, dit-elle. Mais le dualisme entraîne également des problèmes de compréhension de la science et des traitements des troubles psychiatriques, pour lesquels les patients sont souvent stigmatisés et blâmés alors que ces troubles trouvent leur origine dans le cerveau, explique Mme Berent.

"C'est la première étude qui établit un lien entre cette réflexion sur le corps et l'esprit et quelque chose qui est au cœur de la psyché humaine, la théorie de l'esprit." C'est peut-être naturel, mais il y a un coût pour la société et la compréhension scientifique lorsque le corps et l'esprit ne sont pas liés, dit Berent. Le dualisme est l'une des raisons pour lesquelles les gens considèrent la santé mentale différemment de ce qu'ils considèrent comme la santé physique, dit-elle. Mais "la science nous dit que les troubles psychiatriques sont des maladies. Comme toutes les autres maladies, ils font partie du corps".

Commentaires pour les coachs de santé

Des études ont montré que les personnes autistes avaient un rapport au corps différent : elles ont une faible intégration des informations visuo-tactiles et proprioceptives de leur corps et elles ont des difficultés avec l’espace personnel d’autrui. Ils se tiennent soit trop prés et violent l’espace des autres personnes soit au contraire se tiennent trop éloignés des personnes. Cela pourrait s’expliquer par la difficulté de reconnaitre la taille de son corps et de celui des autres. J'ai trouvé ce constat intéressant, mais je n'ai pas de commentaires particuliers à faire dans la mesure ou les problèmes de l'autisme n'ont pas leur place en coaching de santé.

La médecine est l'un des domaines vers lesquels les personnes autistes peuvent être attirées ; les caractéristiques autistiques communes telles que le souci du détail, la reconnaissance des formes et le caractère consciencieux sont des traits que les médecins neurotypiques cherchent à cultiver. Toutefois, cela ne signifie pas que le domaine médical soit une promenade de santé pour les médecins autistes. Une nouvelle étude Autistic doctors face significant workplace obstacles, montre qu'ils sont nombreux à avoir du mal à supporter la nature exigeante des systèmes actuels de soin et que beaucoup ont même envisagé de se suicider. Les auteurs de l'étude appellent à une approche de l'autisme plus respectueuse de la neurodiversité au sein de la médecine, en encourageant l'inclusion et les adaptations afin d'améliorer la situation des médecins autistes.

Sources

The Idea That Mind and Body Are Separate Is Natural, for Neurotypical People ; Neuroscience News Psychologie28 septembre 2022; https://neurosciencenews.com/asd-mind-body-22034/

Autism attenuates the perception of the mind-body divide  by Iris Berent et al. PNAS