Synchroniser sa marche sur celle d'un étranger modifie la relation sociale

Synchroniser sa marche sur celle d'un étranger modifie la relation sociale

Le fait de marcher côte à côte, même sans communication verbale, suffit à modifier la relation sociale entre deux étrangers

La marche est l'une de nos actions quotidiennes les plus naturelles. Aujourd'hui, une nouvelle étude suggère que les marcheurs utilisent la synchronisation des pas comme une forme de communication sociale non verbale. Les résultats de cette étude confirment les effets des caractéristiques psychologiques sur l'interaction des mouvements entre les humains. 

L'étude a mesuré la synchronisation automatique de la marche entre deux personnes et la façon dont elle s'associe à l'impression sociale de l'autre. Des études précédentes ont mis en évidence les conséquences sociales positives de la synchronisation motrice, (par exemple la synchronisation des mouvements du corps entre les thérapeutes et les patients lors des séances cliniques, la synchronisation des marcheurs côte à côte). Cependant, la plupart des études sur les mouvements synchronisés sont confrontées au même défi, à savoir que les conversations entre les participants peuvent être le facteur principal ou partiel des bénéfices sociaux observés, car la conversation est bien documentée pour promouvoir la compréhension et la synchronisation motrice. Les chercheurs ont donc abordé cette question en utilisant un nouveau cadre afin de supprimer la composante conversationnelle etils ont examiné comment la synchronisation en soi interagissait avec l'impression sociale. Les participants ont été jumelés pour marcher côte à côte en silence (c'est-à-dire sans conversation) et leur impression sociale l'un envers l'autre a été évaluée avant/après la marche jumelée. 

Pour mener l'étude, les chercheurs ont divisé les participants en dix groupes d'un seul sexe, soit cinq groupes de femmes et cinq groupes d'hommes. Les membres du groupe ont été jumelés à tour de rôle avec d'autres membres, et ils ont marché ensemble sur un chemin calme et sans obstacle. Ils portaient des enregistreurs vocaux et des détecteurs de mouvement déguisés en GPS pour enregistrer leurs mouvements de marche.

Les chercheurs ont mené l'expérience dans trois conditions : a) une condition de marche mi-silencieuse, mi-conversationnelle dans laquelle les participants ne parlaient pas pendant la moitié du trajet, mais conversaient au retour ; b) une condition de marche silencieuse dans laquelle les participants ne conversaient pas pendant la totalité du trajet ; et enfin, les participants ne marchaient pas et s'asseyaient tranquillement pour remplir un questionnaire dans une salle de classe.

Les participants n'avaient aucune connaissance préalable les uns des autres, et il leur a été demandé d'évaluer leur impression de leur partenaire avant et après chaque marche en utilisant l'échelle de jugement interpersonnel (IJS). En outre, les chercheurs ont induit les participants en erreur sur la véritable nature de l'étude pour les empêcher de synchroniser intentionnellement leurs pas.

Les résultats ont montré une augmentation des notes d'impression pour les deux groupes de participants ayant marché ensemble, mais pas pour le groupe de participants qui ont simplement passé du temps ensemble. Cela suggère que le fait de marcher côte à côte, même sans communication verbale, suffit à modifier la relation sociale entre deux étrangers. Les résultats ont également montré que les conversations renforçaient encore les impressions des participants qui étaient autorisés à parler. En fin de compte, l'expérience a réussi à dissocier la contribution de la communication verbale de la synchronisation des pas de marche, ce qui était inséparable dans les études précédentes.

Les résultats montrent donc que la première impression réciproque des marcheurs était positivement associée à leur taux de synchronisation des pas dans la marche jumelée silencieuse. Avec les résultats précédents, la relation bidirectionnelle entre l'entraînement du corps et les fonctions sociales suggère que la communication implicite non verbale joue un rôle important en fournissant une base pour l'interaction interpersonnelle. Les chercheurs ont également constaté que les paires ayant eu une meilleure première impression sont celles qui avaient eu une meilleure synchronisation de leurs pas - en particulier pour les participantes. Outre les relations sociales, les traits personnels sont également importants. Les paires de femmes, comparées aux paires d'hommes, ont montré une meilleure synchronisation de la marche dans cette expérience. Il y a également un effet de l'âge - les participants plus âgés ont tendance à être plus synchronisés avec leur partenaire dans la marche. 

"Il est très surprenant pour nous de découvrir que les traits d'une personne ainsi que nos premières impressions de l'autre se reflètent dans l'action subtile de la marche. Je pense que la plupart des gens ne sont même pas conscients que leurs pas se synchronisent à ceux des autres lorsqu'ils marchent", a déclaré le Dr. Chia-huei Tseng, professeur associé à l'Institut de recherche sur les communications électriques (RIEC) de l'Université de Tohoku. "On savait auparavant que les paramètres physiques d'une personne, comme sa taille et son poids, influent sur la façon dont ses mouvements interagissent avec les autres. Maintenant, nous savons que les traits psychologiques ont également un effet".

Sources

Paired walkers with better first impression synchronize better; Miao Cheng, Masaharu Kato, Jeffrey Allen Saunders, Chia-huei Tseng  ; Published: February 21, 2020; https://doi.org/10.1371/journal.pone.0227880