La "richesse psychologique" comme critère de bonne vie.

La "richesse psychologique" comme critère de bonne vie.

Une bonne vie est une vie heureuse, riche de sens mais aussi psychologiquement riche dit la science du bonheur

Comment une personne peut savoir qu’elle a vécu une bonne vie ? Les sciences psychologiques conceptualisent le plus souvent une bonne vie selon deux dimensions : d’une part le bien être hédonique, avec une vie heureuse caractérisée par des émotions positives et une satisfaction de la vie, et d’autre part le bien être eudémonique associé au sentiment que la vie a un sens la vie, à la réalisation d’un potentiel et des sentiments tels que la générosité. Selon Shigehiro Oishi, de l'université de Virginie, et Erin Westgate, de l'université de Floride, une autre dimension d’une bonne vie doit être prise en compte, à savoir la "richesse psychologique".

Une vie psychologiquement riche se caractérise par le vécu d'expériences diverses, nouvelles, surprenantes et intéressantes et ayant le pouvoir de changer et d’élargir nos perspectives de vie. Elle est associée à des engagements mentaux complexes, un large éventail d'émotions intenses, et peut être opposée à une vie ennuyeuse et monotone. Les auteurs présentent plusieurs études qui confortent leur hypothèse. 

Dans une première étude, on a demandé à 500 étudiants de noter dans quelle mesure une série de caractéristiques pouvaient décrire leur vie. Certaines caractéristiques étaient liées au bonheur hédonique (par exemple "agréable"), d'autres à la recherche de sens (eudaimonique, par exemple "épanouissante"), et les troisièmes à la notion de richesse psychologique, avec des termes positifs ou négatifs en lien avec des expériences (comme "intéressant" et "dramatique", "sans histoire" et "monotone"). Les résultats suggèrent que la vie émotionnelle agréable, la recherche de sens et la richesse psychologique sont bien trois facteurs distincts de bonheur. "Sur le plan psychométrique, la richesse psychologique ne peut être réduite à un aspect du sens ou des émotions agréables ", disent Oishi et Westgate. Les auteurs ont également analysé les adjectifs utilisés dans plusieurs centaines de notices nécrologiques publiées dans des journaux des États-Unis et de Singapour. Là encore, leur analyse a montré que les mots pouvaient être regroupés dans ces trois catégories distinctes.

D'autres études ont montré que la richesse psychologique, le bonheur et le sens de la vie présentent également des schémas d'association distincts avec les traits de personnalité des « big five » et le statut socio-économique. Les données provenant de participants des États-Unis, de l'Inde et de la Corée suggèrent que les traits d'ouverture et d'extraversion sont associés à une vie psychologiquement riche, alors que le statut socio-économique ne l'est pas. Cependant, le statut socio-économique, ainsi que l'extraversion et la conscienciosité, sont liés au bonheur. Les sentiments du sens de la vie n'étaient pas associés à un modèle particulier de scores aux cinq grands types de personnalité.

Ohio et Westgate ont considéré que la richesse psychologique qui est associée à l'inattendu, à la nouveauté, à la complexité et au changement de perspective, pouvait être renforcée par certains types d'expériences. Ils ont en effet noté que les étudiants qui avaient étudié à l'étranger avaient obtenu des scores de richesse psychologique nettement plus élevés que ceux qui n’avaient pas quitté leur pays. Les auteurs supposent que la curiosité, la spontanéité et l'énergie facilitent une vie psychologiquement riche.

Les types de personnalité et l'expérience de vie semblent donc contribuer à une vie psychologiquement plus riche.

D'autres études mettent en évidence des liens distincts entre ces trois critères de bonne vie et l’attitude face au changement. Les personnes déclarant avoir une vie heureuse ou pleine de sens ont tendance à préférer la stabilité, le confort  et le statu quo et à être plus conservatrices sur le plan politique. Les personnes ayant une vie psychologiquement plus riche préfèrent le changement social et sont plus libérales sur le plan politique.

Quand Oishi et Westgate ont demandé à des participants de neuf pays différents de décrire leur vie idéale en choisissant dans une liste de caractéristiques associées à une vie heureuse, significative ou psychologiquement riche, ils ont globalement sélectionné des éléments appartenant à ces trois catégories. Lorsqu'on leur a demandé de choisir qu'un seul type de bonne vie, la majorité a opté en premier pour le bonheur, puis en second le sens de la vie, et en troisième position la richesse psychologique. 

Les auteurs rappellent que le fait de se sentir heureux et de penser que sa vie a un sens est associé à une meilleure santé et à de meilleures relations. Ils posent également la question de savoir ce qui peut pousser les individus à vouloir développer leur richesse psychologique. D’un point de vie de l’évolution, la richesse psychologique permettrait aux individus de mieux s'adapter à des environnements difficiles et changeants. Au niveau individuel, le désir de richesse psychologique pourrait protéger de l'ennui et permettrait à faire face aux épreuves de la vie. Les crises, par les opportunités de changement de perspectives et de croissance qu’elles présentent peuvent être sources de valeurs pour certains.

Pour les auteurs, il est important de prendre en compte le fait que de nombreuses personnes de différents pays préfèrent avoir une vie psychologiquement riche plutôt qu'une vie heureuse ou riche de sens "l'ajout de la richesse psychologique élargit, approfondit et enrichit la recherche empirique sur la qualité de vie".

Commentaires pour les coachs de santé

Cette nouvelle dimension d'une "bonne vie" correspond probablement au contexte d'un monde moderne dit V.U.C.A. (Volatile, U(i)ncertain, Complexe, Ambigu) dans lequel ni la stabilité, ni la recherche de sens ne peuvent garantir le bonheur. Avec l'évolution du monde, il apprait logique que les critères de "bonne vie évoluent également. Puisque les émotions agréables sources de bonheurs sont si fragiles, que les possessions matérielles sont insuffisantes à une bonne vie, que le sens donné à notre vie peut être remis en cause par les changements d'environnement, que nous reste-t-il pour avoir le sentiment d'une bonne vie ? Il nous reste les expériences nouvelles et intenses qui nous donnent le sentiment d'être pleinement vivant, de nous émerveiller, d'élargir notre niveau de conscience ou de grandir. Par exemple dormir sous le ciel étoilé du désert, une recontre avec les éléments de la nature, une rencontre avec un maître spitituel, une rencontre amoureuse, un stage de développement ou de PNL, une naissance, la pratique d'un sport, un voyage dans un pays surprenant, la beauté d'un paysage, un acte de générosité...etc. Ces nouvelles dimensions d'une bonne vie peuvent probablement expliquer le succès des formations en développement personnel qui nous extraient de notre cadre de référence habituel. 

Sources

Oishi, S., & Westgate, E. C. (2021). A psychologically rich life: Beyond happiness and meaning. Psychological Review. Advance online publication. https://doi.org/10.1037/rev0000317

We’ve Neglected The Role Of “Psychological Richness” When Considering What Makes A Good Life, Study Argues

Emma Young ; Research Digest  September 14, 2021 https://digest.bps.org.uk/2021/09/14/weve-neglected-the-role-of-psychological-richness-when-considering-what-makes-a-good-life-study-argues/