L'usage prolongé de la chaise tue lentement mais surement

L'usage prolongé de la chaise tue lentement mais surement

Les femmes âgées qui restent assises pendant 11,7 heures ou plus par jour augmentent leur risque de décès de 30 %, qu'elles fassent ou non de l'exercice physique.

Steve Nguyen, le co-auteur de l'étude, Prospective Associations of Accelerometer-Measured Machine-Learned Sedentary Behavior With Death Among Older Women : The OPACH Study, a évalué chez 6 489 femmes âgées de 63 à 99 ans suivies pendant huit ans, l’impact de la durée de la position assise et de l'activité quotidienne, sur les taux de mortalité. Les données ont été recueillies à partir de dispositifs portés sur la hanche pendant sept jours.

Les données de l’étude dirigée par Andrea LaCroix, Ph.D., M.P.H., professeur émérite à la Herbert Wertheim School of Public Health, ont été recueillies dans le cadre d'un projet national à long terme connu sous le nom de Women's Health Initiative (WHI), qui a débuté en 1991 et se poursuit encore aujourd'hui. Le travail de Nguyen est le premier à appliquer un algorithme novateur et validé, basé sur l'apprentissage automatique, appelé CHAP, pour examiner le temps total passé assis et la durée des périodes d'assise en relation avec le risque de décès.

"Le comportement sédentaire est défini comme tout comportement éveillé impliquant une position assise ou allongée et comportant une faible dépense énergétique", explique M. Nguyen. "Les techniques précédentes de calcul du comportement sédentaire utilisaient des seuils qui identifiaient des mouvements faibles ou absents. L'algorithme CHAP a été développé à l'aide de l'apprentissage automatique, un type d'intelligence artificielle, qui a amélioré sa capacité à distinguer avec précision la position debout de la position assise". En affinant la notion de "position assise", M. Nguyen a pu analyser le temps total passé en position assise et la durée des périodes habituelles de position assise.

La sédentarité est un risque pour la santé car elle réduit les contractions musculaires, le flux sanguin et le métabolisme du glucose. "Lorsque vous êtes assis, la circulation sanguine dans tout votre corps ralentit, ce qui diminue l'absorption du glucose. Les contractions musculaires diminuent, en mêmetemps que la consommation d'oxygène pour faire bouger les muscles, et le pouls ralentit", explique M. LaCroix.

Malheureusement, l'exercice ne peut pas annuler ces effets négatifs. Les femmes qui restaient assises pendant de longues heures présentaient la même augmentation du risque, qu’elles aient pratiqué ou pas une activité physique d'intensité modérée à vigoureuse, faible ou élevée. "Si je fais une marche rapide pendant une heure et que je reste assise le reste de la journée, je continue à accumuler tous les effets négatifs sur mon métabolisme", a déclaré Mme LaCroix.

Sur la base de ces recherches, LaCroix formule la recommandation suivante : "Le risque commence à augmenter lorsque vous êtes assis environ 11 heures par jour, et se combine avec la durée de la position assise en une seule fois.  "Par exemple, rester assis plus de 30 minutes à la fois est associé à un risque plus élevé que de rester assis seulement 10 minutes à la fois. La plupart des gens ne vont pas se lever six fois par heure, mais ils pourraient peut-être se lever une fois par heure ou toutes les 20 minutes environ. Ils n'ont pas besoin d'aller quelque part ; ils peuvent simplement rester debout pendant un petit moment".

Toutefois, M. Nguyen souligne que l’impact de la position assise n'est pas toujours la même. "Au-delà des maladies cardiovasculaires, nous commençons à penser aux conséquences cognitives, y compris la démence", a-t-il déclaré. "Certaines activités stimulantes sur le plan cognitif peuvent entraîner un comportement sédentaire, comme le fait de s'asseoir pendant l'étude d'une nouvelle langue. Dans ce contexte, la sédentarité est-elle globalement mauvaise pour une personne ? Je pense qu'il est difficile de le dire".

Mme LaCroix est consciente des difficultés que pose la modification des comportements sédentaires, mais elle sait que ces modifications sont nécessaires, même si elles ne sont pas faciles à mettre en œuvre. "Nous avons créé un monde dans lequel il est si fascinant de s'asseoir et de faire des choses. Vous pouvez être absorbé par la télévision ou faire défiler votre Instagram pendant des heures. Mais rester assis tout le temps n'est pas la façon dont nous sommes censés être en tant qu'humains, et nous pourrions inverser tout cela culturellement simplement en n'étant pas si attirés par toutes les choses que nous faisons en étant assis."

Commentaires pour les coachs de santé

Plus l’on passe de temps assis dans la journée, plus le risque de maladies cardiovasculaires, de surpoids, de diabète et de cancer est élevé.  A lire cela on peut penser que l’invention du confort de la chaise est une malédiction pour la santé de l’humanité. On peut se demander comment l’idée de s’asseoir sur une chaise et de plier son corps est-elle venue à l’homme, au point d’envahir nos vies ?

Les recherches archéologiques situent l’invention et l’emploi de la chaise carrée, à près de 3000 ans avant JC dans l’Antiquité égyptienne. On retrouve la chaise 2000 ans plus tard dans les vestiges de la Grèce antique puis chez les Romains. Sa possession et son usage restaient restreinte aux monarques et aux populations ayant des moyens financiers. La chaise était un signe extérieur de richesse ou de pouvoir !!  La communauté monastique chrétienne brise le privilège du siège sacré, réservé aux rois et évêques, pour le rendre accessible aux moines, et préparer le bourgeois du 15ème siècle à vivre au quotidien dans la posture assise. 

Nos ancêtres cueilleurs-chasseurs ou nomades se déplacaient sans cesse, et se reposaient à même le sol, accroupis ou couchés. La vie itinérante exprime la singularité de l’être humain au sein du règne animal : c’est la marche redressée et la station debout.

Tout change avec la construction de la maison, car l’homme commence à se sédentariser, à domestiquer la nature, et à se domestique lui-même, en freinant ses envies de mouvement. Dans son article, La posture assise et les chaises ou La perte de spiritualité,  Hajo Eickhoff explique comment la démocratisation de la chaise a contribué à la création de nouveau métiers, ceux de l’artisan, du scientifique, du négociant, et aussi à la transformation du corps et des fonctions humaines. 

Etre assis n’est ni une position naturelle ni un repos pour les jambes. D’un point de vue anatomique, la posture assise forme un pliage du corps à double angle droit dans la hanche et dans les genoux et autorise le transfert direct du poids du tronc par le bassin sur le support. Le changement de la station debout en posture assise réalise le passage d’une existence à pied vers une existence sur le séant. Dans ce changement, les muscles des jambes et du fessier se tendent et tournent le bassin d’environ quarante-cinq degrés vers l’arrière. Ce mouvement de rotation entraîne le sacrum qui bascule à la verticale. La tension musculaire déclenche un mécanisme propre à la posture assise.

Le corps se trouve dans une constitution éloignée de sa physiologie naturelle. La chaise réduit la fonction musculaire, fait perdre aux muscles leurs élasticité pour les durcir de façon chronique. La chaise prive la respiration de son rythme naturel. « La respiration et la musculature entrent dans un cycle de rigidification musculaire et de réduction respiratoire, jusqu’à ce que l’état se stabilise à un niveau d’énergie plus bas et dans une mobilité corporelle restreinte : c’est l’état de sédation qui se pose alors comme une ombre sur l’organisme. L’être assis est vaincu par ce cycle jusqu’à développer une aversion contre le mouvement.  De tels états favorisent les besoins de contrôler les émotions, ce qui consomme beaucoup d’énergie. »  

« En raison du mécanisme de la posture assise et de l’artifice de cette attitude, l’homme prend ses distances vis-à-vis de la nature comme de lui-même et perd l’échelle de valorisation apportée par les sens. L’être humain aurait-il ôté les bras du sol et levé la tête, étiré la hanche et rentré les genoux, pour enfin marcher debout sur la terre après des millions d’années, dans le but d’asseoir en un siècle la moitié de l’humanité sur des chaises et de la faire passer du stade de l’homo erectus à celui d’homo sedens? »

Après ces considérations évolutionnistes et historiques pour vous convaincre que l’abus de chaise est néfaste pour la santé, il reste à trouver des solutions pratiques pour se prémunir de toute addictions à la chaise. Une addiction qui s’installe facilement lorsqu’on a un boulot d’intello. Je vous révèle mon secret pour m’extraire régulièrement de ma chaise : si vous prévoyez de passer pas mal de temps assis, buvez beaucoup de ce que vous voulez, mais de préférence de l'eau ou une tisane diurétique. A un moment donné un conflit interne va s’installer, entre les besoins intellectuels de ne pas interrompre le fil de votre pensée, et les cris de détresse de votre vessie qui réclame un peu d’attention. Dans ce conflit, c’est toujours ma vessie qui gagne !!  Maintenant, si vous êtres un geek scotché à l'ordinateur, vous avez la possibilité de disposer un haricot (un urinoir pour homme alité) ou un bassin (la même chose pour femme) sur votre bureau, en sachant que vous devrez quand même le vider à un moment ou à un autre.  

Plus d'informations

Sedentary behavior found to increase mortality risk by University of California - San Diego; Medical xpress February 28, 2024 ; https://medicalxpress.com/news/2024-02-sedentary-behavior-mortality.html?utm_source=nwletter&utm_medium=email&utm_campaign=daily-nwletter

Steve Nguyen et al, Prospective Associations of Accelerometer-Measured Machine-Learned Sedentary Behavior With Death Among Older Women : The OPACH Study, Journal of the American Heart Association (2024). DOI : 10.1161/JAHA.123.031156