Les principales découvertes en matière d'interception montrent comment ce "sixième sens" façonne nos émotions, notre prise de décision et même notre sentiment d'identité, et comment une interception déficiente peut contribuer à l'apparition de divers troubles mentaux tels que la dépression et les troubles de l'alimentation.
L'intéroception, est notre capacité à percevoir les sensations corporelles et l'état interne du corps. L'intéroception se distingue de l'extéroception, qui réfère aux sensations provoquées par les stimuli en provenance du milieu extérieur, et de la proprioception, qui désigne la perception consciente ou inconsciente de la position des différentes parties du corps L'intéroception repose sur la perception des signaux en provenance des viscères, comme le cœur, le système gastro-intestinal, les systèmes respiratoires et urinaires. Par exemple, la sensation de vessie pleine nous alerte qu’il faut aller au toilettes. Les bruits d'estomac qui accompagnent la sensation de faim nous invite à nous nourir. La réduction d'une sensation de soif, ce qui est assez fréquent chez les sujets âgés, peut nous condire à la déshydratation. "Les frissons quand on a froid ou la chaire de poule peut exprimer la peur ou le bonheur. Quand tout fonctionne bien, notre corps nous renvoie tous ces signes pour exprimer des émotions et nous permettre de prendre des décisions". L'intéroception, notre capacité à percevoir les états corporels internes, constitue donc un élément fondamental de nos expériences conscientes. Améliorer notre compréhension de l'interception, peut nous permettre de découvrir des moyens plus efficaces de traiter ces troubles et d'améliorer le bien-être général. Les faits marquants sur l'interoception:
1) L'intéroception, c'est-à-dire notre perception des signaux corporels internes, influence nos émotions, nos prises de décision et notre perception de nous-mêmes. Le cortex insulaire joue un rôle clé dans le traitement intéroceptif.
2) Les déficiences de l'intéroception sont associés à plusieurs troubles mentaux, dont la dépression et les troubles de l'alimentation. Ces personnes peuvent avoir du mal à identifier et à interpréter correctement leurs signaux corporels, ce qui peut contribuer à un dérèglement de l'humeur et à des perceptions déformées de la faim et de la satiété.
3) L'amélioration de la conscience intéroceptive, notamment par le biais de la méditation de pleine conscience, peut constituer une stratégie thérapeutique potentielle pour ces troubles. Il est démontré que les pratiques de pleine conscience améliorent la précision de la perception des battements cardiaques, une mesure de la conscience intéroceptive.
Depuis l'aube de la psychologie et des neurosciences, les chercheurs ont cherché à comprendre les mécanismes qui façonnent nos expériences conscientes, nos pensées et nos émotions. L'intéroception, c'est-à-dire la perception et l'interprétation des signaux internes du corps, tels que le rythme cardiaque, la faim et la fréquence respiratoire, est un concept qui retient de plus en plus l'attention. L'intéroception sert de baromètre interne, guidant nos réponses à l'environnement en fonction des besoins et de l'état de notre corps.
En tant que domaine relativement peu exploré des neurosciences, les recherches récentes sur l'intéroception s'avèrent révolutionnaires, non seulement pour notre compréhension des fonctions cérébrales, mais aussi pour notre compréhension de divers troubles mentaux. L'interception est fondamentale pour notre expérience des émotions. Elle fonctionne selon le principe de la cognition incarnée, c'est-à-dire l'idée que nos pensées et nos émotions sont inextricablement liées à nos états corporels.
L'hypothèse des marqueurs somatiques d'Antonio Damasio, soutient par exemple, que les processus émotionnels guident la prise de décision. Lorsque nous devons faire un choix, notre corps envoie des signaux (marqueurs somatiques) à notre cerveau, induisant un sentiment instinctif qui peut influencer notre décision. La neuroscientifique Sarah Garfinkel a approfondi cette théorie en démontrant que la détection des battements cardiaques, une mesure de l'intéroception, peut influencer notre expérience émotionnelle et même notre perception de la peur chez les autres. Le cortex insulaire est identifié comme un centre crucial pour le traitement intéroceptif. Cette région reçoit des signaux de notre état corporel interne, puis intègre et transmet ces informations à d'autres zones du cerveau responsables des émotions, de la cognition et de la conscience de soi.
Une étude menée par Critchley et Garfinkel a montré que la précision de la perception des battements cardiaques, une mesure intéroceptive, est associée au volume de matière grise dans le cortex insulaire antérieur droit.
Par ailleurs, l'importance de l'intéroception va au-delà des émotions et de la prise de décision. Elle joue également un rôle crucial dans la perception de soi. Les signaux intéroceptifs nous rappellent constamment notre existence en tant que personne physique, en distinguant le "soi" de l'"autre". Les recherches menées par Tsakiris ont proposé le cadre du "Heartfelt Self", selon lequel le sentiment de soi est fondé sur l'intégration des signaux intéroceptifs, en particulier les battements de cœur, dans la représentation de notre corps.
Les déficiences de l'intéroception ont été associées à divers troubles mentaux. Par exemple, les personnes souffrant de dépression présentent souvent une diminution de la précision intéroceptive. Elles peuvent avoir du mal à identifier correctement leurs signaux corporels, ce qui conduit à une mauvaise interprétation des émotions et contribue à la dérégulation de l'humeur. Le dysfonctionnement intéroceptif est également une caractéristique clé des troubles alimentaires tels que l'anorexie mentale, dans laquelle les patients peuvent avoir une perception déformée de leurs signaux corporels tels que la faim et la satiété.
L'amélioration de la conscience intéroceptive a été proposée comme une stratégie thérapeutique prometteuse. La méditation de pleine conscience, une pratique qui cultive la conscience du moment présent et l'acceptation des sensations corporelles, s'est révélée efficace pour améliorer l'interception. Les recherches menées par Bornemann et al. ont montré qu'une retraite de méditation de trois mois améliorait de manière significative la précision de la perception des battements cardiaques. Notre compréhension de l'intéroception a des implications considérables pour l'avenir des neurosciences, de la psychologie et des interventions en matière de santé mentale. En continuant à découvrir comment le cerveau intègre et interprète les signaux internes du corps, nous ouvrons de nouvelles voies pour comprendre l'expérience humaine et traiter les troubles mentaux.
Commentaires pour les coachs de santé
L'interoception est souvent considérée comme notre "6e sens" après la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût et le toucher. Grace à l'intéroception notre cerveau peut recevoir et interpréter les messages en provenance de nos organes, et définir quel est notre niveau de notre bien-être physique et émotionnel. L'interroception est un feedback sur ce qui se passe dans le corps, ce qui peut permettre de mettre en oeuvre les actions correctives. Un bon fonctionnement de notre intéroception est nécessaire pour percevoir les besoins de notre corps et y répondre de façon appropriée, afin de pouvoir rétablir et maintenir un équilibre physique et émotionnel. Des difficultés d'interoception ont été associées à des troubles tels que l'autisme, l'anxié et la dépression, ainsi que des troubles alimentaires.
Comment s'occuper de votre santé en l'absence d'intéroception, c'est-à-dire de prise en compte des feedback du corps ? Sans interoception, vous êtes comme un navire à la dérive, un navire ayant perdu tous ses outils d'évaluation de son bon fonctionnement et de sa position sur la mer. Sans intéroception, vous ne savez pas si vous allez dans la direction de la santé, de la maladie, ou de la guérison. Si l'intéroception est si fondamentale à votre vie, notre santé mentale et physique, et à notre bien-être, toute la question est de savoir comment la favoriser.
Selon le psychiatre Iain McGilchrist, auteur du livre The Master and His Emissary, notre civilisation occidentale a fait le choix de privilégier les compétences du cerveau gauche (vision mécaniste, rationalité, logique, langage, linéarité) au détriment des compétences du cerveau droit (vision vivante, globale, irrationalité, mouvement, intuition…). En privilégiant les fonctions de notre cerveau gauche, nous avons probablement perdu une grande partie de notre intéroceptivité. L’hémisphère gauche traite l’information de manière linéaire et séquentielle, utilisant la seule méthode qu’il connaît, alors que l’hémisphère droit "manifeste une forme de tension vigilante à l’égard de tous ce qui est, de tout ce qui vit, sans idées préconçues ". Son attention est au service du contact, de la relation, du mouvement et de la fluidité. En valorisant les fonctions du cerveau gauche, nous nous privons des relations corps-esprit, des connexions à notre corps, donc à l'intéroception. Comme le rappelle l’article, c’est dans des activités méditatives que nous accédons au mieux à notre intelligence somatique.
Les formidables capacités d’adaptation et d’homéostasie dont nous sommes dotés, ne peuvent fonctionner que si nous recevons les feedbacks de notre corps, qui se manifestent le plus souvent, bien avant l’apparition des symptômes. Il faut parfois un haut niveau d’intensité des symptômes, pour commencer à écouter les messages de notre corps. Ces derniers nous informent instant par instant de nos capacités à nous adapter à notre environnement externe et interne et des régulations que nous devons effectuer pour rester en bonne santé et survivre. Sans intéroception, nous vivons comme des êtres désincarnés. La guérison est une stratégie qui sollicite les fonctions de nos deux cerveaux. Nous avons besoins de notre intelligence cognitive pour construire la vision de la vie que nous aimerions vivre et de notre intelligence somatique pour valider et ressentir l'émotion qui accompagne cette vision. Nous avons besoin de notre cerveau droit pour nous relier aux blessures du passé qui peuvent faire obstacle à la réalisation de notre vision, et de notre cerveau droit pour être un bon chef de projet des changements comportementaux que nous devrons effectuer pour transformer le rêve conçu par le cerveau droit en une nouvelle réalité du cerveau gauche.
Note : une nouvelle étude, publiée dans le Journal of Experimental Psychology montre pour la première fois que les aveugles sont également plus doués la perception corporelle intérieure tel que le comptage des battements de cœur, ou "interception cardiaque". Des travaux antérieurs ont montré que la détection des signaux corporels joue un rôle clé dans notre vie émotionnelle, et cette nouvelle recherche pourrait contribuer à expliquer les résultats d'autres études montrant que les aveugles pourraient également avoir une capacité de traitement émotionnel supérieure.
Sources
Interoception: A Gateway to the Neuroscience of Self-Awareness ; Neuroscience news ; June 15 2023;
