Ceux qui ont du pouvoir ont tendance à ne pas accepter les erreurs des autres

Ceux qui ont du pouvoir ont tendance à ne pas accepter les erreurs des autres

Ceux qui ont du pouvoir, comme par exemple les personnes riches, ont plus tendance à reprocher aux autres leurs défauts et sont également moins perturbés par les rapports d'inégalité.

L'étude publiée dans Social Psychological and Personality Science définit le pouvoir comme le contrôle de ressources précieuses. L'article relate que les personnes en position de pouvoir ont une plus forte tendance à adopter une "mentalité de choix" Ce qui signifie que si ces personnes de pouvoir ont plus de choix (la définition du pouvoir dans de nombreux cas), elles considèrent que les autres personnes moins puissantes ont également de nombreux choix, quelle que soit leur situation. Par conséquent, les personnes au pouvoir élevé ont une plus grande tendance à blâmer les autres quand ils obtiennent de mauvais résultats et sont également plus susceptibles de les punir.

"Être dans un état d'esprit de choix change la façon dont les individus pensent, ressentent et se comportent", a déclaré Yidan Yin, premier auteur de l'article "Par rapport aux personnes à faible pouvoir, les personnes à fort pouvoir sont moins conscientes des contraintes des autres. De ce fait, elles blâment plus facilement lorsque les autres font des erreurs ou ont des lacunes. Ils peuvent ainsi considérer que la hiérarchie actuelle est justifiée."

Trois études solides réalisées dans des contestes différents 

La première étude a été réalisée en évaluant par un questionnaire le sentiment de pouvoir de 363 personnes issues du grand public et recrutées via la plateforme Prolific. Les chercheurs ont également demandé aux participants de répondre à un autre questionnaire, prétendant qu'il n'avait aucun rapport avec le premier, dans lequel ils devaient faire du crowdsourcing pour résoudre un problème de ressources humaines à l'université. L'enquête expliquait que leur département universitaire se demandait s'il fallait accorder une prime à un assistant administratif qui n'avait pas respecté l'échéance d'un grand projet en raison de priorités contradictoires. Les participants à l'enquête, dont le sentiment de pouvoir était plus fort, ont répondu que l'assistant administratif ne méritait pas la prime et que ses excuses étaient sans fondement.

La deuxième étude a été menée sur la plateforme Amazon Mechanical Turk auprès de 393 participants issus du grand public qui ont été affectés de manière aléatoire à des rôles de superviseurs et de subordonnés dans la réalisation de diverses tâches. Même si les rangs attribués ont été fait de manière aléatoire, on a annoncé aux superviseurs qu'ils avaient mérité ce rôle pour leurs niveaux de compétences et aux subordonnés qu'ils avaient été désignés dans ce rôle du fait que leur niveau de compétences avaient été dépassées par celle des superviseurs. Les deux groupes devaient évaluer les performances d'un inconnu, qui volontairement faisait des erreurs dans la réalisation de ses tâches. Une fois de plus, les chercheurs ont constaté que ceux qui avaient un plus grand sentiment de pouvoir (les superviseurs) étaient plus sévères, moins compréhensifs dans leur jugement et recommandaient davantage de punitions que les subordonnés.

La troisième étude a été réalisée en laboratoire avec des étudiants de premier cycle de l'UC San Diego et a reflété les résultats de la deuxième expérience. La principale différence était que les superviseurs et les subordonnés savaient que la personne cible qu'ils devaient évaluer avait la position d'un subordonné et donc moins de choix. Les résultats des deux premières études se sont maintenus, les sujets qui avaient plus de pouvoir attribuant plus de blâmes et recommandant plus de punitions.

"Chaque étude était conçue pour s'appuyer sur les résultats des autres", écrivent les auteurs de l’étude "Dans la première étude, nous avons mesurer le pouvoir, dans la deuxième étude nous avons manipulé le pouvoir et dans la troisième étude, nous avons créé un monde dans lequel les juges savaient que la personne ciblée avait moins de pouvoir et moins de choix. Nous voulions voir si les perceptions restaient cohérentes dans ces trois contextes. C'était une combinaison de réplication et d'ajout de ces rebondissements supplémentaires."

Les implications pour les politiques publiques

"Les décideurs politiques sont dans une position de pouvoir et de privilège et peuvent être moins sensibles aux désavantages de leurs électeurs", écrivent les auteurs. "Cela est particulièrement important au sortir de la pandémie, lorsque de grandes discussions ont lieu dans le domaine politique sur la réduction des allocations de chômage ou de l'aide au logement. Si vous êtes en position de pouvoir, vous pouvez supposer que les individus choisissent de rester à la maison et de ne pas travailler, et qu'ils peuvent faire de meilleurs choix. Vous devrez cependant peut-être réfléchir avec bien plus d’attention au nombre de choix dont disposent les individus auxquels vous vous adressez, et aux réelles contraintes auxquelles ils sont confrontés."

Les implications pour le lieu de travail.

"Les dirigeants devraient être conscients du nombre de choix dont ils disposent par rapport à leurs subordonnés et de leur tendance à projeter leurs propres choix sur les autres, en particulier lorsque les employés font des erreurs." a déclaré Yin.

Smith a ajouté : "Cela pourrait nécessiter d'avoir plus d’échanges avec les employés et d'être conscient de leur situation, car parfois le manque de choix et les contraintes peuvent être invisibles pour quelqu'un de l'extérieur."

Commentaires pour les coachs de santé

Les conclusions de cette étude s’appliquent au domaine de la santé car les professionnels de santé ont une position de pouvoir, qui peut les amener à blâmer leurs patients de ne pas suivre leurs recommandations médicales. La maladie résulte souvent d’un manque d’options pour s’adapter à notre environnement et réaliser des buts de vie. Ce qui signifie que le sens de la maladie est de retrouver du pouvoir sur nous-même en développant de nouvelles options, ce qui est rendu fort difficile face au stress du diagnostic et du pronostic. Et tout ce qui peut rajouter du stress, limite encore plus les choix du patient. 

Les résultats de cette étude soulignent les difficultés d'un soignat à se mettre à la place du soigné (deuxième position de perception), les conséquences potentiellement négatives d’une posture de pouvoir dans le domaine de la santé, et le cruel besoin d’humilité dans la relation soignant-soigné. Face à la maladie, il n’y a plus de position dominante. La maladie n’épargne personne, les puissants comme les démunis, et doit s’intéresser à ceux dont les égos les isolent d’eux-mêmes et des autres. La maladie a aussi pour rôle de nous rappeler la futilité des illusions de l’égo. Le rôle du coach de santé est à l’opposé de celui du soignant conventionnel car il considère que c’est le patient qui doit retrouver le pouvoir de se guérir en activant ses ressources internes de guérison. Le retour à la santé émerge d’une bonne intelligence entre le pouvoir de soigner du professionnel de santé et le pouvoir de guérir du patient. Cette intelligence collective ne peut cependant fonctionner que dans un contexte relationnel de confiance, de protection, de bienveillance… et donc en l’absence de jeux de pouvoirs conscients ou inconscients

Sources

Yidan Yin, Krishna Savani, Pamela K. Smith. Power Increases Perceptions of Others’ Choices, Leading People to Blame Others More. Social Psychological and Personality Science, 2021; 194855062110161 DOI: 10.1177/19485506211016140

University of California - San Diego. "Powerful people are less likely to be understanding when mistakes are made."  Science Daily, 23 June 2021.