Accepter l'inconfort, plutôt que de l'éviter, facilite l’atteinte de nos objectifs

Accepter l'inconfort, plutôt que de l'éviter, facilite l’atteinte de nos objectifs

Le recadrage du ressenti d'inconfort en tant que signal de croissance personnelle accroît la motivation à l'engagement et la perception de la réalisation des objectifs.

Pour développer de nouvelles compétences ou évoluer en tant que personne, nous devons souvent sortir de notre zone de confort. Pour devenir un meilleur orateur, vous devrez vous entraîner à parler devant d'autres personnes, ce qui peut être fort inconfortable au début.

Cet inconfort peut créer un obstacle à votre développement, car il surviendra bien avant de noter une quelconque amélioration de vos compétences. Vous pourrez donc considérer que cette expérience émotionnelle négative n'en vaut pas la peine et renoncer à votre objectif.

Maintenant que peut-il se passer si vous recadrez notre attitude à l'égard du ressenti d'inconfort, par exemple en le considérant comme un signe de progrès et quelque chose à rechercher plutôt qu'à éviter ? Comme l'inconfort est généralement ressenti immédiatement et qu'il est facile à détecter, des chercheurs ont fait l’hypothèse que la recherche de l'inconfort comme signal de croissance pouvait accroitre la motivation à atteindre un objectif. 
Cinq expériences (N total = 2 163 adultes) ont testé cette hypothèse dans divers domaines de développement personnel : suivre des cours d'improvisation pour accroître la confiance en soi, s'engager dans l'écriture expressive pour traiter des émotions difficiles, s'informer sur la crise sanitaire COVID-19, s'ouvrir à des points de vue politiques opposés et s'informer sur la violence armée.

Dans la première étude, Kaitlin Woolley de l'université Cornell et Ayelet Fishbach de l'université de Chicago ont recruté 557 adultes inscrits à des ateliers d'improvisation de niveau débutant. Les participants ont pris part à un exercice d'improvisation appelé "Give Focus". Cet exercice implique qu'un membre du groupe se déplace dans la pièce comme il le souhaite tandis que les autres restent figés sur place ; à un moment donné, l'improvisateur libre choisit de passer le "focus" à un autre membre du groupe, qui prend alors le relais.

Avant le début de l'exercice, la moitié des participants ont été informés que l'objectif était de "se sentir gêné et mal à l'aise", et que ces sentiments étaient le signe que l'exercice fonctionnait. Les participants du groupe témoin ont simplement reçu les instructions normales pour l'exercice, sans aucune mention de l'inconfort. Les chercheurs ont enregistré sur vidéo les improvisations, qui ont ensuite été notées en fonction de la persistance (combien de temps les participants ont occupé le devant de la scène avant de le passer à un autre membre du groupe) et de la prise de risque (dans quelle mesure ils ont repoussé les limites ou pris des risques pendant leur improvisation).

Les chercheurs ont constaté que les participants à qui l'on avait dit de poursuivre les sentiments d’inconfort passaient plus de temps à improviser et prenaient plus de risques, ce qui selon les auteurs montre qu'ils étaient plus motivés pendant la tâche. Ces participants étaient également plus nombreux à croire qu'ils avaient atteint leurs objectifs personnels pendant l'exercice.

D'autres expériences en ligne ont suggéré que la recherche de sentiments d'inconfort pouvait également motiver les gens dans toute une série d'autres situations. Dans une étude, les participants ont participé à un exercice d'écriture dont on leur a dit qu'il pouvait les aider à résoudre un problème émotionnel important. Certains ont été informés que le but de l'exercice était de se sentir gêné et mal à l'aise, et que ces sentiments étaient un signe de bon fonctionnement de la tâche. À la fin de l'exercice, ces participants étaient plus nombreux à croire que l'exercice les avait aidés à grandir sur le plan émotionnel et à développer des capacités d'adaptation, et étaient plus motivés à le répéter à l'avenir, par rapport à un groupe témoin.  

Dans d'autres études, les participants ont été encouragés de la même manière à se sentir bouleversés ou mal à l'aise en lisant des articles sur Covid-19, la violence armée ou les opinions d'un parti politique opposé. Ces participants montraient une plus grande motivation pour se renseigner sur ces sujets, que les participants du groupe témoin qui n’avaient pas cherché pas à sentir mal à l'aise.

Les résultats suggèrent donc que nous devrions rechercher les sentiments de gêne ou d'inconfort qui sont souvent associés à la croissance personnelle, et les interpréter comme des signes de progrès dans la réalisation de nos objectifs. Ce recadrage peut nous motiver dans les situations dans lesquelles nous sommes confrontés à ce que nous pourrions considérer comme des expériences émotionnelles négatives.

Commentaires pour les coachs de santé

Les auteurs rappellent que les effets positifs observés ne se produisent que dans des domaines du développement personnel associés à un inconfort immédiat. Néanmoins, voici une recherche fort intéressante car elle débouche sur des applications directement opérationnelles. L’étude ne dit pas si les effets de l’acceptation de l’inconfort sont durables dans le temps. 

Cette étude renvoit à la démarche de Virginia Satir qui disait que ce n’est jamais le premier ressenti d’inconfort qui peut poser problème, mais que c’est plutôt le second ressenti (ce que je ressens vis à vis du premier ressenti) qui représente la réelle difficulté émotionnelle. Ce n’est pas la même chose d’être curieux de sa colère, que d’être effrayé par sa colère. On peut être honteux de sa gêne de parler en public, ou ressentir une certaine excitation vis-à-vis de cette gêne. On peut avoir peur de son stress, ou considérer que ce stress nous prépare à l’action. C’est donc la relation au premier ressenti qui peut poser problème, car cette relation va déterminer si le premier ressenti est un ami ou un ennemi. Le premier ressenti nous renseigne sur notre capacité d’adaptation à une situation nouvelle. Le second ressenti comporte un jugement qui nous parle, non pas de ce qui se passe dans le présent, mais de notre histoire personnelle. C’est second ressenti qui peut s’opposer durablement à notre volonté de croissance et de développement. Donc sachons accueillir les ressentis difficiles, les recadrer de la façon la plus aidante, puis amener des ressources au second ressenti pour le transformer de façon plus aidante. 

Sources

Motivating Personal Growth by Seeking Discomfort; Kaitlin Woolley, Ayelet Fishbach; Psychological Science; First Published March 29, 2022; https://doi.org/10.1177/09567976211044685

Embracing discomfort, rather than avoiding it, can help us work towards our personal goals ; Research Digest; March 30, 2022;