Des maladies causées par nos souvenirs

Des maladies causées par nos souvenirs

Le cerveau semble se souvenir de ses réactions immunitaires, et le rappel de ces souvenirs peut les déclencher à nouveau, ce qui pourrait expliquer certaines maladies psychosomatiques.

Les troubles psychosomatiques ou psychobiologiques, sont décrits comme des maladies qui apparaissent sans cause biologique apparente et dont le déclencheur est souvent une forte composante émotionnelle.  Des facteurs psychologiques peuvent provoquer des maux bien réels : hypertension, douleurs chroniques, dermatite, impuissance etc. Activés par l’émotion attachée au souvenir, les neurones du cortex insulaire sont responsables de la réactivation d'une réponse immunitaire "mémorisée", provoquant les symptômes psychosomatiques.  Une expérimentation animale montre que la suppression de ces neurones peut immédiatement réduire la gravité de la maladie.

Si la personne assise à côté de vous tousse, vous pensez aux infections dues au Covid-19. Vous trouvez alors que votre gorge commence à vous démanger, vous éternuez et frissonnez. La personne ne toussant que depuis quelques secondes, l’infection n’a pas pu se disséminer pour provoquer des symptômes. Après avoir reçu vos résultats négatifs au COVID, vous réalisez que vos réactions ont été produites dans votre tête. Y a t-il des neurones dans le cerveau qui pouvent induire une sensation de maladie, voire une maladie réelle ? 

Notre cerveau stockerait des souvenirs de maladies passées. Notre conscient va retrouver les événements externes de la maladie, l’inconfort des symptômes, les jours passés au lit, les médicaments absorbés, pendant que notre subconscient mémorise la réaction du système immunitaire à la maladie. L’étude publiée dans la revue Cell (1) montre que les "mémoires de réponses immunitaires" sont à l'origine des maladies psychosomatiques et que le blocage de ces mémoires soulage non seulement les maladies psychosomatiques, mais aussi des maladies "réelles".

La mémoire pavlovienne. 

Lorsque Pavlov présentait de la nourriture à un chien, celui-ci se mettait à saliver. Puis le chien a été conditionné à saliver au son de la cloche, même en l'absence de nourriture. Le cerveau du chien a emmagasiné le souvenir d'avoir salivé après avoir entendu une cloche. Ainsi, lorsque le chien entend une cloche, son cerveau se souvient de sa réaction initiale, détermine que saliver est la réponse appropriée et recrée cette réponse.

En 1974, Robert Ader et Nicholas Cohen ont découvert que le système immunitaire pouvait être conditionné de la même manière. Les souris buvaient de l’eau contenant de la saccharine, puis recevaient un produit qui provoquait des nausées et inhibait le système immunitaire. Les souris mouraient rapidement d’infections. Les chercheurs découvrirent qu’après ce conditionnement initial, les souris forcées à boire de l’eau sucrée mais ne recevant pas le produit toxique réagissaient par une suppression du système immunitaire et des infections. En buvant de l’eau sucrée le cerveau des souris identifiait deux réponses : d’une part le danger de boire l'eau sucrée et d’autre part la suppression du système immunitaire. Ader et Cohen ont conclu que le cerveau peut stocker le souvenir des réponses immunitaires à des stimuli, et que de nouveaux contacts avec ces stimuli amenait le cerveau à reproduire automatiquement la réponse immunitaire précédente.

Les réponses immunitaires peuvent se déclencher sans utilité

Quand un chien salive pour manger, la salivation est utile. Par contre une salivation sans raison ne sert à rien. Les réponses immunitaires fonctionnent comme la réaction salivaire : elles provoquent une réaction utile (fièvre, inflammation, fatigue) quand elles ont un but, par exemple nous défendre d’une infection. La réaction immunitaire est par contre inutile lorsqu’elle n’a pas de but, comme dans le cas d’inflammations, d’arthrites, d’allergies. 

De nombreuses maladies psychosomatiques sont des réponses immunitaires sans but, dont des erreurs d’interprétation de la situation. Une réaction allergique brutale aux cacahuètes est une erreur d’interprétation du système immunitaire, comme si les cacahuètes étaient un réel poison. Pour prévenir une réaction allergique aux cacahuètes, il semblera plus facile d’éviter de les consommer, que d’éviter les souvenirs des premières réactions allergiques à leur consommation. 

Le souvenir des réponses immunitaires déclenche la réaction immunitaire

Des chercheurs Israéliens (1) ont fait l'hypothèse que les souvenirs des réponses immunitaires pouvaient être stockés dans le cortex insulaire. Cette région du cerveau détecte sans cesse l'état physiologique du corps (par exemple, la température corporelle et les niveaux d’hydratation et d’énergie) et traduit les écarts en sensations physiques (par exemple, la chaleur, la soif et la faim) qui vont mener à des comportements. Des recherches antérieures avaient montré qu’un cortex insulaire dysfonctionnel n’était plus en capacité de stocker les souvenirs de la réponse immunitaire.

Sur un modèle animal, les chercheurs ont provoqué une inflammation intestinale tout en notant l’activation d’un groupe de neurones dans le cortex insulaire. Ils ont ainsi observer la création de la mémoire d'une réponse immunitaire. Un mois plus tard les chercheurs ont déclenché la mémoire immunitaire en réactivant les neurones du cortex insulaire qui avaient été activés pendant l'inflammation intestinale initiale. Sans aucun stimulus extérieur (autre que cette activation des neurones), la réaction inflammatoire intestinale est réapparue. Donc le simple fait de se "souvenir" de l'inflammation a amené le cerveau à réactiver l’inflammation.

La composante psychosomatique ou psychobiologique des maladies

Les chercheurs ont également cherché à savoir si le cortex insulaire pouvait jouer un rôle lors de l'expérience inflammatoire initiale ou s'il ne faisait que stocker des informations à retrouver plus tard. Autrement dit, la composante mentale se retrouve-t-elle même dans les maladies considérées comme non psychosomatique ?

Chez des souris qui n'avaient pas eu d’expérience de la maladie, les chercheurs ont provoqué une inflammation intestinale par des stimuli externes, tout en inhibant l'activité des neurones du cortex insulaire. Dans ces conditions, c’est-à-dire en l’absence d’une mémoire dans le cortex insulaire, l’intensité des symptômes cliniques et de la réponse immunitaire de la maladie inflammatoire a été considérablement réduite. Ces résultats suggèrent que même des maladies que l'on considérait auparavant comme non psychosomatiques pourraient avoir une composante psychologique, qui peut aggraver leurs effets. L'identification du rôle du cortex insulaire dans la régulation immunitaire ouvre la voie à de nouvelles méthodes de prévention et de traitement des maladies.

Les applications humaines des découvertes 

Même si la transposition des expériences sur la souris à l'homme présente de multiples difficultés, ces découvertes ouvrent une nouvelle voie thérapeutique pour traiter les affections inflammatoires chroniques telles que la maladie de Crohn, les allergies, le psoriasis et d'autres maladies auto-immunes, en atténuant leur trace dans le cerveau. "Une telle connexion présente des avantages sur le plan de l'évolution", a déclaré le professeur Rolls pour expliquer l'étrange phénomène selon lequel le système immunitaire devrait être activé par la seule mémoire, sans déclencheur extérieur.

"L'organisme doit réagir à une infection le plus rapidement possible avant que les bactéries ou les virus qui l'attaquent ne puissent se multiplier. Si par exemple la consommation d’un aliment expose le corps à l'infection et à l'inflammation une fois, le corps a un bénéfice à se préparer au combat lorsqu’il est sur le point de se livrer à nouveau à la même consommation. Un temps de réponse plus court permet au corps de vaincre l'infection plus rapidement et avec moins d'efforts. Le problème, bien sûr, c'est lorsqu'un mécanisme aussi efficace devient incontrôlable et peut à lui seul générer la maladie."

Commentaires pour les coachs de santé

Cette étude montre que le cerveau est indissociable du système immunitaire, que le cerveau stocke une représentation des conditions du déclenchement d’une inflammation chez les souris, afin de pouvoir reproduire la même réaction en cas de perception d’un danger. Ceci n'est pas tout à fait surprenant, car c’est le principe même du fonctionnement du système immunitaire lors des vaccinations.  Il est intéressant de noter que lors des essais cliniques sur le vaccin anti Covid, de nombreux sujets ayant reçu le placebo ont ressenti des effets secondaires très proches de ceux observés chez ceux ayant reçu le vaccin lui-même. La réaction physiologique a été causée par un processus mental et non un déclencheur externe.

Cette étude est passionnante car elle apporte un formidable crédit à la médecine psychosomatique, à la neuro-immuno-psychologie, aux connexions étroites entre le corps et l’esprit, au rôle longtemps rejeté du mental dans le déclenchement et le maintien des maladies. 

Le concept de maladies psychosomatiques est né dans les années 80. Selon une théorie psychanalytique les maladies étaient toutes provoquées par les pensées. Même si cette idée est millénaire dans les médecines traditionnelles, la pratique des psychanalystes et psychothérapeutes allaient dans le même sens, mais la science n’était pas en mesure de valider cette idée. De plus cette idée a été particulièrement mal comprise du grand public et violemment rejetée. Car les personnes malades pensaient que la réalité de leurs symptômes physiques ne pouvaient être reconnus puisqu’ils « inventaient » leur maladie dans leur tête. Le rôle du mental dans l’apparition des maladies est d’ailleurs toujours mal compris. Déclarer que nous contribuons à créer nos maladies par notre mode de pensée est inacceptable pour de nombreuses personnes. Car immédiatement les personnes malades peuvent se sentir coupables d’avoir créé leur maladie. La culpabilité n’a rien à faire ici. Car les mécanismes de défense qui font intervenir nos représentations mentales sont automatiques et inconscients, et ils visent la défense de notre corps comme l’explique l’étude ci-dessus. Aucune personne ne crée volontairement sa maladie. A la culpabilité peut s’ajouter le sentiment d’impuissance : si j’ai contribué à créer ma maladie par mes modes de pensée, ce ne sont pas les changements de mes modes de pensée qui vont me guérir ou modifier le cours de la maladie. Ce sentiment d’impuissance est bien souvent entretenu par une méconnaissance du pouvoir que nous avons sur notre santé, par une bonne utilisation des connexions entre notre corps et notre esprit, et par un changement de niveau de conscience.

Prenons l’exemple de l’allergie. Il faut savoir qu’il est possible de déclencher une réaction allergique en présence de réels allergènes végétaux, comme en présence de faux allergènes (des représentations 100% plastique de ces végétaux). Comment cela est-il possible ? Si une personne traverse une période de vie émotionnellement difficile du fait d’une menace pesant sur son intégrité (rupture amoureuse, professionnelle, sentiment d’abandon ou de négligence, besoin d’affection non reconnu, harcèlement…), le système immunitaire va s’activer pour répondre à tout ce qui est perçu comme dangereux dans l’environnement proche, et défendre l’intégrité physique et psychologique du sujet par une réaction immunologique. Le pollen présent à ce moment là (ou toute autre substance) peut être perçu à tort comme un ennemi et déclencher la réaction immunologique.  Le cerveau va conserver une mémoire de cet événement et déclencher une réaction allergique chaque fois que le sujet sera en présence de ce qui a été considéré comme un allergène dans le passé. Maintenant nous devons savoir que le système immunitaire peut être éduqué par la vaccination, et qu’il peut aussi désapprendre ses erreurs par la pensée. Par exemple en créant des situations de contre exemples. En expérimentant la présence de déclencheurs proches du pollen (par exemple des parfums végétaux que je respire sans réactions anormales), pour lesquels le système immunologique réagit d’une manière normale, le cerveau peut apprendre à réagir autrement en découvrant que ce qu’il a considéré comme un ennemi n’en est pas un. Le traitement du symptôme nécessite probablement un antihistaminique, la mémoire de la réaction immunologique nécessite un mode de pensée distinct de celui qui a créé cette mémoire. 

Ce qu’il convient de retenir, c’est que le corps et le mental sont deux aspects d’un même système. Nos pensées impactent notre physiologie. Et toute atteinte physique de notre corps, s’accompagne nécessairement de modifications de nos représentations mentales. Ces modifications sont inconscientes (les associations, relations de cause à effet, les synesthésies) ou initialement conscientes (croyances sur les causes, le sens, ou les limitations qu’entrainement les altérations du corps) avant de devenir inconscientes. Cette vision des interconnexions entre corps et esprit est source nombreuses nouvelles possibilités de guérison. Dès que les interventions sur le corps montrent des limites, il est temps de voir ce qu’il est possible de faire au niveau du mental. 

Sources

(1) Insular cortex neurons encode and retrieve specific immune responses ; Tamar Koren; Re’ee Yifa; Mariam Amer; Oren Kobiler; Kobi Rosenblum; Asya Rolls ; Cell 11 Article Volume 184, Issue 24, P5902-5915.E17, Novembre 24, 2021 2021DOI:https://doi.org/10.1016/j.cell.2021.10.013

(2) Psychosomatic illness: Are some diseases caused by our memories ? Peter Rogers; BigThink HEALTH - January 5, 2022 ;

(3) Exploring Psychosomatic Inflammation: How Perception and Memory Can Influence Illness; Neuroscience Psychology·November 8, 2021;